Jeanne d’Arc ou les damnés de l’école républicaine

© Flickr / Roger SalzMonument à Jeanne d'Arc
Monument à Jeanne d'Arc - Sputnik Afrique
S'abonner
Le nouveau programme de l’histoire est déjà mis en place dans l’école élémentaire française. Pourtant, certaines lacunes et incohérences subsistent. Un problème plus large encore est toujours à l’ordre du jour : comment intéresser les enfants de 9 -12 ans à l’Histoire ?

C'est une prouesse — d'enseigner l'Histoire de France composé d'histoires si contradictoire et complexe aux enfants.

« Pourquoi renions-nous autant notre culture française »

Même si l'Histoire n'est pas faite seulement par les personnalités illustres mais également par les « masses populaires », certaines figures se placent tels les jalons sur son courant. Mais où sont-ils passés: Clovis, François Ier ou Jeanne d'Arc? « Depuis une trentaine d'années, la France traverse une crise d'identité incroyable, — nous confie Dimitri Casali, historien et spécialiste de la Révolution et de l'Empire, — Aucun pays du monde ne sacrifie autant sa propre histoire au nom de la repentance et du politiquement correct. Je me suis interrogé pour comprendre — pourquoi? Est-ce au nom de l'idéologie ou de l'individualisme? Pourquoi renions-nous autant notre culture française qui fut un modèle pendant des siècles pour l'Europe est pour le monde entier? Suite à mon expérience personnelle, j'ai l'impression qu'on a envie d'enseigner à nos enfants que les Français furent tous — d'horribles esclavagistes au XIX siècle, tous — d'infâmes colonisateurs au XVIII siècle, et tous — des collaborateurs du régime nazi au XX siècle.

On a appris à nos enfants à détester tout ce qu'ils aiment, et à aimer tout ce qu'ils détestaient. C'est en parti une des raisons d'évènements du janvier 2015, des attentats parisiens qui ont encore aggravé cette crise d'identité que traverse la France »

L'école française: lire et faire lire - Sputnik Afrique
L'école française: lire et faire lire
Comment s'en sortir de ce cercle vicieux de mea culpa permanent en France? C'est bien connu, les gens humiliés, à qui en plus comme c'est le cas en France, on enseigne la politesse, donc la nécessité de se retenir jusqu'à cacher ses vraies sentiments, sont capables d'excès de violence inexpliquées. Si on dressait un parallèle avec l'Histoire de la Russie, de l'URSS: le débat public lucide sur la période stalinienne n'a pas été fait, ce qui laisse un champ ouvert à toute sorte de crises « du culte stalinien » de temps en temps à travers le pays. Comment vivre dans l'harmonie avec l'histoire de son pays? Comment créer l'unité de la nation à travers l'histoire vécue sans tomber dans le passéisme? Comment avancer tout en continuant à désaltérer la soif du savoir dans les sources de l'histoire?

« On peut encore trouver un récit national fédérateur, — certifie l'historien Dimitri Casali, — qui donne envie à tous les citoyens français, même aux nouveaux émigrés, pour qu'ils soient fiers de leur appartenance française. Le problème est que c'est loin d'être le cas à cause de quatre détracteurs qui sont en train de mettre à bas toute la culture de l'enseignement de l'histoire: Ministère de l'Education nationale qui se tire une balle dans le pied dans une fuite en avant multiculturaliste, le lobbying des groupes communautaires qui instrumentalisent l'Histoire à leur profit et nos hommes politiques dans un but électoraliste.

On peut souligner la multiplication de lois mémorielles, par exemple, la Loi Taubira en 2001 qui décrète que la Traite négrière est un crime contre l'humanité. Là, uniquement les occidentaux sont pointés de doigt et on oublie totalement de parler de la traite pratiquée par les arabes, ou encore — la traite pratiquée par les Africains entre eux. Comme cela, on voit toujours ce poids de « détestation de soi » qui sommeille dans les nouvelles lois. »

Peur complexée de grands hommes de l'histoire

Les hommes politiques et les medias rajoutent volontiers dans cet acharnement de dépiécer l'histoire de France. Notre interlocuteur cite le récent livre de Lionel Jospin que l'auteur appelle sans détour et annonçant la couleur: « Le Mal napoléonien » Pourtant, l'ex-premier ministre dans son interview accordé à « L'Observateur » donne une explication qui parait illogique: «…je montre en quoi les quinze années du Consulat et de l'Empire ont été néfastes pour la France et pour l'Europe. Quant à son héritage, il reste quelques grandes institutions mais aussi une certaine nostalgie française de la grandeur factice, associée paradoxalement à un manque de confiance, qui conduit parfois nos compatriotes à soupirer après un pouvoir fort. »

Pourquoi qualifie-t-il la grandeur de Napoléon de « factice »? Puis, pourquoi on a envie d'un pouvoir fort par « manque de confiance »? Il semble plutôt que c'est une personnalité forte est sûre de soi, inspirée par les grandes figures de l'Histoire qui puisse « supporter » un pouvoir fort. A-t-on peur du pouvoir « individuel » (sous-entendu « totalitaire »)? Mais la démocratie n'est-elle pas forte à travers la force de ceux qui la composent? On reposera un jour ces questions à Dimitri Casali qui fait paraitre le 6 mai 2015 un grand ouvrage « Qui a gagné Waterloo? Napoléon 2015 » aux éditions Flammarion.

