La France et le socialisme: la tentation est forte

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Le nouveau président français François Hollande est à l'origine d'une nouvelle mode: pour la première fois de l'histoire des sommets du G8, dans la résidence du président Obama de Camp David un dirigeant français n'était pas accompagné de son épouse mais de sa compagne officielle.

Le nouveau président français François Hollande est à l'origine d'une nouvelle mode: pour la première fois de l'histoire des sommets du G8, dans la résidence du président Obama de Camp David un dirigeant français n'était pas accompagné de son épouse mais de sa compagne officielle. Quant aux nouveautés de la politique intérieure du nouveau dirigeant, la presse française évoque aujourd'hui la réduction de 30% des dépenses budgétaires destinées aux membres du cabinet.

Avec leur amour du détail, les journalistes précisent qu'il ne s'agit pas seulement de la baisse des émoluments (11.000 euros par mois sous Nicolas Sarkozy) mais également de la réduction des dépenses somptuaires et des subventions pour la location de logements à Paris (sous l'ancien président, ces dépenses étaient estimées à 3.200 euros par mois). Au total, chaque ministre de l'ancien gouvernement coûtait 14.200 euros par mois au contribuable français. Désormais cette somme ne sera que de 9.900 euros.

Selon François Hollande, messieurs les ministres doivent "se serrer la ceinture" pour donner un exemple de modestie à leurs compatriotes touchés par la crise.

François Hollande et son premier ministre Jean-Marc Ayrault, les deux fonctionnaires les plus haut placés de France, toucheront chacun 14.850 euros par mois: en vertu de la loi, leurs émoluments doivent être  supérieurs de 50% à ceux des ministres. Nicolas Sarkozy recevait, quant à lui, 21.200 euros par mois.

Toutefois, la droite s'efforce de ternir la fête des socialistes. Certes, chaque ministre de François Hollande reviendra moins cher au contribuable mais les membres du cabinet seront plus nombreux, 34 personnes au total. Le premier cabinet formé sous Nicolas Sarkozy et dirigé par François Fillon (2007-2011) ne comprenait que 20 ministres (sans compter le premier ministre), ainsi ce cabinet revenait pratiquement 60.000 euros moins cher que celui d'aujourd'hui.

On y décèle le vieux talon d'Achille des socialistes européens, à savoir leur amour des cabinets pléthoriques, autrement dit des grands gouvernements (big government).

Dans la politologie occidentale moderne, le terme de big government est décidément négatif. Mais rien à faire, François Hollande avait trop de monde à remercier. Le cabinet Ayrault est hétéroclite à souhait: il comprend des Français d'origine nord-africaine, des représentants de pratiquement tous les partis de gauche (à l'exception des communistes), des vétérans du Parti socialiste… Leurs domaines de compétences sont parfois bien exotiques: dans le gouvernement, il y a le ministre des Droits de la femme, le ministre de l'Egalité des territoires, et même le ministre du Redressement productif (la Russie aurait bien besoin d'un fonctionnaire pareil).

Ce ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, est d'ailleurs un personnage assez haut en couleurs. L'aile gauche de son parti socialiste natal l'ovationne (aux primaires du PS il a remporté le troisième résultat avec 17% des voix, derrière François Hollande et Martine Aubry). En revanche, il fait grincer des dents, selon Le Figaro, l'aile droite du PS.

Pourquoi? Mais parce que M. Montebourg est un partisan du capitalisme coopératif dont le slogan est "oui à l'économie de marché, mais non à la société de marché", et qui devrait de nouveau offrir aux travailleurs la possibilité de devenir propriétaires des moyens de production au même titre que les patrons.

Aujourd'hui on a tout lieu de soupçonner François Hollande de vouloir mettre en œuvre les initiatives de M. Montebourg. Le président de la république à déjà déclaré que la France ne ratifierait pas le pacte européen de stabilité budgétaire tant que le document n'aura pas été assorti de mesures de stimulation de la croissance économique. On y sent bien l'influence de
M. Montebourg: l'hostilité envers l'euro-discipline budgétaire est un trait caractéristique de ce type de gauche. A une époque, en 2006, Montebourg a été l'un des instigateurs de la campagne dirigée contre le projet de Constitution européenne torpillé finalement par les électeurs français.

Ainsi, la tentation d'"édifier le socialisme dans un seul pays" européen se profile de nouveau à l'horizon, et elle est grande. Toutefois, seul Staline a réussi à ce jour à réaliser un tel projet, au prix de l'isolement de l'URSS vis-à-vis de cette même Europe. Edifier au milieu de l'Europe un Etat social à part doté d'une industrie nationale puissante est une tâche ardue. Ne serait-ce que parce que la monnaie commune prévoit une politique budgétaire conjointe, ce qui ne permettra pas d'injecter de manière incontrôlée des ressources budgétaires dans l'économie française, par exemple. Autrement l'euro commencerait à s'effondrer.

L'un des prédécesseurs de François Hollande à la tête du Parti socialiste, le célèbre Léon Blum, a tenté à une époque une expérience similaire. Sous ce premier ministre du gouvernement du Front populaire en 1936-37 ont été décrétés la semaine de travail de 40 heures, deux semaines de congés payés, et une tentative a été faite de relancer l'industrie avec les méthodes économiques de Maynard Keynes. Toutes ces mesures ont provoqué une fuite généralisée des capitaux. Et tout cela dans les années 1930, en l'absence de portemonnaies virtuels et de cartes bancaires. Aujourd'hui, l'argent est viré aux quatre coins du monde par un seul clic de souris. La phrase de Karl Marx "le prolétariat n'a pas de patrie" s'est avérée juste, avec une petite correction cependant: c'est le capital qui n'a pas de patrie. Ainsi, il devient pratiquement impossible d'édifier le socialisme dans un seul pays sans réaliser la réforme de l'Union européenne tout entière.

Toutefois, les gouvernements français de droite qui ont succédé à celui de Léon Blum, ont tout de même conservé la semaine de travail de 40 heures, ainsi que les congés payés: les socialistes ne faisaient pas que des bêtises. On ne doit pas en effet infliger une vie d'esclave aux gens dans une société riche. Il est évident qu'aujourd'hui les réformes sociales sont également d'actualité. Mais elles ne devraient pas forcément consister à revenir aux anciens acquis (Hollande promet de ramener l'âge de la retraite à 60 ans).

Les experts proposent d'autres solutions, notamment modifier l'attitude du patronat et des consommateurs envers les personnes âgées (il n'y a notamment aucune raison pour que seules les femmes jeunes et au physique de mannequin puissent être serveuses de restaurant ou présentatrice à la télévision). Mais ces réformes nécessitent une société plus humaine et bienveillante, or ce n'est plus un problème purement économique.


L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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