Moscou se défend face aux critiques des Etats-Unis et de l’UE

© RIA Novosti . Aleksey Nikolskiy / Accéder à la base multimédiaPremier ministre russe Vladimir Poutine
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Le Parlement européen et le Sénat américain ont pratiquement en même temps exigé la révision des résultats des législatives en Russie.

Le Parlement européen et le Sénat américain ont pratiquement en même temps exigé la révision des résultats des législatives en Russie. Les avis des économistes et des politologues divergent sur les prévisions de l’évolution de la situation. Certains sont convaincus que les relations de Moscou avec Bruxelles et Washington se dégraderont et diminueront l’attractivité de la Russie pour les investisseurs. D’autres estiment que ces déclarations n’ont rien d’extraordinaire et qu’elles n’influeront aucunement sur les relations de la Russie avec les Etats-Unis et l’Union européenne.

Mercredi le Parlement européen a adopté une résolution exigeant d’organiser de nouvelles législatives en Russie, en enregistrant au préalable tous les partis d’opposition. Dans la même journée, pendant les audiences au Sénat consacrées à la corruption et au respect de la loi en Russie, le sénateur démocrate Ben Cardin a déclaré que les arrestations d'opposants préoccupaient les Etats-Unis, et a une nouvelle fois proposé au Sénat d’interdire d’entrée aux Etats-Unis les fonctionnaires russes impliqués dans les violations des droits de l’homme.

Ces déclarations ont été entendues dans les quelques jours qui ont suivi les manifestations de masse en Russie contre les falsifications des résultats des législatives du 4 décembre et à la veille du sommet UE-Russie, où a été discutée la simplification du régime de visas.

Les problèmes de la Russie ne concernent que la Russie


Le surlendemain des législatives en Russie, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton les a qualifiées de "non libres et d’injustes".

Le premier ministre russe Vladimir Poutine a répondu que l’Occident "mettait en place des organisations internes qui sont, prétendument, nationales (russes), mais sont en réalité financées par l'étranger et dansent sur la musique d'un Etat étranger".

La réaction de la Russie à la résolution du Parlement européen a été similaire : le conseil de la Chambre publique a adopté une déclaration qualifiant la résolution d’"ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Russie".

De tels agissements de la part de l’Occident n’auront aucune conséquence sérieuse pour la Russie, affirme Timofeï Bordatchev, directeur du Centre d’études européennes du Haut collège d’économie. "Tout le monde est parfaitement conscient que les problèmes intérieurs de la Russie concernent exclusivement la Russie. Et personne ne débattra sérieusement ce sujet au niveau international. Les députés du Parlement européen ont besoin de montrer qu’ils existent, ils adoptent constamment des déclarations", a-t-il déclaré à RIA Novosti.

"Les déclarations de ce genre sont pratique courante, reconnaît Viatcheslav Nikonov, président de la fondation Politika. L'histoire ne connaît qu'une seule exception, lorsqu'à l’époque postsoviétique, en 1996, Boris Eltsine s’est imposé face à Guennadi Ziouganov à la présidentielle. Généralement, on fait de telles déclarations lorsque les résultats des élections ne conviennent pas au gouvernement américain".

Les relations qui sont assez difficiles sans cela entre Moscou et Washington dans le contexte des reproches mutuels associés aux résultats des législatives pourraient se détériorer, estime Viktor Kremeniouk, directeur adjoint de l’Institut des Etats-Unis et du Canada.

"Les relations se détériorent, la possibilité de s’entendre concernant le bouclier antimissile (ABM) se réduit de jour en jour, et dans un avenir proche Moscou pourrait se retrouver dans en état de guerre "semi-froide" avec Washington et rencontrer des problèmes avec Bruxelles", a-t-il déclaré à RIA Novosti.

Un échange de réponses symétriques

Certains experts estiment que l’adoption de la résolution du Parlement européen à la veille du sommet UE-Russie, où a été discutée la simplification du régime des visas, est symbolique. Viktor Kremeniouk n’a pas exclu que si la Russie n’écoutait pas le Parlement européen,
"sa position à l’égard de l’adhésion de la Russie à l’OMC pourrait se durcir".

"Sachant que le passage au régime sans visas est déjà une question à long terme, la situation actuelle pourrait le reporter davantage encore", a fait remarquer Alexeï Makarkine, vice-président du Centre des technologies politiques.