Problèmes pédagogiques

Autre question qui doit se poser tous les jours devant les professeurs au collège, même s'ils décident de prendre sur soi et combler quelque grands pans de l'Histoire de France, laissés en marge du programme obligatoire, c'est comment décrire ce grand fleuve d'évènements historiques aux enfants sans être didactique et ennuyeux tout simplement.

« Dans la pédagogie, on a totalement abandonné deux choses fondamentales, — s'insurge Dimitri Casali, — tout d'abord, que l'Histoire c'est un récit, il faut savoir raconter une histoire. Autre pilier — c'est la chronologie. Elle a été abandonnée. Ce qui est enseigné en France est sidérant: c'est une « Histoire zapping », Histoire sans dates, uniquement thématique où les grandes thèmes compassionnelles comme « le droit de l'homme » ou « la lutte antiraciste » sont enseignés. Pour moi, il s'agit de thèmes sociologiques, non de thèmes de l'Histoire. Avant, on savait raconter des histoires passionnantes.

Il s'agit de 2000 ans d'Histoire. Le monde entier nous envie. En plus, ce sont les histoires absolument merveilleuses. Il suffit de penser à Clovis qui représente les racines chrétiennes. Les différentes gouvernements l'ont essayé d'éradiquer. En particulier, le dernier Ministre d'éducation nationale Vincent Peillon disait tout haut et tout fort dans ses derniers livres que pour lui l'Histoire de France commençait avec la Révolution française de 1789. C'est encore une autre aberration. La France est gouvernée par les idéologues qui n'ont aucune conscience du poids de l'Histoire de leur propre pays.

L'histoire de France est un magnifique instrument pour donner envie d'en savoir plus. Cicéron disait: « l'Histoire est l'institutrice de la vie» Si aujourd'hui les Français sont si peu citoyens, c'est parce qu'ils connaissent mal l'histoire »

Jeanne d'Arc reléguée dans un « compartiment FN»

Soit, mis à part l'enseignement chronologique, on peut garder l'enseignement thématique de l'Histoire. Mais si on prenait le thème « les droits de la femme » vous n'y verrez pas de vie de Jeanne d'Arc en tant que héroïne nationale. Pourtant, son exemple peut servir à illustrer les grands thèmes salvateurs comme « rôle de la personnalité dans l'histoire », l'amour pour son patrie — ce « patriotisme » qui sonne presque sur le ton accusateur parfois, ou encore les thèmes de résistance (avant la Résistance) et du sacrifice — quoi de mieux pour enseigner dans un monde de plus en plus égoïste…

« Depuis quelques années ils existent des directives officieuses du Ministère de l'éducation nationale aux Inspecteur académiques, — précise l'historien Dimitri Casali, — qui interdit d'enseigner Jeanne d'Arc à nos enfants. On se croirait sous un régime stalinien! Même s'il ne s'agit pas de l'URSS, les vraies raisons sont idéologiques. Jeanne d'Arc représente le symbole du patriotisme à travers le monde, elle est mondialement connue et s'est vue ériger des monuments partout — à Washington, à Toronto, à Cambera en Australie — et son histoire défient les romans les plus fous. C'est bien pour ça aussi que c'est un des grands personnages représenté au cinéma actuel, de Bergman à Bresson.

Cette histoire est bannie de l'école française, parce qu'il y a eu un rapt par le partie d'extrême droite Front National sur l'effigie de Jeanne d'Arc. Mais pourquoi cela s'est produit? Parce que nos élites intellectuelles ont complètement bannit et mis de côté Jeanne d'Arc depuis les années 1970. On hésitait de parler d'une Sainte catholique qui était canonisée en 1921, ce qu'on pourrait considérer comme un grand drame de Jeanne: Impossible d'enseigner l'histoire d'une Sainte dans une école républicaine, surtout en 2015 avec tous les problèmes multiculturalistes »

Voilà encore un thème transversal qu'on pourrait aisément enseigner dans le cadre de l'Histoire de France: le sacrifice héroïque. Comment expliquer les valeurs de la vie humaine sans dresser ce tableau d'un conflit géant où s'offre le spectacle quotidien de la mort consciente, assumée et héroïque? Ce tableau d'un évènement historique qui deviendrait un paysage sur lequel se détachent une figure, un personnage de l'Histoire prêt à accepter la mort sacrificielle… Et qui mieux que Jeanne d'Arc pourrait en être l'illustration?


Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала