Si la Première Guerre Mondiale, dont les commémorations du centenaire vont se poursuivre jusqu'en 2018 a marqué la fin du XIXème siècle, et a signifié le basculement de l'Europe, et au-delà du monde, dans un nouvel univers, le second conflit mondial a construit largement nos imaginaires et nos références politiques.
Les trois guerres d'Hitler
On doit rappeler que dans ce conflit, et si l'on met (provisoirement) de côté les affrontements de Chine et du Pacifique, trois guerres se sont superposées. Cette superposition donne aussi à ce conflit sa nature profonde.
Cette seconde guerre se déploie totalement lors de l'attaque contre l'Union Soviétique en 1941. C'est une guerre d'asservissement des populations slaves, et en particulier — mais non exclusivement — de la population russe. La France commémore avec horreur et tristesse la mémoire du massacre commis en juin 1944 par la Das Reich à Oradour-sur-Glane; mais c'est par centaines que se comptent les villages martyrisés par l'armée allemande, et pas nécessairement les unités de la SS, en Biélorussie, en Russie et en Ukraine orientale. La sauvagerie de la soldatesque allemande envers la population, mais aussi de la population allemande envers les travailleurs, hommes et femmes, raflés et traités en esclave sur le territoire du Reich n'a pas connue de bornes. La violence de cette guerre arme le ressort d'une haine inexpiable qui s'abattra sur le peuple allemand en 1945.
Une guerre idéologique
De fait, cette troisième guerre devient la « vrai » guerre pour Hitler et ses séides, la seule qu'ils espèrent gagner. Elle sert aussi au régime nazi à souder autour de lui la population allemande, et les alliés de circonstances qu'il a pu trouver, en raison de l'horreur des crimes commis. Si la guerre d'asservissement menée contre les populations slaves rendait peu probable une paix de compromis à l'Est, la guerre d'extermination, dont le principe fut connu des soviétiques dès le début de 1942 et des britanniques et des américains dès la mi-1942, eut pour effet de durcir jusqu'à l'inimaginable le conflit à l'Ouest. Du fait de ces deux guerres, l'Allemagne nazie ne pouvait que vaincre ou périr et, dès le début de 1943, Hitler lui même est convaincu qu'il ne peut plus triompher militairement.
Le tribunal de Nuremberg prit acte de la spécificité du second conflit mondial. En créant la notion de « crimes contre l'humanité » et en déclarant leur nature imprescriptible, il a voulu signifier la différence fondamentale entre le premier et le second conflit mondial. Mais, la guerre froide empêcha cette logique d'être pleinement reconnue.
La commémoration de la victoire sur le nazisme n'est donc pas celle d'une victoire d'un pays (ou d'un groupe de pays) sur un autre. Les guerres d'asservissement et d'extermination ont donné à cette victoire une portée universelle. C'est ce que cherche à nier le pouvoir de Kiev avec le projet de loi 2538-1 mettant sur un pied d'égalité les bourreaux et les victimes. Cela a suscité des protestations d'historiens du monde entier. Cette victoire ne peut pas, et ne doit pas, être instrumentalisée à des fins politiciennes.
L'Union soviétique porta le fardeau le plus lourd, et eut à faire face, jusqu'en novembre 1943 à près de 70% des troupes hitlériennes. Il serait normal, il serait juste, que au-delà des conflits qui peuvent opposer les dirigeants français et russes, le Président français, ou à tout le moins son Premier-ministre, se rende à Moscou pour le 9 mai.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.
Jozef Karszalek, Maïdanek, histoire et réalité du camp d'extermination, Rowohlt, Hambourg, 1982