La Russie vue par la presse de la CEI et des pays baltes

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ESTONIE

Les médias locaux se montrent très attentifs envers le conflit pétro-gazier entre la Russie et la Biélorussie. De nouveau, Moscou est énergiquement accusé d'être un partenaire peu fiable de l'Occident. "La dispute russo-biélorusse sur le pétrole et l'arrêt des livraisons de brut en Europe ont porté un nouveau coup dur au prestige de la Russie en tant que fournisseur d'énergie" ("Parnu Postimees", 10.01). "A Bruxelles et dans les grandes capitales de l'UE, il devient clair que du moment que la Communauté est importatrice de la moitié de l'énergie qu'elle consomme, les réformes du secteur énergétique ne pourront plus rester une affaire intérieure de la seule Union. Surtout aujourd'hui, alors que le fournisseur principal, la Russie, fait preuve d'inconsistance, comme à dessein, après une interruption d'un an ("Eesti Paevaleht", 11.01).

La proposition allemande d'interdire dans les pays de l'Union la négation de l'Holocauste et l'utilisation des symboles nazis est perçue par les journalistes locaux à la lumière d'une éventuelle réaction de la Russie. On craint qu'en cas d'approbation de cette mesure, Moscou ne puisse en profiter à des fins de propagande. "On ne peut qu'imaginer combien d'huile jettera cette loi européenne, qui interdit les symboles nazis et la négation de l'Holocauste, sur le feu de la propagande russe! Déjà, le Kremlin reproche sans cesse à l'Estonie d'exalter le nazisme. A présent les politiques russes bénéficieront, au moins, d'un soutien politique de Bruxelles" ("Postimees", 16.01).

LETTONIE

Le problème des livraisons d'hydrocarbures russes en Europe par les réseaux de conduites biélorusses a été le thème numéro un de la presse locale. Les analystes mettent en garde contre la menace d'une réduction notable des fournitures de gaz russe aux consommateurs européens d'ici à 2010. "Moscou tient à contrôler tous les itinéraires de transport de gaz de la Caspienne en direction de l'Europe, afin de dicter ses conditions aussi bien aux exportateurs de gaz centrasiatiques qu'aux consommateurs de gaz européens" ("Dienas Biznes", 03.01). "Les règlements de comptes entre Gazprom et les pays de la CEI détournent la branche énergétique et les politiques en Europe de la question de loin la plus importante: le risque de l'apparition, vers 2010, d'une notable pénurie de gaz russe (...). Le déclin des vieux gisements (de Gazprom) et l'insuffisance d'investissements dans de nouveaux sites créeront, à terme, un grave problème autour des livraisons. Des milliards de mètres cubes de gaz ne seront pas livrés à l'Europe" ("Telegraf", 03.01).

LITUANIE

Les médias lituaniens mettent l'accent sur le comportement sans gêne de la Russie, prête à sacrifier les rapports d'amitié et des contrats à des avantages immédiats. "Le président russe Vladimir Poutine a décidé de faire de la Biélorussie un débiteur insolvable. Ce schéma compliqué (...) - on prétend que son auteur est bien M. Poutine lui-même - se présente, brièvement, comme suit: ou bien la Biélorussie organise de son bon gré le référendum sur son incorporation dans la Russie et l'introduction du rouble russe, ou bien elle sera amenée à le faire (sous la pression des sanctions économiques)" ("Lietuvos Rytas", 13.01). "Aux yeux de l'Union européenne, la Biélorussie s'est présentée comme la victime d'un chantage brutal. Aujourd'hui, décréter des sanctions économiques quelconques contre la Biélorussie revient à adhérer à la politique du Kremlin"("Respublika", 03.01).

Pour certains journalistes lituaniens, l'année 2006 est celle de l'agression russe. Comme auparavant, on les entend inviter les partenaires économiques des pays baltes à rechercher des sources d'énergie en mesure de remplacer les sources d'approvisionnement russes. "Une nouvelle lutte entre une Russie qui tire des profits immenses de la vente de son pétrole et de son gaz et un Occident sans volonté s'engage immédiatement après l'arrivée du Nouvel An. Cette grande bataille se déroulera uniquement sur le champ énergétique. Les pays baltes, avec leur alliée la Pologne, cherchent à diversifier leurs fournisseurs d'énergie. Mais ce ne sera pas un grand obstacle pour la Russie, ses riches sociétés énergétiques le contourneront facilement en achetant en Europe des compagnies de distribution d'énergie. Même les anciens pays communistes ne sauront résister à la tentation de traités spéciaux avec la Russie" (Verslo Zinios", 04.01).

