La Russie rembourse sa dette envers le Club de Paris. Et après?

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Par Alexandre Iourov, RIA Novosti

La Russie vient de rembourser entièrement sa dette envers le Club de Paris. Les conséquences possibles de cet événement divisent les experts.

Il vaut mieux juger de l'efficacité de telle ou telle mesure économique prise par le gouvernement en regardant dans son propre porte-monnaie. Imaginez que vous devez de l'argent à peu près à tout le monde, non seulement à vos proches, mais aussi aux voisins de palier et aux voisins du dessus, et que, par-dessus le marché, vous venez d'inonder vos voisins du dessous. Il est facile de se représenter l'attitude qu'adopteront les voisins à votre égard. Et si, de surcroît, vous avez des travaux de réparation à faire... Dans cette situation, il ne servira à rien de prendre des airs arrogants et de leur parler d'une voix assurée, et il faudra bien les payer.

Bien sûr, en remboursant un jour toutes vos dettes, vous n'éprouverez pas de sensation d'allégresse. Avec cet argent, les ex-créanciers se mettront à s'acheter de belles choses, et tout porte à croire qu'ils ne vous diront même pas merci. Mais une vie sans dettes présente, elle aussi, d'énormes avantages, car vous pourrez enfin non seulement sortir de chez vous l'esprit serein, mais aussi oser dispenser des conseils judicieux.

De l'Union soviétique, la Russie a hérité plus de 100 milliards de dollars de dettes. Dans les années 1990, le fardeau des dettes de la Russie nouvelle n'en finissait pas de s'alourdir, et il n'était même pas question de les rembourser par anticipation, car il fallait aussi payer les intérêts. Résultat, selon certaines données, la Russie devait plus de 160 milliards de dollars à la fin de 1998, tous créanciers confondus. Vers le début du siècle nouveau, la Russie a changé radicalement sa politique de service de la dette. Les autorités se sont mises à se débarrasser progressivement des créances accumulées. Selon des experts, après le remboursement de la dette envers le Club de Paris, le volume global des dettes extérieures russes sera de l'ordre de 50 milliards de dollars, soit 5% à 9% du PIB. A titre de comparaison, au lendemain de la crise financière de 1998, le fardeau des dettes russes s'élevait à 90% du PIB. Qui plus est, la structure même de la dette actuelle diffère fortement de celle des engagements nationaux antérieurs. La dette publique est devenue un instrument de marché, sa plus grande partie (environ les deux tiers) étant convertie en euro-obligations. Une autre partie des créances est convertie en obligations d'emprunt libellées en devises étrangères, et il y a aussi une dette envers la Banque mondiale. Toutefois, la structure contemporaine de la dette russe relève une particularité notable: le remboursement anticipé du reliquat de la dette est quasiment impossible. Les obligations russes sont entre les mains de milliers et de milliers de détenteurs, et si l'Etat décide de continuer à réduire sa dette extérieure, il fera face à une foule de créanciers. Tout porte à croire, donc, que la Russie s'en tiendra au calendrier des paiements établis.

Selon les calculs du ministère russe des Finances, l'opération de remboursement anticipé de la dette extérieure permettra au Trésor de réaliser 12 milliards de dollars d'économies sur les intérêts que le pays aurait dû verser jusqu'en 2020 conformément au calendrier des paiements. Une somme qui paraît modeste vu l'énorme quantité de pétrodollars qui ont envahi le pays ces derniers temps. Les fonctionnaires estiment, par ailleurs, qu'à l'avenir la Russie engrangera beaucoup plus d'avantages. Le statut de créancier net encourage la révision à la hausse des notes nationales, et non seulement. Les économies ainsi accumulées seront versées à un fonds d'investissement et servira à former une nouvelle cagnotte pour les générations à venir. La Russie commencera donc à économiser en cas de baisse des prix des hydrocarbures.

Toutefois, les principaux avantages semblent de nature politique. Tant que les prix du pétrole restent élevés, l'économie russe subit la forte pression d'un rouble en cours d'appréciation, alors que les biens de fabrication russe deviennent plus chers et moins compétitifs sur les marchés internationaux. A l'heure actuelle, les possibilités de la Banque centrale, qui rachète les devises excédentaires, et du fonds de stabilisation, sont insuffisantes. L'inflation demeure assez élevée. Et voici qu'aujourd'hui, de pays débiteur, la Russie reçoit une belle occasion de se transformer en pays créancier. Contrairement au passé, quand l'Union soviétique soutenait certains pays du tiers-monde, il semble que la politique actuelle ne soit plus l'otage des vieilles idéologies. Tout porte à croire qu'elle se bâtira exclusivement sur la raison. En se débarrassant du fardeau des dettes, la Russie se dote d'un instrument fiable pour les placements à long terme, si elle choisit des pays solvables pour partenaires. Avec le temps, les crédits ainsi remboursés pourraient devenir le meilleur fonds de placement pour les générations à venir.

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