Les rêves d'astromobiles et l'avenir des véhicules spatiaux

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L'astromobile qui ressemble à une chenille mécanique s'agrippe rapidement avec ses roues crantées à un massif d'une taille supérieure à la sienne. La hauteur est franchie en un bond.

L'astromobile qui ressemble à une chenille mécanique s'agrippe rapidement avec ses roues crantées à un massif d'une taille supérieure à la sienne. La hauteur est franchie en un bond.

Le sol visqueux n'est pas non plus un obstacle. Pour l'instant, la supermobile n'est qu'un modèle miniature, et la planète infranchissable est une plateforme avec du sable sur le site de la société VNIITransmach, usine de fabrication de chars et spécialisée dans le développement de véhicules conçus pour l'exploration autonome des sols extra-terrestres. Malgré l'absence de "couchers de Lune", on continue à y croire en l'avenir des astromobiles. C'est ici que le module lunaire Lunokhod a appris à se mouvoir.

L'empire contre-attaque

Les Américains ont débarqué sur la Lune en 1969, et un an plus tard l'URSS a envoyé son vaisseau vers le satellite de la Terre. Le mot "lunokhod" a acquis une renommée internationale en 1970, lorsque Lunokhod-1 a commencé son travail près de la Mare Imbrium (mer des pluies). L'appareil, qui se déplaçait entre les cratères à une vitesse de 800 mètres à l'heure, était contrôlé par un équipage depuis la terre, à partir du centre de transmissions spatiales. Le succès de la mission de Lunokhod-1 est principalement dû au travail des ingénieurs de Saint-Pétersbourg, qui ont conçu le châssis et les systèmes de navigation.

Le premier lunokhod du monde devait reposer sur des chenilles, ont décidé les scientifiques soviétiques et ont envoyé le projet aux développeurs de chars de VNIITransmach. Cependant, les roues se sont avérées plus pratiques, bien que la présentation du premier modèle ne se soit pas déroulée sans histoires.

Lunokhod-1 à huit roues, avait une neuvième roue à l'arrière pour mesurer la distance franchie. Lorsque sa première maquette a été présentée à Sergueï Korolev, pendant la présentation du rapport de l'ingénieur en chef Alexandre Kemourdjian sur les travaux sur le châssis, il y a eu ce qu'on appelle un "aléa du direct" – en allumant l'engin, la neuvième roue n'est pas descendue au sol en raison d'une défaillance technique inconnue. Le concepteur de cette partie de l'appareil Petr Brodski a gardé son sang froid et "aidé" la roue à descendre en l'effleurant furtivement avec son doigt. Sergueï Korolev a été satisfait des résultats. Mais lorsque la visite de Korolev à Leningrad touchait à sa fin, il s'est approché de l'ingénieur et lui a dit: "Sachez que sur la Lune votre doigt ne sera pas là", raconte avec sourire le fils d'Alexandre Kemourdjian, Vladimir, spécialiste en chef de VNIITransmach.

Sur la Mer des Pluies on a réussi à se passer du doigt de l'ingénieur: le châssis du Lunokhod-1 a fonctionné sans accrocs, et a même roulé sur le sol lunaire pendant plus de 300 jours, soit le triple de ce qui était prévu.

Prochaine étape: rouler sur Mars

Devant la porte du bâtiment de la société une plaque évoque le développement du châssis pour les premiers lunokhods du monde. A l'intérieur, l'établissement rappelle les décors pour les films antisoviétiques sur les sinistres laboratoires de "l'empire du mal": de longs couloirs sombres, d'innombrables portes fermées et un silence assourdissant.

Toutefois, ces locaux n'ont pas toujours été silencieux: à l'âge d'or des programmes spatiaux, le personnel était largement plus nombreux qu'à l'heure actuelle.

Dans le hall se trouve le châssis d'un lunokhod inachevé pour un vol habité sur la Lune, qui a été baptisé par les journalistes "char lunaire". Après les lancements réussis de Lunokhod-1 et Lunokhod-2, les scientifiques soviétiques ont commencé à concevoir un engin pour le transport d'un équipage de cosmonautes composé de deux personnes.

"Au début des années 1970, il y avait un grand programme de bases lunaires en URSS. Par la suite il a été fermé pour plusieurs raisons, notamment parce que les vols américains avaient montré que rien de substantiel n'avant été découvert sur la Lune. Même les Etats-Unis avait réduit à l'époque le programme Apollo, déclare le scientifique. Le char lunaire est donc resté inachevé.