UKRAINE

La plupart des médias ont jugé que la ressemblance entre la guerre énergétique russo-biélorusse et le conflit gazier russo-ukrainien d'il y a un an n'était que superficielle. Selon la presse, Moscou a non seulement suscité ce conflit pétrolier, mais a même poussé consciemment la Biélorussie à lancer une contre-attaque.

"Si la Russie avait bien voulu passer progressivement aux relations de marché avec la Biélorussie, elle se serait contentée d'une seule victoire gazière et aurait reporté la guerre du pétrole à l'année prochaine... Mais des conditions a priori inacceptables ont été présentées à Loukachenko, afin qu'il ne puisse même penser à accepter les exigences russes. On avait justement besoin d'un scandale, d'une fustigation exemplaire de Minsk. Si les Biélorusses avaient "avalé" les nouvelles conditions pétrolières après avoir accepté celles concernant le gaz, Moscou aurait trouvé un autre prétexte de conflit" ("Oligarh.net", 09.01).

Une des principales tâches que la presse s'est assignée consistait à établir la motivation de Moscou dans ce conflit.

"Le scandale avec la Biélorussie doit secouer les investisseurs étrangers, les inciter à investir dans la construction de réseaux d'exportation russes" ("Versii", 10.01).

"En ce qui concerne le gaz, la principale raison est l'aspiration à contrôler le "tuyau" de transit en Biélorussie... L'objectif de "l'assèchement" de l'oléoduc Droujba pourrait consister à retenir la chute des prix du pétrole sur le marché mondial... L'afflux permanent de pétrodollars est extrêmement important pour l'économie russe qui se développe de façon dynamique, autant que pour les nombreux fonctionnaires russes de haut rang qui en tirent des bénéfices" ("Podrobnosti", 09.01.).

Certaines sources se sont déclarées persuadées que la "chamaillerie" entre Moscou et Minsk n'était que le prélude d'une nouvelle spirale de la tension dans le dialogue russo-ukrainien, d'un renforcement de la pression de la part du Kremlin.

"Les Ukrainiens devraient se préparer au pire. La déstabilisation de la situation dans les pays voisins est la marotte de la politique extérieure russe" (UNIAN, 05.01.).

"L'actuelle attaque contre la Biélorussie... n'est qu'un échauffement avant d'adopter une mesure analogue vis-à-vis de l'Ukraine... Après l'achèvement de la "privatisation" des pipelines [gaziers et pétroliers] biélorusses, la Russie essaiera de placer sous son contrôle la même infrastructure en Ukraine" (Ukraine daily, 11.01).

ARMENIE

L'information selon laquelle l'Iran serait prêt à livrer du gaz à l'Arménie a provoqué de grands remous. Quoi qu'il en soit, l'Arménie n'y est pas encore prête. Les analystes attribuent à des pressions de Moscou ce manque d'intérêt que manifestent aujourd'hui les autorités arméniennes pour l'exploitation du gazoduc Iran-Arménie qui était cependant considéré tout récemment encore comme une bonne alternative au gaz russe. Les médias constatent que sur cette question précise l'Arménie y perd aussi, le Kremlin contrôlant toujours son secteur énergétique. "Tout porte à croire que la partie russe a laissé clairement entendre aux autorités arméniennes que le gaz iranien ne viendrait tout simplement pas en Arménie par le gazoduc posé depuis Kadjaran jusqu'à la plaine de l'Ararat et appartenant à 60% à la société ArmRosgazprom... Reste à savoir pour combien de temps encore, au risque de perdre la confiance de l'Iran voisin, l'Arménie manifestera de la compréhension face aux caprices de son partenaire stratégique qu'est la Russie, caprices qui se traduisent, entre autres, dans la politique d'élévation des prix du gaz et de maintien du monopole russe sur le marché énergétique arménien" (Aravot, 11.01). "A présent, le gazoduc Iran-Arménie est considéré un peu autrement qu'il ne l'a été il y a de cela quelques mois: si à l'époque on pouvait effectivement le considérer comme l'un des éléments de notre sécurité énergétique en perspective, aujourd'hui en revanche, cet ouvrage symbolise en quelque sorte la situation vulnérable de l'Arménie et sa dépendance envers les intérêts des grands de ce monde" (Golos Armenii, 16.01).

GEORGIE

Selon les analystes, la Russie a confirmé une fois de plus sa réputation de fournisseur d'hydrocarbures très peu fiable qui n'hésite même pas à recourir à un chantage pur et simple. "Déjà bien ternie, la réputation de la Russie en tant que fournisseur d'hydrocarbures a été une fois de plus remise en doute aux yeux de ses partenaires en Occident... Le danger représenté par le chantage énergétique de la Russie est devenu encore plus évident pour ses voisins immédiats comme pour l'Europe de l'Ouest. Et pour ce qui est de la réputation du "dernier dictateur de l'Europe" - Alexandre Loukachenko - ce dernier n'a rien à perdre sur ce plan. Aussi répond-il à la Russie dans son propre langage, celui du chantage" (24 saati, 10.01).

