La machine à tuer de l'EI vue de l'intérieur

© REUTERS / Nour FouratRaqqa
Raqqa - Sputnik Afrique
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Trois jeunes Syriennes ont vécu de longs et terribles mois à Raqqa, prises sous la coupe des djihadistes. Pour y survivre, elles ont dû épouser des terroristes, et ont ainsi pu observer cette "machine à tuer" de l'intérieur.
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A l'heure qu'il est, les jeunes filles se trouvent dans un centre d'accueil pour réfugiés en Turquie et tremblent en repensant à leur passé à Raqqa, fief de l'Etat islamique. Dua, âgée de 20 ans, sa cousine Aws et Asma, âgée de 22, appartiennent à la première génération de Syriennes qui ont joui d'une vie relativement indépendante, faisant leurs études par exemple avec des hommes et des membres d'autres religions.

La police des mœurs de l'EI

Début 2014, leur vie tranquille a pris fin. L'Etat islamique s'est emparé de Raqqa et ceux qui ont tenté de résister ont été arrêtés, torturés ou tout simplement tués. Les habitants n'ont pas tardé à comprendre que leur survie, ainsi que le nouvel ordre instauré dans la ville, dépendait largement des terroristes. Il était interdit de fumer, de boire de l'alcool, les femmes devaient obligatoirement porter le voile, leur liberté de déplacement a été fortement réduite.

Pour survivre, Dua et Aws ont épousé des combattants de l'EI et ont publiquement accepté les règles du groupe terroriste. Par exemple, il est interdit aux terroristes de l'Etat islamique d'avoir des enfants, ce fut le cas pour Aws, mariée à un djihadiste turc, une interdiction motivée par le fait que la paternité rendrait les rebelles moins acharnés dans leurs opérations terroristes.

Dua a eu plus de chance, elle a été mariée à un djihadiste d'une famille aisée, qui l'a aidée à résoudre ses problèmes financiers. Asma, de son côté, n'était pas mariée.

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Par la suite, les trois jeunes filles ont dû rejoindre la police des mœurs de l'EI, baptisée la brigade Khansaa et censée contrôler le respect des lois de la charia. Après 15 jours d'entraînement intensif où elles ont appris à manier les armes, elles ont commencé à patrouiller dans les rues de Raqqa. A bord de camions Kia, elles étaient chargées de détecter les femmes sans voile et de leur infliger de grosses amendes ou même la flagellation.

En tant que "policières", elles devaient aussi enrôler ceux qui souhaitaient rejoindre les rangs de l'Etat islamique, ou bien recruter des femmes qui voulaient, comme elles, épouser des djihadistes et faire partie de la police des mœurs.

A l'intérieur d'une machine à tuer

Une "machine à tuer", voilà comment ces Syriennes ont surnommé l'Etat islamique, après avoir vécu cette horrible expérience.

"Nous avons vu beaucoup de gens décapités", a confié Dua, citée par le New York Times. "Parfois, nous avons vu des cadavres, abandonnés dans les rues depuis plusieurs semaines. J'ai pleuré des nuits entières".

Son mari a péri sur le champ de bataille, et les djihadistes ont tenté de la forcer à épouser un autre combattant, alors que, selon les lois de l'islam, une femme doit pleurer sa perte pendant quatre mois et dix jours, avant de se remarier.

Et là, elle s'est décidée à fuir Raqqa. Ses copines l'ont rejoint un peu plus tard. Aujourd'hui, elles reviennent, petit à petit, à une vie normale d'avant la guerre mais restent toujours en proie à des visions d'horreur.

"Qui sait quand la guerre prendra fin?" s'interroge Asma. "Chaque année, nous répétons que tout redeviendra comme avant l'année prochaine. Les années passent, et rien ne change. La Syrie d'aujourd'hui, c'est la jungle".

Selon ces Syriennes, des ressortissantes de nombreux pays décident d'entrer dans les rangs de la police des mœurs, dont le Royaume-Uni, la Tunisie, l'Arabie saoudite et la France. Le salaire des policières s'élève à entre 650 et 1.400 euros par mois. De plus, les femmes jouissent d'autres avantages tels qu'une liberté de déplacement augmentée ou, dans certains cas, l'accès à Internet.

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