Les archives de Vichy: ce qu’elles apportent

© Flickr / jean-louis ZimmermannVichy
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Le gouvernement français avait décidé voici quelques mois de rendre accessibles les archives policières et judiciaires couvrant la période du 3 Septembre 1939 au 8 Mai 1945, c’est-à-dire la fin de la 3ème république, le régime de Vichy et l’épuration.

Si l'accès aux archives en soi n'est pas interdit au public, ce sont bien des éléments et des faits longtemps cachés qui ressurgissent, depuis Décembre; c'est ce que nous explique Mme Sophie Coeuré, Professeur d'histoire contemporaine à l'Université Paris 7 Denis Diderot:

« Il s'agit d'un décret pris au mois de Décembre 2015, et qui permet l'ouverture des dernières archives de Vichy et de la Libération; il y avait un processus progressif de dé-classification qui s'est accéléré dans les années 90 (…); et là on ouvre les dernières archives qui étaient fermées, c'est-à-dire les archives de police judiciaire, qui étaient soumises à un délai de 75 ans après le dernier document qui figure dans le dossier; cela peut donc nous amener dans quelques années. »

Depuis Décembre, l'étude de l'histoire a-t-elle évolué?

« C'est difficile à dire, on est dans des délais très courts et les historiens ne travaillent pas avec des temporalités aussi courtes; il faut que ces dossiers soient déclassifiés complètement: on vérifie que les dossiers ne contiennent pas des documents classifiés (comme ceux relevant de la vie privée); il y a donc beaucoup d'attente, car beaucoup de sujets intéressants: la répression policière sous Vichy, les juridictions spéciales sous l'Epuration, qui jusque-là n'étaient pas ouvertes. »

Le public se demande d'ailleurs ce que l'on n'a toujours pas retenu de Vichy.

« Il y a une différence entre ce que l'on sait et ce qu'on retient; c'est la différence entre le travail d'historien et comment ce travail se diffuse dans l'opinion publique; (…) on pourra mieux connaître les phénomènes de collaboration au sein de la police, mais aussi tout ce qui concerne la poursuite des criminels de guerre, ce qui engage les archives policières et diplomatiques. »

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Souvent, le caractère secret de certains documents les empêche d'être révélés; on pense aux notes diplomatiques. Pourra-t-on découvrir plus en détail les correspondances des dirigeants du régime, ainsi que les relations de vichy avec d'autres pays à l'époque?

« Les archives diplomatiques étaient déjà largement ouvertes; les relations diplomatiques entre Vichy et son environnement allié ou ennemi étaient déjà largement connues. »

Comment les programmes scolaires vont —ils dès lors aborder cette période sombre de notre histoire?

« La question de l'enseignement de l'histoire est tout à fait vitale; la période de Vichy figure déjà dans les programmes scolaires, à différents niveaux et avec différentes pédagogies suivant l'âge des enfants; l'ouverture des archives n'aura pas un impact immédiat ni direct, mais il faut souligner qu'il y a déjà des politiques pédagogiques des archives nationales et départementales en direction des enfants, donc ils peuvent avoir le sentiment d'accéder au document, il y a des expositions d'affiches, de documents de la vie quotidienne, qui sont importants pour comprendre ce qui a été cette période.

Et puis petit à petit une vision plus complexe de l'histoire se diffuse dans les manuels scolaires, c'est-à-dire en finir avec le mythe résistancialiste selon lequel « tous les Français sont des résistants », et on comprend mieux la collaboration, la résistance, et la vie quotidienne des Français, des prisonniers allemands; ce ne sont donc pas seulement les années de la Seconde Guerre Mondiale, mais aussi des années qui ont suivi, qui sont de mieux en mieux connues. »

Cette ouverture des archives de Vichy est à mettre en parallèle avec l'ouverture des archives soviétiques au début des années 90.

« C'est toujours intéressant de comparer l'ouverture des archives, car la bonne histoire ne se fait que de manière comparée, d'autant plus qu'il s'agit d'une guerre mondiale; c'est-à-dire que pour connaître l'histoire de Vichy, il faut travailler sur des archives françaises, mais aussi sur les archives allemandes ou américaines; en ce qui concerne les archives soviétiques, il y a eu deux grandes lois en 1993 et 2004, des lois d'ouverture, qui reprenaient les délais de la loi française (30 ans ou 75 ans, concernant les archives classées défense), avec des nuances importantes (les archives de l'Intérieur sont incarnées par le FSB et ne sont pas toutes ouvertes, les archives du Kremlin sont difficilement accessibles). »

La comparaison avec les archives soviétiques n'est pas anodine. Les deux idéologies totalitaires qu'ont été le communisme et le fascisme ont leurs secrets à dévoiler.

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Cela s'inscrit dans la ligne du devoir de mémoire que chacun doit effectuer, non seulement afin d'être en mesure de se faire une opinion, mais aussi afin de pouvoir distinguer le vrai du faux.

Une approche juste, encore doit-elle être mesurée, lorsqu'on voit les excès qu'a ravivés le mémorial dédié à Mussolini dans le village de Predappio, où est enterré le dictateur déchu. Un musée est d'ailleurs prévu à cet endroit; 5 Millions d'Euros ont été débloqués pour un tel projet.

De l'accessibilité à la banalisation, n'y aurait-il qu'un pas?

Nous verrons.

Mais l'accès à ces archives complètera définitivement le travail des historiens, dont le but n'est pas de nier les faits, ni les réécrire, mais les expliquer et en débattre, comme l'avait si bien dit Pierre Milza face à des révisionnistes.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.

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