Ouverture du procès du général Ghediri: le "dossier demeure plus que jamais vide"

© Photo Facebook/Nabila Slimi BenhamdineNabila Slimi Benhamdine
Nabila Slimi Benhamdine - Sputnik Afrique, 1920, 22.09.2021
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Dans un entretien à Sputnik, Me Nabila Slimi affirme que l’ex-général-major Ali Ghediri, dont le procès s’ouvre ce mercredi à Alger, a toutes ses chances d’être acquitté après plus de deux ans d’incarcération, car "aucun élément nouveau ni la moindre preuve matérielle à charge n’ont été rajoutés au dossier qui demeure plus que jamais vide".
Ce mercredi 22 septembre s’ouvre au tribunal de Dar El Beïda, à Alger, le procès du général-major à la retraite et ex-candidat à la présidentielle d'avril 2019, Ali Ghediri, après plus de deux ans de détention provisoire "arbitraire".
L’ex-haut gradé de l’armée algérienne a été placé en détention le 13 juin 2019 pour deux chefs d’inculpation: "complicité dans la communication des informations à des agents étrangers portant atteinte à l'économie nationale", qui a fait l’objet d’un non-lieu prononcé en juin 2020 par la chambre d'accusation près la Cour d'Alger, et "participation en connaissance de cause à une entreprise de démoralisation de l'armée ayant pour objet de nuire à la Défense nationale", pour lequel il est actuellement poursuivi.
Ses avocats continuent d’affirmer que le dossier de leur client "est vide".
Y a-t-il des éléments nouveaux dans l’action entamée contre le Dr Ali Ghediri par la justice algérienne? Pour quelle raison sera-t-il jugé au pénal et non en correctionnel? A-t-il des chances d’être acquitté? Son procès est-il plus politique que juridique?
Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité Me Nabila Slimi, membre du collectif de défense du général Ghediri, titulaire d’un doctorat en science politique de l’université d’Alger III. Pour elle, "ce procès est l’épreuve de vérité par excellence à laquelle seront soumis la justice algérienne et le sérieux des promesses du Président Abdelmadjid Tebboune, chef suprême des Forces armées et premier magistrat du pays, qui a affirmé à maintes reprises que tous ceux qui ont été injustement emprisonnés par la mafia du pouvoir de feu Abdelaziz Bouteflika seront libérés et réhabilités dans tous leurs droits".

"Aucun élément nouveau ni preuve matérielle"

"Nous ne cesserons jamais de répéter que le Dr Ali Ghediri, qui a eu une carrière militaire irréprochable jusqu’à sa dernière fonction de directeur central des ressources humaines au ministère de la Défense, est victime d’un acharnement judiciaire à des fins politiques", expose Me Slimi, soulignant que son client a été emprisonné dans le but de l’empêcher de se porter candidat à la présidentielle d’avril 2019".
Et d’ajouter que "depuis le renvoi de son procès au pénal, aucun élément nouveau ni la moindre preuve matérielle à charge n’ont été ajoutés au dossier qui demeure plus que jamais vide. On veut punir cet officier général, l’une des meilleures élites de l’Armée nationale populaire (ANP), dont le nom est gravé dans les registres des meilleurs élèves des académies militaires de Moscou et de Saint-Pétersbourg, pour avoir cherché à exercer son droit constitutionnel comme n’importe quel Algérien".

Sur quoi se base l’accusation?

