Macron et Poutine réaniment la relation économique franco-russe

© Sputnik . Mikhael Klimentyev / Accéder à la base multimédiaMacron et Poutine
Macron et Poutine - Sputnik Afrique
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La France, premier employeur et investisseur étranger en Russie, comptera au forum de Saint-Pétersbourg une imposante délégation de 170 personnes, dont 50 PDG. Des grands patrons, leurs représentants du MEDEF, avec en renfort le Président de la République, afin de resserrer les liens économiques entre les deux pays, malgré la crise géopolitique.

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Coup d'envoi de la 22e édition du Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF), avec ses 15.000 participants, venus de 100 pays. Plus communément présenté en Occident comme le «Davos russe», le Président français ainsi que le Premier ministre japonais Shinzo Abe en seront cette année les invités d'honneur.

Aux côtés d'Emmanuel Macron, pas moins de 170 Français, dont 50 présidents et directeurs généraux de 60 entreprises françaises, seront présents.

Objectif clairement affiché par le MEDEF: «maintenir et renforcer, malgré les sanctions actuelles, la position de la France en Russie.»

La Russie qui «doit répondre à de très importants défis industriels, urbains et énergétiques dans les vingt prochaines années.» Entendez par là un marché à fort potentiel.

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Un marché, qui reste largement méconnu du grand public français, où les entreprises françaises s'illustrent pourtant, et ce dans tous les secteurs. De grands groupes (35 entreprises du CAC40) ainsi qu'entre 500 et 600 entreprises de taille intermédiaire (ETI) et PME y sont implantées, faisant de la France le premier investisseur et employeur étranger en Russie. Pour ne prendre qu'un exemple, le groupe Auchan emploie à lui seul 40.000 personnes en Russie et fait figure de poids lourd de la grande distribution dans ce pays de 144 millions d'habitants.

Des chiffres, bons en apparence, qui voilent cependant mal le repli de la France parmi les principaux partenaires commerciaux de la Russie. En effet, les échanges commerciaux reprennent doucement, pour s'établir 13,3 milliards de dollars, leur meilleur niveau depuis la mise en place des sanctions occidentales et contre-sanctions russes. Ils restent pourtant loin des 22,2 milliards de dollars atteints en 2013, juste avant lesdites sanctions. À l'échelle de l'UE, si les Allemands, Hollandais et Italiens confirment tenir le podium des principaux partenaires économiques européens de la Russie, la 4e place est raflée à la France… par la Pologne, un comble.

Un phénomène qui s'exprime en partie par le fait que les sanctions occidentales et les contre-sanctions russes n'ont pas impacté toutes les entreprises européennes de la même manière. Dans le cas de la France, si les grands groupes font sa singularité ainsi que la force de son économie, leur taille constitue également leur talon d'Achille. Un paradoxe qui concerne tout particulièrement les banques, «l'une des grandes filières d'excellence française», pour reprendre les mots de Pierre Gattaz, Président du MEDEF, qui revenait ce jeudi 24 mai sur les raisons de leur exposition au joug de la justice américaine.

«Comme elles sont excellentes, elles ont exporté partout, elles se sont mondialisées et elles ont des intérêts partout et notamment aux États-Unis.»

Des explications, une insistance sur les banques qui n'est pas vaine, ces dernières étant régulièrement montrées du doigt pour leur frilosité. Tous gardent en mémoire l'exemple fait par les autorités américaines avec la BNP, qui a écopé d'une amende record de 8,9 milliards de dollars pour violation d'embargos américains. Un verdict auquel la banque française a dû se soumettre, sous peine de se voir couper l'accès aux marchés américains et aux opérations libellées en dollars, autant dire sa mort rapide. Une dimension internationale qui affecte tous les grands groupes français- à de rares exceptions près.

«Comme vous le savez, il n'y a pas de grande banque allemande internationale, ce sont des banques de Landers, régionales. Les banques italiennes sont en très mauvaise situation, donc par définition, elles sont moins exposées aux États-Unis, donc c'est beaucoup plus facile pour les ETI familiales de l'Italie du Nord d'aller faire du business en Russie que pour Total ou LVMH,» répondait à Sputnik Dorothée Pineau, directrice générale-adjointe du MEDEF.

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Des sanctions qui, dans le cas de la Russie, diffèrent sensiblement de celles imposées à l'Iran par leur «complexité». Les membres du MEDEF attirent l'attention sur leur caractère ciblé sur des individus, dont la liste européenne diffère de celle des Américains. Des sanctions ciblées dont les conséquences n'en restent pas moins délétères pour des intérêts des entreprises et même des États européens. C'est par exemple le cas de Rusal, premier producteur d'aluminium du monde, visé par Donald Trump. Un cas sur lequel revient Dorothée Pineau:

«Concrètement, lorsque l'administration américaine sanctionne Rusal, cela a des conséquences essentiellement européennes, puisque ce sont des bateaux qui sont bloqués dans le port de Limerick en Irlande et, plus proche de chez nous, c'est la première fonderie d'Europe qui est à Dunkerque qui risque d'être arrêtée. Il faut savoir que si on arrête la fonderie de Dunkerque, il faudra ensuite plus de six mois pour la relancer.»

Appelant à la prudence, Pierre Gattaz souligne l'importance d'une «réponse politique européenne» au problème posé au commerce international par les sanctions américaines. Il insiste aussi sur l'importance d'agir et de rester dans un cadre «totalement conforme à la légalité du moment», évoquant le cadre évolutif dressé tant par le Quai d'Orsay que par l'Union européenne.

Un cadre politique lourd, dans un secteur se voulant par essence pragmatique et réactif. Mais, une trop grande «prudence» des responsables politiques français ou du MEDEF, ne serait-elle pas défavorable aux intérêts économiques des entreprises tricolores face à leurs concurrentes européennes se jouant des sanctions? Nous avons posé la question au patron du MEDEF. Pierre Gattaz nous répond à la volée, en insistant sur la présence de son organisation, des grandes entreprises et d'Emmanuel Macron à Saint-Pétersbourg.

«Au contraire, le combat continue et on est bien conscients qu'il ne faut surtout pas se retirer, il ne faut surtout pas être trop prudent […] les chiffres démontrent qu'on est là et cela continue.»

«On y va à 170, ce qui n'est tout de même pas rien et on sera la première communauté étrangère,» appuie Michel Guilbaud, directeur général du MEDEF.

Parmi les grandes entreprises françaises qui espèrent concrétiser un rapprochement avec leurs associés russes lors de ce forum, on notera Total. Principal partenaire du russe Novatek dans le développement du complexe de gaz liquéfié de Yamal-LNG, un second site de production est en jeu pour le géant énergétique français.

Sur fond de développement des villes intelligentes, Engie vise de son côté un rapprochement avec Rosatom. Géant du nucléaire russe, on oublie trop souvent de préciser qu'il est aussi le principal acteur du marché des énergies renouvelables en Russie, ainsi qu'un gestionnaire incontournable des réseaux énergétiques du pays, tient à préciser une source proche des milieux d'affaires français et russes.
La gestion des réseaux, un point sur lequel a mis l'accent la directrice d'Engie, Isabelle Kocher, qui doit rencontrer son homologue de Rosatom, Alexey Likhachev, lors du forum. Soulignons d'ailleurs que l'une des trois thématiques abordées sur le pavillon de la France au SPIEF est justement la «ville durable.»

Toujours dans le domaine de l'énergie, Schneider Electric et TechnipFMC sont pressentis pour participer avec Gazprom à la 3e phase de développement d'un important complexe de production d'hélium, dans la région de l'Amour. Grand comme 800 terrains de football, l'«Amur Gas Processing Plant» (GPP), près de la ville de Svobodny, sera le plus gros site de traitement de gaz de Russie.

Dans une moindre mesure, des contrats sont également attendus dans l'aéronautique, pour SAFRAN et la conception de moteurs pour les avions de lutte contre les incendies russes Beriev 200 ou encore dans l'aérospatial. D'après nos sources, un accord pourrait également être concrétisé entre Roscosmos et le CNES.

«Nous profitons de cette occasion pour aborder de manière exhaustive les relations franco-russes. Elles se développent malgré toutes les difficultés actuelles. Nos chiffres du commerce extérieur sont en progression,» a déclaré ce jeudi Vladimir Poutine, à l'issue de sa rencontre avec Emmanuel Macron.

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