Un grand homme de foi

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Répudiant vie marginale et rêves d'acteur, Karol Vojtyla choisit le chemin de la vie religieuse et celui du repentir des péchés et de la pénitence. C'est cette aspiration à assumer personnellement tous les péchés du monde qui finalement le conduisit au trône pontifical, aboutissement de la voie tracée par sa Providence.

Par Anatoli Koroliov, commentateur politique de RIA Novosti

La vie de Karol Wojtyla confirme la règle selon laquelle un grand destin commence par le renoncement à l'existence au nom du devoir. Le jeune Polonais n'avait pas du tout l'intention de prendre le froc, au contraire, toute l'énergie de son âme était tendue vers l'art. Il rêvait de devenir poète, dramaturge, acteur en fin de compte. Dans l'art il avait opté pour les innovations radicales, partisan de l'avant-gardisme et de l'expérimentation qu'il était. Méprisant le réalisme, il menait une vie de bohème. Bien qu'animé d'une foi profonde pour le Christ, Karol était avant tout un esthète. Il jouait dans la troupe dramatique du "Studio 38", écrivait des pièces avant-gardistes. Pendant l'occupation de la Pologne il avait joué dans un théâtre clandestin et écrit la pièce "Le Roi Esprit" (1940).

Son destin rappelle partiellement celui du jeune Bouddha, le prince Gautama, qui, coupé de l'existence, avait vécu dans un palais, ignorant que dans le monde il y avait les maladies, la faim et la mort. La vue inopinée d'une procession mortuaire avait métamorphosé sa vie.

Karol Vojtyla connut un bouleversement similaire: au début de l'année 1944, renversé par une automobile, il resta quelque temps entre la vie et la mort. Alité, il endura les émotions de Bouddha et, plongé dans une transe profonde, il ressentit la fragilité et la vanité de la vie. C'était un saint quand il sortit de l'hôpital.

Karol prit conscience que Dieu lui avait conféré un destin tout autre que celui qu'il souhaitait, que la mort prématuré de son père, de sa mère et, plus tard, de son frère aîné, l'avait ceint de l'anneau de la solitude. Il y avait là un appel au jeune homme.

Répudiant vie marginale et rêves d'acteur, Karol Vojtyla choisit le chemin de la vie religieuse et celui du repentir des péchés et de la pénitence. C'est cette aspiration à assumer personnellement tous les péchés du monde, à placer son corps sur la croix au nom du triomphe de la Foi qui finalement le conduisit au trône pontifical, aboutissement de la voie tracée par sa Providence.

Le pape Jean Paul II se lance dans des entreprises sans précédent! Avant lui en deux millénaires de christianisme aucun pape n'avait fait pareilles choses.

Le 11 décembre 1983, il devient le premier souverain pontife à prêcher dans une église luthérienne, méprisant le schisme de l'Eglise au nom du Christ.

Trois ans plus tard, le 13 avril 1986, Jean Paul II est le premier nonce apostolique à se rendre dans une synagogue et à saluer les Juifs qu'il qualifie de "frères aînés". Par cet acte il lève formellement l'accusation selon laquelle les Juifs de toutes les générations étaient coupables de la mort du Christ.

Le 21 mai 1995, le pape demande pardon pour le mal causé dans le passé par les catholiques aux adeptes des autres confessions, il assume le sang des Croisades, les exécutions et les persécutions de l'Inquisition à l'égard de la science. Le 20 mars 2000, le souverain pontife fait son mea culpa et demande pardon pour les fautes commises par les "fils de l'Eglise". Le pape se rend à Jérusalem, la ville où le Christ est mort. Il prie au Mur des lamentations. Enfin, le 6 mai 2001, le pape ôte ses chaussures et entre dans la mosquée des Omeyyades à Damas, devenant ainsi le premier pape de l'histoire à pénétrer dans un temple musulman.

Avant lui seul le grand hindou Ramakrishna avait par la parole et le geste persuadé le monde qu'il n'y avait qu'un Dieu dont le nom était prononcé différemment par les gens.

Il y a trois ans, j'ai eu l'occasion d'assister à une réception publique au Palais des audiences au Vatican. Des milliers de croyants venus des quatre coins du monde s'étaient rassemblés dans une salle immense. Par hasard je m'étais retrouvé au milieu d'une délégation d'aviateurs polonais, et lorsque des cardinaux avaient fait entrer dans la salle la "papamobile", ces hommes s'étaient mis à pleurer…

Un jeune Italien qui se tenait près de moi avait tendu à bout de bras en direction du pape une fillette et celle-ci, effrayée par le rayonnement des vêtements immaculés du souverain pontife, s'était mise à pleurer. Et que s'était-il passé alors? Dans le bruit et les chants de ces milliers de personnes en liesse le pape avait entendu ses pleurs et fait signe de le diriger vers la fillette. Arrivé à notre hauteur, il avait tendu sa paume vers la petite tête bouclée, l'avait caressée et la fillette avait cessé de pleurer.

Son père avait alors fondu en larmes et le pape lui avait adressé un signe de croix.

Savoir entendre le faible gémissement d'une fillette apeurée dans le brouhaha du monde. C'était peut-être là le grand mystère du défunt pape Jean-Paul II.

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