Le destin d'un chef de bataillon, fondateur de l'agence RIA Novosti

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Le journaliste spécialiste des questions internationales Spartak Beglov, l'un des fondateurs et dirigeants de l'Agence de presse Novosti (aujourd'hui RIA Novosti), souffle ses 80 bougies.

Le journaliste spécialiste des questions internationales Spartak Beglov a été l'un des fondateurs et dirigeants de l'Agence de presse Novosti (aujourd'hui RIA Novosti).

Célébrant son 80e anniversaire, il a fait remarquer qu'il avait donné à la guerre la période la plus précoce de sa jeunesse: la soirée consacrée à la promotion de l'école secondaire de la ville de Pouchkine, dans les environs de Moscou, avait pris fin à l'aube du 22 juin 1941, date de l'agression de l'Allemagne contre l'URSS. Peu après les jeunes gens avaient reçu leur feuille de mobilisation. Cependant, comme Spartak était un an plus jeune que ses camarades de classe, il n'avait pas été appelé sous les drapeaux. Pour la suite, laissons-lui la parole.

* * *

"Toutes les nombreuses fois que je m'étais adressé au bureau de recrutement la réponse avait été la même: quand tu auras atteint l'âge requis, tu recevras ta convocation. J'avais alors pris le chemin de l'aéroclub pour apprendre le pilotage, mais là aussi j'avais essuyé un refus. Et puisque l'on ne voulait pas que j'apprenne à voler, je me suis inscrit là où l'on apprenait à construire des avions, c'est-à-dire à l'Institut d'aviation de Moscou.

Entre-temps, la situation sur le front devant Moscou ne cessait d'empirer. L'organisation komsomol de la capitale avait décidé d'aider l'armée à former des bataillons de skieurs composés de jeunes. Comme j'étais un mordu de ski, j'avais été enrôlé sans problèmes. Personne n'avait eu l'idée de s'intéresser à ma date de naissance. C'est ainsi que je m'étais infiltré dans l'armée.

Après un bref stage d'instruction dans un régiment de réserve, nous avions pris le train pour Toula et de là nous avions gagné le front. Notre 118-e bataillon de skieurs avait été rattaché au 1-er corps de cavalerie de la garde du général Belov. Les cavaliers regardaient les skieurs avec condescendance. Seulement après le 5 décembre 1941, quand, subissant de lourdes pertes, les unités allemandes commencèrent à reculer, nos attaques inopinées dans les plaines et les bois enneigés prenaient l'ennemi à l'improvise et lui faisaient mal. Parfois, laissant les skis et les chevaux à l'orée des forêts, nous chassions l'ennemi des villages occupés. Dans ces cas nous attaquions en rampant dans la poudreuse.

A la fin du mois de janvier 1942 je fut blessé pour la première fois. Rien de bien grave, une balle dans l'épaule gauche. Après un séjour à l'hôpital on m'envoya suivre les cours de sous-lieutenant. Deux mois plus tard j'obtenais le grade de lieutenant. Durant cette période d'instruction j'avais mis à profit mes connaissances en matière d'orientation sur le terrain et de lecture des cartes topographiques.

Mes premières fonctions d'officier furent celles de chef-adjoint d'état-major de bataillon. En été 1942, le secteur du front occupé par notre 194-e division longeait la rivière Ougra. En octobre de la même année on m'envoya de nouveau faire des études, cette fois aux cours du personnel de commandement du Front (Groupe d'armées) Ouest. Après ce stage, je reçus une affectation dans le Front de Kalinine, dans la 52-e division qui tenait un petit secteur dans les environs de la ville de Rjev. J'étais alors lieutenant-chef, chef d'état-major de bataillon. Notre unité avait été chargée d'aider les troupes combattant devant Stalingrad. Sa mission consistait à pénétrer dans les arrières du groupement du général Paulus, de barrer le chemin aux renforts allemands arrivant de l'ouest et de prendre le contrôle du Donbass du Nord. Avec d'autres formations de la 37-e armée nous réussîmes l'opération "Grand bond" le long du Donets septentrional, franchissant en combattant quelque 500 kilomètres dans la zone de la 10-e division blindée. La steppe du Donets était recouverte d'une épaisse couche de neige et nous avancions derrière les chars qui dégageaient la neige au moyen de troncs d'arbres formant "fer à repasser". A la fin du mois de janvier nous nous trouvions déjà à Starobelsk, la première ville ukrainienne libérée par l'Armée soviétique. A l'issue de durs combats pour la prise des villes d'Artemievsk et de Sol, notre division établit une tête de pont sur la rive orientale du Donets septentrional. Les "Iu-86" à croix noires se livraient à des "piqués psychologiques", saupoudrant de bombes nos positions. Cependant, cela ne nous empêchait pas de creuser des tranchées et d'aménager des cagnas.

En juin 1943, un ordre du jour du chef de la division m'attribua le grade de capitaine. Je fus alors nommé premier chef adjoint d'état-major de régiment. J'avais entre les mains toutes les données provenant de la reconnaissance et ma mission consistait à ce que la situation réelle soit portée avec exactitude et célérité à la connaissance des commandants de tous les niveaux.

Le mois suivant, le commandement de la Wehrmacht décida d'assener un coup aux forces stratégiques soviétiques dans le secteur de Koursk-Belgorod. Une grandiose bataille de chars, d'une ampleur aujourd'hui encore inédite, s'engagea non loin du bourg de Prokhorovka. L'Armée soviétique y engagea plus de 800 chars et canons autotractés.

Le feu d'artifice — le premier depuis le début de la guerre — tiré à Moscou le 5 juillet devait attester la portée de la victoire dans cette bataille. Les Allemands commencèrent à reculer et les troupes soviétiques s'emparèrent de l'initiative pour ne plus la laisser échapper jusqu'à la fin du conflit.

Notre division fut engagée dans l'offensive générale lancée sur l'axe de Koursk-Belgorod. Après avoir franchi le Donets septentrional notre formation se heurta à l'ennemi aux approches de Kharkov. Les pertes étaient lourdes, la division avait besoin de renforts. Seulement en attendant l'arrivée de forces fraîches, les commandants furent contraints de ramener les effectifs des régiments décimés à ceux d'un bataillon.

Le 25 août, je fêtais mon 19-e anniversaire. Le lendemain, le chef du régiment me donna l'ordre suivant: "Capitaine Beglov, prenez le commandement de l'infanterie au complet".

L'offensive se poursuivait. Le 10 septembre, à l'issue d'une intense préparation d'artillerie, j'emmenais la compagnie à l'attaque. Seulement après avoir franchi quelques pas je ressentis une vive douleur dans le pli du bras droit. Un sniper m'avait envoyé une balle explosive.

Je suis reconnaissant aux médecins de l'hôpital de campagne de ne pas avoir fait ce qui était fait "automatiquement" dans ces cas là, c'est-à-dire de ne pas m'avoir amputé. Je suis resté hospitalisé jusqu'au mois de janvier 1944. Réformé, je suis rentré à la maison. Juste au moment où l'Institut moscovite des relations internationales venait d'ouvrir ses portes. Une fois cet établissement terminé, j'ai travaillé en qualité de journaliste et de chercheur dans le domaine des médias. Par la suite, j'ai enseigné à la faculté de journalisme de l'Université de Moscou".

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