La Terre s'est passionnée pour Mars. "Le rôle de l'homme dans le contrôle de l'astromobile sur Mars est pratiquement exclu. Il est pratiquement impossible de contrôler depuis la Terre un véhicule tout terrains martien dans le même régime interactif – les retards dans les signaux entre Mars et la Terre atteignent jusqu'à 50 minutes. On peut aller très loin pendant ce temps… C'est la raison pour laquelle les astromobiles martiens doivent être plus "intelligents" que les lunokhods. Et bien sûr, elles doivent avoir des capacités de franchissement exceptionnelles", explique Sergueï Fedosseev, chef du bureau d'études spéciales.

Le premier véhicule martien se déplaçait sur des skis. Cependant, par la suite il a été doté de roues coniques. Dans les années 1980, les véhicules martiens soviétiques affichaient les meilleurs caractéristiques en termes de comportement sur route. Le véhicule se déplaçait comme une chenille, en franchissant allègrement les obstacles les plus difficiles. Les marsokhods "intelligents" étaient destinés à l'étude de la surface de Mars, y compris la recherche d'eau dans les montagnes de la planète rouge.

Mais les années 1980 ont été suivies par les "folles années 1990", et le pays a dû redescendre sur terre.

L'espoir repose sur les Ressources

L'une des dernières nouveautés de VNIITransmach est une plateforme pivotante pour la Station spatiale internationale (ISS) destinée à orienter le matériel de pointage sur les objets étudiés. "Elle est universelle et doit pouvoir effectuer les tests les plus variés – il est possible d'y installer des caméras pour filmer la surface en haute définition et des télescopes pour étudier la Lune. Car il est impossible de retourner l'ISS pour obtenir l'angle de prise de vue idéal, on utilisera donc la plateforme pivotante", a déclaré Sergueï Fedosseev.

Cette année, les spécialistes de VNIITransmach achemineront un exemplaire de la plateforme biaxiale au centre de recherche de Korolev, dans la banlieue de Moscou, où il sera testé par la compagnie spatiale Energia.

Les astromobiles ne sont pas encore conçues ni fabriquées en Russie. "Nous avons beaucoup consulté les chercheurs d'Europe occidentale, des Etats-Unis et de Chine. Ils ont reçu de notre part les modèles de démonstration terrestre, des appareils qui remplissent les fonctions des astromobiles et se distinguent par une excellente capacité de franchissement et leur fiabilité", a déclaré le scientifique.

Les scientifiques de l'institut espèrent que le programme lunaire russe se poursuivra. Pour 2018, il est prévu de lancer l'atterrisseur spatial russe Luna Ressource-2, qui déposera sur le satellite de la Terre le lunokhod russe bourré d'équipements scientifiques. Le premier appareil Ressource devrait transporter sur la Lune un mini-lunokhod indien.

"A l'heure actuelle, ces travaux ne sont pas encore finalisés. En cas de succès, l'entreprise VNIITransmach participera au développement du châssis du futur lunokhod. Nous sommes impatients", sourit Sergueï Fedosseev.

Il est encore difficile de dire quel sera le nouveau modèle du lunokhod russe. Sa construction et ses équipements dépendront principalement des missions qui lui seront assignées.

L'astromobile du futur

L'équivalent de la poussière lunaire conservé au musée de VNIITransmach ressemble à une poudre gris-foncé. Apportera-t-on un jour sur terre un échantillon du sol d'une autre planète? Les scientifiques n'en doutent pas.

Les astromobiles du futur seront produites en série en version habitée, comme les voitures, suppose Sergueï Fedosseev. Selon lui, l'espace sera toujours demandé, bien qu'aujourd'hui le thème de la conquête du système solaire ne soit pas le plus en vogue.

 "A une époque les experts polaires jouissaient d'une grande aura, et aujourd'hui c'est devenu un métier classique. Il y avait également beaucoup d'agitation autour de l'espace, en raison de la compétition entre la Russie et les Etats-Unis. Aujourd'hui, la conquête d'autres planètes se transforme de chose exotique en spécialité. Le besoin scientifique de programmes spatiaux existe toujours, notamment étant donné les limites des ressources terrestres. D'une manière ou d'une autre, on ne survivra pas sans l'espace", affirme l'expert.

Les astromobiles n'ont aucune chance de revenir sur Terre. Une fois leur mission accomplie, ils s'endorment à tout jamais sous les étoiles. On ignore quels sont leurs rêves: le passé sur terre ou un avenir lunaire prospère…

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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