AZERBAIDJAN

La presse attache une attention toute particulière à la dégradation des relations entre Bakou et Moscou. "En 2006, la situation en Russie a été caractérisée par certaines particularités de taille qui avaient de l'importance aussi pour l'Azerbaïdjan... Le rôle de la Russie dans l'espace postsoviétique est en train de changer: la politique de l'égalité en droits y est de plus en plus substituée par le pragmatisme, ainsi que par la volonté de garantir au maximum ses propres intérêts politiques et économiques... Par conséquent, l'Azerbaïdjan qui se trouve aujourd'hui confronté à une politique injustement dure de la Russie, qu'il s'agisse des problèmes énergétiques ou de la nouvelle politique des migrations, devra, de toute évidence, apporter certaines corrections dans la réalisation de ses propres priorités en politique extérieure à l'égard de son voisin du nord" (Zerkalo, 09.01).

Quoi qu'il en soit, les experts estiment peu probable la participation de la Russie à des tentatives éventuelles de renversement d'Ilham Aliev. "Aussi mécontent qu'il soit d'Aliev, le Kremlin ne comprend que trop que la seule alternative aujourd'hui est constituée par l'actuelle opposition azerbaïdjanaise avec laquelle Moscou ne trouvera jamais de langage commun. Quant aux forces pro-russes en Azerbaïdjan, elles ne sont pas suffisamment puissantes... Bref, la Russie n'a aucun moyen de renverser le pouvoir en place en Azerbaïdjan... La Russie ne peut pas mettre une marionnette quelconque à la place d'Aliev" (Yeni Musavat, 12.01).

Une démarche comprenant la suspension du transport de pétrole azerbaïdjanais via le territoire russe selon l'itinéraire Bakou-Novorossiisk est considérée comme une réponse directe (possible) aux pressions politiques et économiques exercées par la Russie. "Contrairement à la volonté de Moscou, l'Azerbaïdjan se prépare à devenir une source alternative d'approvisionnement en gaz pour l'Europe, fournit du gaz bon marché à la Géorgie et soutient les initiatives de l'Occident pour transporter du gaz depuis l'Asie Centrale vers l'Europe en contournant la Russie. Tout cela irrite Moscou qui ne tient pas du tout à perdre son monopole de livraison d'hydrocarbures en Europe (Yeni Musavat, 10.01).

KAZAKHSTAN

Les médias placent de grandes espérances dans la présidence allemande de l'UE. Selon la presse, l'Allemagne serait intéressée par le Kazakhstan en tant que source d'énergie alternative à la Russie. Astana espère que l'Allemagne soutiendra sa candidature à la présidence de l'OSCE et qu'elle oeuvrera pour accélérer la réalisation du projet de construction du gazoduc Nabucco contournant la Russie et dans lequel le Kazakhstan compte jouer un rôle clé. "La signature du mémorandum kazakho-européen s'est tenue dans le contexte des heurts énergétiques entre la Russie et l'Occident. Les États-Unis et certains pays européens considèrent de plus en plus souvent le diktat énergétique de Moscou comme un puissant instrument géopolitique. Cela pousse les pays européens à mettre en question la fiabilité de la Russie en tant que fournisseur principal de ressources énergétiques"; "l'Occident a bien compris l'aspiration kazakhe à avoir le plus possible de pipelines alternatifs malgré son partenariat stratégique étroit avec la Russie. Gazprom, qui entend créer un circuit gazier méridional transportant du gaz en Europe du Sud sur la base du gazoduc Blue Stream, peut entraver la mise en oeuvre de ce projet. Le gazoduc Blue Stream a déjà rendu peu prometteuse la construction du pipeline transcaspien. Mais l'Occident semble être tout de même prêt à réaliser ce projet en raison des divergences énergétiques avec la Russie" (Liter.kz, 11.01).

TADJIKISTAN

Les médias accusent la société et les autorités russes de commettre les mêmes erreurs qu'à l'époque soviétique en promouvant une idée nationale allant jusqu'au nationalisme. "Pourquoi les corps de centaines de gens, dont certains ne sont pas morts de maladies ou de vieillesse, mais de la main des Russes qui les considèrent comme des personnes de basse catégorie sont-ils renvoyés tous les ans de Russie au Tadjikistan?.. Il n'y avait pas de liberté à l'époque soviétique et les gens se détestaient les uns les autres proportionnellement au degré de l'oppression... Les petits bourgeois russes d'aujourd'hui retombent dans les anciennes erreurs du régime soviétique, ils s'attendrissent sur l'idée nationale sous l'influence de la propagande officielle et se montrent hautains envers leurs voisins" (Farazh, 11.01).

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