Déclaration de patrimoine: Macron dans le collimateur d’Anticor

© REUTERS / Robert PrattaMacron
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L’association de lutte contre la corruption Anticor a saisi la Haute autorité pour la transparence de la vie publique afin de «vérifier le caractère exhaustif, exact et sincère, de la déclaration de patrimoine» d’Emmanuel Macron. Quelles retombées attendre de cette démarche?

La lumière sera-t-elle enfin faite sur les zones d'ombres qui émaillent la déclaration de patrimoine d'Emmanuel Macron? C'est en tout cas ce qu'espère l'association de lutte anticorruption Anticor, qui a annoncé lundi 13 mars avoir saisi la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Insistant sur le fait qu'il n'entend en rien tirer des conclusions hâtives, Jean-Christophe Picard, Président d'Anticor, nous explique s'interroger sur le décalage entre les revenus importants observés (près de 3,3 millions d'euros avant impôts entre 2009 et 2014, date à laquelle il rejoint le gouvernement) et le patrimoine déclaré, soit un peu plus de 156 000 € de fortune nette (patrimoine — endettement), évoquant ainsi un « manque de cohérence »:​

« Nous avons saisi la haute autorité pour demander qu'elle use de ses prérogatives, c'est-à-dire demander des compléments d'explication et éventuellement les pièces correspondantes pour pouvoir expliquer les interrogations que suscite la déclaration de patrimoine de monsieur Macron. »

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Si Oliver Berruyer, rédacteur en chef du blog « les Crises », estime « extrêmement peu probable » qu'il puisse y avoir un problème d'ordre légal dans la déclaration, il se réjouit de ce « coup de projecteur »:

« Il est clair que les journalistes devraient poser des questions à M. Macron sur ce patrimoine, qui d'un côté relève en effet d'une part de sa vie privée, mais d'un autre côté présente des choses très étonnantes en termes de fonctionnement et de relation à l'argent, qui me semble importantes à connaître dans le cadre d'une présidentielle, surtout quand on a été un inconnu jusqu'à il y a trois ans. »

Une démarche motivée aussi bien par la proximité des échéances — le premier tour devant avoir lieu dans tout juste 40 jours — que par le manque de réponses apportées ces derniers mois par le candidat: En effet, si le lièvre a été levé dès le mois de juin 2016 (la déclaration date d'octobre 2014), rares ont été les médias qui se sont intéressés de près à l'affaire. Il faut dire qu'Emmanuel Macron s'est depuis contenté de délivrer des informations au compte-gouttes à ceux qui l'ont interrogé à ce sujet. Un fait d'autant plus étonnant que comme le rappelle M. Picard, si de telles déclarations de revenus remplies par des responsables politiques sont disponibles en ligne depuis maintenant 2013, c'est justement pour que les gens puissent s'en saisir…

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« On n'a pas vocation à remplacer tout le monde et on a attendu de voir si le candidat fournissait des explications ou si la haute autorité annonçait qu'elle avait demandé des précisions et qu'elle les avait obtenues. Comme il n'y a rien eu dans ce sens nous avons décidé — puisqu'Anticor est une association, agrée par la Haute autorité — de la saisir. »

Il faut dire que tout le monde n'est pas libre de saisir la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Comme le souligne notre interlocuteur, seules 4 associations — dont Anticor (depuis janvier 2016) — sont aujourd'hui habilitées à le faire. Il y une semaine Paul Mumbach, candidat des Maires en colère à la présidentielle, Jean-Philippe Allenbach, président du Mouvement Franche-Comté et Serge Grass, président de l'Union civique des contribuables citoyens, se sont tournés vers le Parquet National Financier, faute d'une fin de non-recevoir de la part de la HATVP.

Pour Jean-Christophe Picard, il est simplement ici question de « transparence », rappelant qu'à l'heure actuelle, rien ne permet d'incriminer le candidat. « Si, effectivement, comme le dit monsieur Macron, il y a eu des remboursements de prêts, etc., c'est facile à démontrer. Que ces documents soient transmis à la Haute Autorité et qu'elle nous dise que tout va bien » déclare ainsi le Président d'Anticor qui s'en tiendra à la réponse de la HATVP.

« Ce sera compliqué d'aller au-delà, puisqu'on n'a pas d'éléments qui nous démontre — par exemple — un patrimoine caché. On n'est absolument pas capable de fournir ce type d'information. Donc ce sera au citoyen de prendre acte de l'absence d'information et d'en tirer les conclusions. »

De son côté, Oliver Berruyer, ne remet pas a priori en doute la véracité des déclarations, celles-ci pouvant être parfaitement exactes, mais le « rythme de dépense » du potentiel futur locataire de l'Élysée. En effet, si l'ancien banquier d'affaires a engrangé une coquette somme en un laps de temps record, celle-ci a littéralement fondu comme neige au soleil si l'on en croit sa déclaration… Et les impôts — aussi lourds soient-ils sous nos latitudes — n'expliquent pas tout.​

« Il ne faut pas avoir des idées d'argent caché ou quelque chose comme ça, c'est très peu probable, l'argent a été déclaré au fisc, le fisc a regardé, donc l'argent a probablement été simplement dépensé. Seulement dépenser 1,5 million d'euros [revenus après impôts, NDLR] en 3 ans cela fait à peu près 1 000 euros par jour. Donc un SMIC par jour qui est dépensé. Pourquoi pas, il en a le droit, mais cela serait bien qu'on comprenne. »

La veille de la saisie de la HATVP par Anticor, le journal La Croix publiait une interview du candidat d'En Marche! Ce dernier est tout d'abord interrogé sur la « moralisation de la vie politique » — cheval de bataille qui a séduit François Bayrou —, mais rapidement l'interview aborde des sujets qui fâchent: la fameuse déclaration de patrimoine transmise à la HATVP. En cause aussi, ses investissements immobiliers sous-évalués et qui lui avaient valu des démêlés avec l'administration fiscale, le contraignant une année à régler l'ISF. Un point sur lequel revient Olivier Berruyer:

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« Cet appartement acheté en 2007, il le revend en 2015 à peu près au même prix. Or les prix ont pris 30 %… déjà le Canard enchaîné l'avait interrogé là-dessus à l'époque, c'est ce qui m'avait d'ailleurs très étonné puis qu'il refusait de répondre et un politique qui refuse de répondre au Canard enchaîné en général, ça cache des choses. »

Il évoque un autre point « accessoire », l'achat d'une voiture pour la bagatelle de 40 000 €,

« pourquoi pas, déjà c'est d'occasion, donc c'est plus que le prix neuf qui est annoncé, mais c'est surtout qu'en 2005 il a 28 ans et il est à l'inspection des finances, il gagne 40 000 € par an. »

Concernant son appartement parisien mal évalué, le candidat « en Marche » avait déjà répondu en expliquant qu'il avait « acheté cher ». Nos confrères du Canard ironisaient alors:

« Bien la peine d'être inspecteur des Finances et banquier chez Rothschild pour faire de si mauvaises affaires…»

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