Gazprom met la main sur Kovykta

S'abonner
Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti
Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti

L'Etat russe continue de renforcer sa présence dans le secteur pétrogazier. A la fin de la semaine dernière, le russo-britannique TNK-BP a cédé au monopole public Gazprom le gisement de Kovykta dans la région d'Irkoutsk, en Sibérie orientale, l'un des plus importants du monde.

Les investisseurs étrangers ont perçu cette nouvelle avec un optimisme modéré. Car la licence de production aurait pu être reprise à la coentreprise russo-britannique sans compensation aucune et il y avait des raisons à cela. Mais les ententes intervenues entre le russe Gazprom et le britannique BP montrent que Moscou veut non seulement retenir de gros investisseurs dans le pays mais va même jusqu'à leur proposer de gros projets conjoints ailleurs.

Le 22 juin, au Kremlin, en présence de Dmitri Medvedev, premier vice-premier ministre et, par cumul de fonctions, président du conseil des directeurs de Gazprom, TNK-BP a accepté de céder son bloc de contrôle dans le gisement de Kovykta - 63% du capital - au monopole gazier russe. Le montant de la transaction n'a pas été divulgué mais, selon des données non définitives, il pourrait représenter entre 600 et 900 millions de dollars. Etant donné le fait que la société russo-britannique avait investi dans le projet 405 millions de dollars, elle y trouvera son compte et même plus!

Lorsque, en 2003, TNK-BP avait obtenu le contrôle de Kovykta, la compagnie visait sans doute plus gros. Le gisement renferme en effet 2.000 milliards de mètres cubes de gaz, 2,3 milliards de mètres cubes d'hélium, et 115 millions de tonnes de condensat de gaz. Mais la coentreprise russo-britannique n'avait jamais obtenu l'accès aux réseaux gaziers, entièrement contrôlés par Gazprom, pour pouvoir vendre du combustible bleu en Russie et à l'étranger. TNK-BP pouvait vendre son gaz uniquement dans la région d'Irkoutsk, mais qu'est-ce que cela représentait par rapport aux immenses réserves de Kovykta! La société se rendait bien compte que le gisement ne serait jamais exploité à fond sans la participation de Gazprom. Le holding qui a reçu de multiples invitations de participation gardait le silence, même lorsque TNK-BP lui a proposé, au début de l'année, un bloc de contrôle dans le capital du gisement. En juin, la situation pour TNK-BP devint critique. Les autorités russes avaient toutes les raisons de lui retirer sa licence de production car la société russo-britannique ne pouvait pas remplir les conditions de l'accord de licence, à savoir porter la production à 9 milliards de mètres cubes par an.

C'est à ce moment que Gazprom a pointé son nez et, pour sauver le projet, racheté la totalité du paquet de TNK-BP à ses conditions. Les autorités n'ont plus aucun grief à formuler contre la société russo-britannique, même si on s'attendait ce même 22 juin au verdict définitif quant au sort de sa licence. Qui plus est, le ministère russe des Ressources naturelles a fait savoir son intention de modifier les clauses de l'accord de licence et d'attendre, de la part de Gazprom, de nouvelles propositions relatives à la mise en valeur du gisement.

Tout cela n'est pas sans rappeler l'histoire récente qui est arrivée autour projet de production de gaz naturel liquéfié développé par Royal Dutch Shell. Depuis de longues années le géant anglo-hollandais invitait le russe Gazprom à coopérer dans le cadre de Sakhaline-2. En vain. Finalement, suite aux réclamations écologiques du ministère des Ressources naturelles qui auraient pu se solder par un retrait de licence, Shell avait dû, à la fin de l'année dernière, vendre sa part de contrôle au holding gazier russe, tout en restant participant important à Sakhaline-2. Quant aux griefs écologiques envers le projet, ils n'ont pas tardé à être jetés aux oubliettes.

Des évolutions semblables autour du projet de Kovykta ont dans une certaine mesure calmé les investisseurs étrangers. En effet, les règles du jeu dictées par les autorités russes sont restées les mêmes. Qui plus est, les autorités, selon toute vraisemblance, tenaient à rester en bons termes avec le géant britannique BP qui détient 50% de TNK-BP. Conformément aux accords intervenus lors de la rencontre au Kremlin le 22 juin, TNK-BP ou BP tout seul pourront revenir sur Kovykta, en rachetant un bloc de contrôle (25% des participations plus une). C'est de toute évidence la disposition qui a réjoui le plus les investisseurs étrangers. Le Kremlin se rend sans doute compte du fait que sans de gros investissements de la part des plus grandes multinationales, la Russie ne sera pas en mesure de maintenir ses taux de croissance élevés.

Il est tout aussi vrai que la possibilité d'un rachat à réméré par BP de sa part dans le gisement de Kovykta est soumise à une réserve très importante: cette option prendra effet uniquement après l'institution, par BP, TNK-BP et Gazprom, d'une alliance stratégique pour réaliser des projets d'un coût de 3 milliards de dollars au moins et un échange d'actifs, en Russie et ailleurs. Pour l'instant, on ignore la nature de ces projets. Mais il est évident que Gazprom cherche à obtenir, avec l'aide de l'Etat russe et de ses partenaires étrangers, de nouvelles ressources - il en éprouve un besoin pressant - et de nouveaux débouchés à l'étranger. Le monopole gazier russe a intérêt à acquérir des actifs énergétiques aussi bien en Europe qu'en Asie. Depuis longtemps présent sur le marché britannique du gaz, Gazprom entend accroître sa part dans celui-ci et, depuis des années, projette de faire des acquisitions dans le secteur de la distribution de gaz en Grande-Bretagne.

Cette clause a déjà été approuvée en Occident. La Commission européenne ne cache pas sa joie face à l'alliance stratégique Gazprom-BP, laquelle, de l'avis des fonctionnaires de l'Union européenne, devra contribuer à renforcer sa sécurité énergétique. Fait qui ne peut que réjouir le holding: beaucoup, en Europe, se montrent jusqu'à présent trop méfiants envers les investissements russes.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала