«La faiblesse de Merkel et l’isolement de Macron» freinent la réforme de la zone euro

© AFP 2023 Ludovic MarinDer französische Präsident Emmanuel Macron (l.) und Bundeskanzlerin Angela Merkel (Archivbild)
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La réforme de l’Europe est à nouveau sur la table alors que Merkel a répondu de manière plus que mesurée aux ambitions de Macron. À moins de dix jours du Conseil des ministres franco-allemand, Patrick Moreau, politologue au CNRS à Strasbourg et spécialiste de l’Allemagne, a analysé la position allemande pour Sputnik.

En quelques lignes, Angela Merkel a douché les espoirs d'Emmanuel Macron d'obtenir une réforme ambitieuse de la zone euro.

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Patrick Moreau, politologue au CNRS de Strasbourg, analyse pour Sputnik l'interview donnée le 10 juin dernier par la chancelière. Il estime que le point d'achoppement est le renforcement de la zone euro.

«Angela Merkel a chiffré ce que l'Allemagne était disposée à donner et elle parle d'un maximum qui pourrait aller jusqu'à 99 milliards, puisqu'on parle de deux chiffres. Donc on est très loin des 300 milliards évoqués par Macron.»

D'après le politologue, la raison est double. D'une part, la chancelière, à la tête d'une coalition, est «en situation de survie politique, pas du tout en situation de domination politique comme lors de la crise grecque», car soumise à des compromis avec les sociaux-démocrates. D'autre part, les Allemands sont réticents à s'engager dans une réforme qui serait financée par Berlin.

Le 26 septembre dernier, Emmanuel Macron avait, lors d'un discours à la Sorbonne, fait part de sa volonté de «refonder l'Europe» grâce à des réformes sur six principaux points: l'initiative de défense, la gestion des réfugiés, l'avenir digital et informatique, les partenariats avec l'Afrique, l'avenir climatique ainsi que les problématiques liées au droit et aux demandes d'asile.

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Si M. Moreau reconnaît que la France et l'Allemagne ont une vision commune sur «plusieurs de ces six dimensions», il évoque les limites qui empêchent le couple franco-allemand d'agir en moteur et déclare:

«Dans son discours de la Sorbonne, Emmanuel Macron parlait de refonder l'Europe, aujourd'hui il se retrouve à négocier pour obtenir une capacité d'intervention limitée.»

Et en effet, les obstacles sont nombreux face à l'ambition du chef de l'État. L'initiative de défense, à laquelle est pourtant favorable le parti d'Angela Merkel, est freinée par ses alliés du SPD. Sur les dossiers relatifs à la crise migratoire — qu'il s'agisse de la gestion des réfugiés ou des politiques d'asile — Emmanuel Macron et Angela Merkel ont beau parler d'une même voix, ils font face à l'opposition des pays du Nord de l'Europe, en plus de celle du groupe de Višegrad et de l'Autriche à l'Est, sans parle de l'Italie au Sud.

«À la fois le Président Macron et madame Merkel sont complètement isolés en Europe. Tous les pays du Nord sont hostiles à la problématique Macron, les pays de Višegrad aussi. Personne ne veut réellement d'une superstructure.»

Enfin, sur la réforme de la zone euro, le panorama n'est pas beaucoup plus dégagé. Alors qu'Emmanuel Macron visait un budget de la zone euro équivalente à un ou deux points de PIB, soit environ 300 milliards d'euros, la chancelière a prévenu qu'elle accepterait un budget européen à condition que celui-ci soit «limité» et que son utilisation soit clairement définie.

«La destination de ces fonds est extrêmement différente. Le Président Macron a laissé un flou sur la destination des fonds alors que madame Merkel souhaiterait le faire passer dans le budget de la communauté européenne.»

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Des positions éloignées qui rendent difficiles des décisions qui, de l'aveu de la Chancelière, doivent «être prises avant les Européennes» d'autant que Paris et Berlin doivent s'accorder avant le Conseil des ministres franco-allemands le 19 juin prochain. Le temps est compté, et Emmanuel Macron connaît la position de son homologue.

«Une déclaration très belle, tout à fait intéressante, sur un certain nombre de points emblématiques, mais qui n'aborde pas la question de "Comment réformer l'Europe" et c'est un signal de la faiblesse politique de madame Merkel et de l'isolement relatif du Président Macron.»

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