Moscou : pourquoi le Kremlin provoque des élections municipales anticipées

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Arnaud Dubien - Sputnik Afrique
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C’est un coup que personne n’a vu venir à Moscou. Le maire de la capitale russe, Sergueï Sobianine, a annoncé, le 5 juin, sa décision. Sa décision, dont personne ne doute qu’elle a été « soufflée » par le Kremlin, aura pour effet de déclencher des élections municipales le 8 septembre prochain.

C’est un coup que personne n’a vu venir à Moscou. Le maire de la capitale russe, Sergueï Sobianine, a annoncé, le 5 juin, sa décision. Sa décision, dont personne ne doute qu’elle a été « soufflée » par le Kremlin, aura pour effet de déclencher des élections municipales le 8 septembre prochain. Pour mémoire, Sobianine avait été nommé à ce poste par Dmitri Medvedev à l’automne 2010 en remplacement de Iouri Loujkov. Les élections du maire de Moscou étaient censées se tenir au suffrage universel direct en 2015 conformément à la nouvelle loi adopté le 2 mai 2012, qui prévoit que les chefs des exécutifs régionaux (gouverneurs, présidents de république, maires de Moscou et Saint-Pétersbourg) seront non plus nommés mais directement élus.

L’enjeu du scrutin municipal à Moscou est colossal pour le pouvoir. La capitale est en effet le bastion de l’opposition de rue, qui a mobilisé des dizaines de milliers de personnes à l’hiver 2012. Le parti du pouvoir, Russie unie, et le président Poutine y sont minoritaires (seuls 46% des moscovites ont officiellement voté Poutine en mars 2012). La dimension symbolique des élections municipales à Moscou est donc très forte. Pour le pouvoir, le risque existe de voir un candidat d’opposition l’emporter. Théoriquement en tout cas.

Plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte et expliquent le choix d’organiser un scrutin anticipé. Le plus important est que le pouvoir a voulu prendre de court l’opposition. En effet, il est probable que Mikhaïl Prokhorov, qui avait fait part de ses ambitions pour 2015, ne puisse pas se présenter. Il ne s’est pas séparé de son business ni de ses comptes à l’étranger, et il ne peut donc occuper le poste de maire de Moscou selon les termes de la nouvelle loi.  De même, il est probable qu’Alexey Navalny ne puisse pas non plus être candidat : actuellement jugé à Kirov, le blogueur héraut de la lutte anti-corruption devrait être condamné. Même si la peine est légère et symbolique, elle suffira à l’empêcher de concourir.

Bien que le Kremlin fasse tout pour minimiser les risques, l’élection du 8 septembre à Moscou peut lui réserver de (mauvaises) surprises. Un recours à la « ressource administrative » voire à la fraude pourrait bien « réveiller » le mouvement protestataire dans la capitale. Alors que l’un des objectifs de la manœuvre engagée par le Kremlin est de légitimer Sergueï Sobianine, celui-ci pourrait ressortir affaibli d’un scrutin entaché d’irrégularités.

Le nouveau scénario qui est en train de s’écrire pourrait par ailleurs affecter l’avenir politique de Sergueï Sobianine au niveau national. Pressenti comme l’un des successeurs possibles de Dmitri Medvedev, le maire de Moscou ne pourra sans doute plus prétendre à la Maison Blanche à court terme. En revanche, ses perspectives politiques à moyen terme seraient renforcées en cas de « bonne élection » en septembre. Un maire de Moscou légitimé par le suffrage universel pourrait faire figure de « dauphin » crédible à l’horizon 2017. A supposer que Vladimir Poutine ait l’intention de ne pas solliciter un quatrième mandat.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

Arnaud Dubien dirige, depuis mars 2012, l’Observatoire franco-russe à Moscou. Diplômé de l’INALCO et de l’IEP de Paris, il a été, de 1999 à 2006, chercheur Russie-CEI à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Il a ensuite dirigé plusieurs publications spécialisées sur l’espace post-soviétique, parmi lesquelles l’édition russe de la revue Foreign Policy et les lettres confidentielles Russia Intelligence et Ukraine Intelligence. Ces dernières années, Arnaud Dubien a par ailleurs travaillé comme consultant du Centre d’analyse et de prévision du ministère des Aff aires étrangères, ainsi que de grands groupes industriels français. Il est membre du Club de Valdaï.

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