Dans le même sens, elle rappelle que ce qui est reproché à son client tient à un entretien accordé le 25 décembre 2018, soit deux mois avant le début du Hirak (22 février 2019), par le Dr Ali Ghediri au journal El Watan. Dans celui-ci, il évoquait le rôle que doit jouer l’ANP pour accompagner un changement politique calme et serein dans un cadre strictement constitutionnel. Le général Ghediri s’était alors exprimé "dans une situation gravissime" pour l’Algérie, marquée par une "déconfiture des institutions" sur fond de maladie et d’absence, depuis 2013, de l’ex-Président déchu feu Abdelaziz Bouteflika, pour qui de surcroît un cinquième mandat était en préparation, rappelle-t-elle.
"Seule l’armée, en l’état actuel des choses et face à la déliquescence des autres institutions et au conditionnement dans lequel est mise l’administration, serait capable d’empêcher les uns et les autres de toucher aux urnes pour frauder et faire passer leur candidat. Je reste convaincu que [feu] le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah [chef d’état-major de l’ANP et vice-ministre de la Défense à l’époque, ndlr] ne permettra à qui que ce soit de violer d’une manière aussi outrageuse la Constitution", déclarait le général Ghediri à El Watan.
"C’est ce paragraphe tiré de l’entretien d’El Watan qui figure encore et toujours comme le seul chef d’accusation dans le dossier du général Ghediri et pour lequel il sera jugé au pénal par un tribunal civil", assure Me Slimi. Dans ce même entretien "le Dr Ghediri avait également loué les qualités et le patriotisme de feu le général Ahmed Gaïd Salah, ex-chef d’état-major de l’ANP à l’époque".
Et de s’interroger: "Où est la logique derrière le choix du premier paragraphe pour inculper le général Ghediri, tout en occultant le deuxième où il fait l’éloge du général Gaïd Salah? Par ailleurs, nous invitons tous les Algériens à relire la contribution du Dr Ali Ghediri publiée également par El Watan le 22 novembre 2018, soit trois mois avant le début du Hirak béni, constitutionnalisé en décembre 2020. En effet, intitulé "Lettre aux aînés", la publication de M.Ghediri était un appel prémonitoire à tous les patriotes en traçant une véritable feuille de route pour la sauvegarde de l’État-nation algérien. C’était un plaidoyer pour les meilleures et les hautes valeurs fondatrices de notre patrie et un cri du cœur pour un sursaut républicain salvateur. Pourquoi cette lettre n’est-elle pas prise en considération, alors qu’un petit paragraphe tiré du contexte global d’un entretien est retenu comme chef d’inculpation?".

D’autres hauts gradés libérés

À ce titre, Me Nabila Slimi revient sur les cas des généraux Mohamed Lamine Mediène, dit Toufik, ex-patron durant 25 ans (1990-2015) des services de renseignement algérien (DRS), et Khaled Nezzar, ex-chef d’état-major de l’ANP (1988-1990) puis ex-ministre de la Défense nationale (1990-1993). En effet, ces deux officiers généraux de première importance avaient été respectivement condamnés à 15 et 20 ans de prison ferme pour "complot contre l’autorité de l’État" et "de l’armée". Le général Toufik a été effectivement incarcéré à la prison militaire de Blida, alors que le général Nezzar était sous le coup d’un mandat d’arrêt international.
"En août 2019, le général Nezzar, qui avait expliqué auparavant que le procès et le mandat d’arrêt international émis à son égard étaient "une affaire politique montée de toutes pièces par l’ancien pouvoir", appelait dans une vidéo publiée sur YouTube ses camarades militaires à se révolter contre l’autorité de feu le général Gaïd Salah", détaille l’avocate.
Ainsi, "comment expliquer que les généraux Toufik et Nezzar aient été blanchis dans cette affaire [avec le général Bachir Tartag et Saïd Bouteflika, qui sont encore en prison pour des affaires de corruption, et Louisa Hanoune, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), ndlr] et pas le Dr Ghediri? Le général Nezzar, dont le juge dispose d’une vidéo comme preuve matérielle à charge, a été disculpé par la justice militaire et il est rentré avec les honneurs militaires de l’étranger à bord d’un avion présidentiel, alors que son confrère Ali Ghediri est encore en prison à cause d’un petit paragraphe tiré d’un article publié six mois avant son arrestation? Pourquoi ne l’a-t-on pas arrêté le jour même?".

"L’Algérie a besoin d’un souffle nouveau"

Enfin, Me Nabila Slimi juge que "si la justice algérienne a abandonné les charges contre les généraux Toufik et Nezzar, nous ne pouvons que nous en féliciter et leur souhaiter une retraite paisible et un repos bien mérité. Néanmoins, nous nous adressons à notre tour au nouveau ministre de la Justice et au Président Abdelmadjid Tebboune pour leur demander de veiller à l’application stricte et juste des lois de la République, dont ils sont les garants et les protecteurs, dans le cas du général Ghediri".
"L’Algérie a besoin d’un souffle nouveau, d’alternatives courageuses que les anciennes pratiques ne peuvent lui procurer, encore moins lui ouvrir un horizon vers un avenir meilleur. La "Nouvelle Algérie" que chaque Algérien appelle de tous ses vœux a besoin d’une réelle refondation démocratique et d’une totale reconfiguration institutionnelle, plaçant le droit au centre des rapports entre citoyens et entre gouvernants et gouvernés", insiste-t-elle, avant de conclure: "sur cette voie, le Président Tebboune trouvera dans la personne du Dr Ali Ghediri un allié courageux, sincère, sûr, lucide et déterminé".
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