L’expert a ajouté que la critique des législatives en Russie pourrait être activement utilisée comme un outil de lutte intrapolitique à la veille de la présidentielle aux Etats-Unis.
"Si au stade initial le travail de l’administration d’Obama soulignait instamment que de nouvelles opportunités s’ouvraient avec la Russie et qu’il ne fallait pas les fermer, la présidentielle à venir a au contraire apporté des arguments au profit de ses rivaux, et Obama devra évoluer vers une position plus ferme à l’égard de la Russie, explique Alexeï Makarkine.
A l’approche des élections Obama écoutera ces signaux plus attentivement, et Ben Cardin compte précisément là-dessus".

Si Washington ou Bruxelles prenaient des mesures contre la Russie, Moscou "répondrait symétriquement", estime Viatcheslav Nikonov. "Si des restrictions sur les séjours étaient instaurées à l'encontre de personnalités officielles russes, la Russie ferait de même", a-t-il déclaré.

Les relations entre les investisseurs

Selon Nikita Maslennikov, conseiller à l’Institut du développement contemporain, les risques de détérioration du climat d’investissement en Russie ont augmenté après les législatives. Il a ajouté qu’il ne s’agissait pas seulement des manifestations, mais également du fait que les forces au sein de la Douma (chambre basse du parlement) se positionnaient à la gauche du centre.

"Par ailleurs, la situation économique actuelle, la menace de la seconde vague de la crise, les risques d’aujourd’hui en termes de stabilité financière et la nécessité d’une politique budgétaire stricte dictent la nécessité d’une politique de centre-droit", fait remarquer Nikita Maslennikov.

Evidemment, les autorités russes n’accéderont pas à la demande du Parlement européen d’organiser de nouvelles législatives. Cependant, elles pourraient faire certaines concessions afin de ne pas détériorer l’image de la Russie comme pays favorable aux investissements, estime Viktor Kremeniouk.

"Seules les questions liées aux relations commerciales et économiques pourraient conduire à la dégradation des relations entre la Russie et l’Union européenne, estime Timofeï Bordatchev. Lorsque la Russie a interdit l’importation des légumes en provenance de l’UE, il s'agissait bel et bien d'une aggravation des relations. Etant donné qu’au sein de l’Union européenne tout le monde est intéressé par l’argent et l’économie, le développement des relations commerciales et économiques est une priorité".

Vladislav Inozemtsev, directeur du Centre de recherche sur la société postindustrielle, estime que l’activité protestataire en Russie et la pression de l’Occident ne se reflèteront aucunement sur le secteur productif de l’économie, cependant cela pourrait faire fuir les investisseurs des marchés boursiers : "En ce qui concerne le pétrole et le gaz, l’Occident en achetait et continuera de le faire, et rien ne changera radicalement à cet égard. Le problème est ailleurs : si les manifestations en Russie et la pression de l’UE et des Etats-Unis se poursuivaient, cela pourrait avoir de graves conséquences, car l’économie en Russie est extrêmement spéculative. Nous constatons que la majorité des grandes entreprises ne se préoccupent pas tant des résultats de leur business que de la capitalisation, et si la situation se déstabilisait, elles commenceraient à fuir les marchés boursiers".

Ioulia Tsepliaeva, chef économiste pour la Russie à BNP Paribas, estime que la critique de l’UE et de Washington ne se reflètera pas sur la situation économique en Russie.

"La critique émanant des Etats-Unis et de l’Union européenne revêt une importance particulière pour les pays qui ont recours à l’aide des institutions financière mondiales.
Par exemple, l’aide du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale implique une certaine composante politique. La Russie n’emprunte pas mais crédite le FMI, et aucune mesure, par exemple, de restriction de crédit ne peut être utilisée contre Moscou", a-t-elle fait remarquer.

L’experte est également convaincue que la Russie ne rencontrera aucun obstacle pour adhérer à l’OMC : "L’adhésion à l’OMC est un fait accompli". Quant au climat d’investissement, il ne peut pas se détériorer d'avantage, estime Ioulia Tsepliaeva. "En ce qui concerne l’afflux des investissements étrangers nets, ils demeurent négatifs depuis les deux dernières années. Il n’y a pas d’afflux. Et en l’absence d’afflux, cela ne sert à rien de chercher à satisfaire qui que ce soit", a-t-elle résumé.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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