L’histoire du seul amiral soviétique invité à observer le Débarquement en Normandie en 1944

© Sputnik . Maria TonkovaNikolaï Kharlamov (à gauche)
Nikolaï Kharlamov (à gauche) - Sputnik Afrique
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La préparation du Débarquement de juin 1944 en Normandie s’est faite dans le plus grand des secrets. Un seul amiral soviétique, Nikolaï Kharlamov, en a été mis au courant et a eu l’occasion d’observer le Débarquement de ses propres yeux. À la veille du 75e anniversaire du Débarquement, nous avons rencontré sa famille.

Le 5 juin, à la veille du 75e anniversaire du Débarquement des Alliés en Normandie, l’exposition «Le second front» a été inaugurée au Musée de la Victoire de Moscou. Une partie y est consacrée à l’amiral Nikolaï Kharlamov, lequel dirigeait la mission militaire soviétique à Londres entre juillet 1941 et octobre 1944 et a assisté en tant qu’observateur à l’opération Overlord.

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Quel rôle a-t-il joué dans ces évènements historiques? Plusieurs membres de sa famille se sont confiés à Sputnik.

«Une mission compliquée»

Nikolaï Kharlamov est arrivé à Londres le 8 juillet 1941 en tant que membre de la mission militaire soviétique au Royaume-Uni, celle-ci étant chargée de maintenir le contact avec le commandement des forces armées britanniques. Le 20 juillet, il a pris la tête de cette mission.

«Mon grand-père dirigeait la mission soviétique au Royaume-Uni chargée des préparatifs de l’ouverture du second front [le front occidental, ndlr]. De plus, il supervisait les livraisons d’équipement militaire et d’autres aides à l’Union soviétique de la part des Alliés», raconte sa petite-fille, Anna Bourlakova.

© Sputnik . Maria TonkovaL’exposition «Le second front»
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L’exposition «Le second front»

Dans son livre «Une mission difficile», publié en 1983, Nikolaï Kharlamov a décrit les efforts accomplis par la mission militaire et l’ambassade soviétique à Londres pour que l’ouverture de ce second front ait lieu.

Dès l’été 1941, Moscou a parlementé avec Londres concernant la possibilité de lancer une offensive sur le front occidental afin de détourner les forces nazies de l’Est. Dans sa lettre datée du 18 juillet 1941 et adressée à Winston Churchill, Joseph Staline a souligné les avantages que Londres pouvait tirer de l’ouverture d’un front au Nord de la France.

«Je vois les difficultés de créer un tel front mais je pense que, malgré ces difficultés, il faut le créer non seulement pour notre cause commune mais aussi pour les intérêts de l’Angleterre», a ainsi écrit le dirigeant soviétique.

Néanmoins, le Premier ministre britannique a écarté une telle possibilité.

«Le canal de la Manche, qui empêche l’Allemagne de sauter sur l’Angleterre, empêche tout autant l’Angleterre de sauter sur la France occupée», a-t-il déclaré à l’ambassadeur russe à Londres, Ivan Maïski, en septembre 1941.

© SputnikDes habitants de New York signent une pétition réclamant l'ouverture du second front
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Des habitants de New York signent une pétition réclamant l'ouverture du second front

L’URSS, le Royaume-Uni et les États-Unis se sont finalement mis d’accord sur l’ouverture d’un second front fin novembre 1943, lors de la conférence de Téhéran.

«Le plus grand secret»

Les préparatifs de l’opération Overlord se déroulaient dans le plus grand secret, a écrit l’amiral Kharlamov dans son livre. Grace à une campagne de désinformation massive, les Alliés ont réussi à désorienter leur ennemi et à lui faire penser que le Débarquement aurait lieu dans le Pas-de-Calais.

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Mais Nikolaï Kharlamov était au courant de la préparation de cette opération. Il a même été invité à assister au Débarquement. Pour Natalia Kharlamova, sa fille cadette, cela témoignait de la confiance que les autorités britanniques avaient en son père.

Néanmoins, le Field marshal Alan Brooke, chef d'état-major général de l'Empire britannique de l’époque, a prévenu l’amiral Kharlamov qu’il s’agissait du «plus grand des secrets». Nikolaï Kharlamov n’a donc été autorisé à le faire savoir qu’à la Stavka (le quartier général du commandant des forces armées de l’URSS) et n’a pas pu dévoiler à sa famille les objectifs de son déplacement.

Natalia Kharlamova raconte qu’il parlait peu du Débarquement en Normandie.

«Il parlait plutôt de sa vie quotidienne en Angleterre […] Il n’évoquait pas les détails de l’opération. Même lorsqu’il rédigeait une dissertation [il a repris ses études après la guerre jusqu’à devenir Docteur en sciences militaires, ndlr], il se basait sur les documents classifiés», indique-t-elle.

Nikolaï Kharlamov et son aide de camp ont été les seuls Soviétiques à avoir eu l’occasion d’observer le Débarquement de leurs propres yeux. 

La tergiversation des Alliés

D’après les mémoires de M.Kharlamov, les Alliés étaient en position de force avant le début de l’opération Overlord. Néanmoins, après le Débarquement, ils tergiversaient sans avancer sur le continent.

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Afin de faciliter leur tâche, l’URSS a lancé fin juin 1944 l’opération Bagration visant à libérer le territoire de la République socialiste soviétique de Biélorussie.

Selon Ekaterina Bourlakova, une autre petite-fille de l’amiral, Nikolaï Kharlamov a voulu évoquer la tergiversation des Alliés après une inspection des troupes en juillet 1944 sur le territoire français.

«Les collègues de l’état-major général britannique lui ont demandé de ne pas prononcer un tel discours», a-t-elle raconté lors d’une table ronde organisée le 4 juin par l’agence russe Rossiya Segodnya à l’occasion de l’anniversaire du Jour-J.

© Sputnik . Nina ZotinaEkaterina Bourlakova, petite-fille de l’amiral Nikolaï Kharlamov
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Ekaterina Bourlakova, petite-fille de l’amiral Nikolaï Kharlamov

L’amiral estimait que c’était l’offensive soviétique à l’Est qui avait créé des «conditions favorables» pour la victoire des Alliés sur le front occidental. Il soulignait en outre que l’Armée rouge continuait à faire face aux forces les plus importantes de l’Allemagne nazie même après le Débarquement. 

Le rôle de l’URSS peut-il être remis en question?

Il est à noter que dans son livre écrit il y a plus de trente ans, l’amiral Kharlamov a évoqué le fait que les pays occidentaux préféraient «faire le silence sur le rôle primordial du peuple soviétique et de son armée dans la défaite» de l’Allemagne nazie.

Natalia Kharlamova pense qu’aujourd’hui cette tendance se renforce.

«Il n’y a plus de personnes de cette époque, de ces gens qui connaissaient et comprenaient [ce rôle, ndlr]», déplore-t-elle.

Préserver les souvenirs de ces évènements était l’un des objectifs des organisateurs de l’exposition «Le second front». Selon Eldar Ianibekov, vice-directeur du Musée de la Victoire, qui a participé à la table ronde organisée par Rossiya Segodnya, elle vise notamment à «montrer que l’Armée rouge a joué un rôle primordial dans la libération de l’Europe», sans pour autant oublier la contribution des Alliés.

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