ABM, FCE, uranium, banques: les ressorts cachés de la rencontre Lavrov-Ahmadinejad

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Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti
Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti

Il paraît évident que Moscou tente d'apporter des corrections à la politique nucléaire de l'Iran correspondant aux exigences de ses principaux opposants, les Etats-Unis et l'UE: soit un choix à faire entre l'abandon de l'enrichissement de l'uranium ou des sanctions.

La Russie se prononce contre les sanctions unilatérales à l'encontre de Téhéran et préconise toujours le règlement collectif du problème, a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov après sa rencontre avec le président Mahmoud Ahmadinejad. Cette phrase souvent réitérée recèle un détail substantiel: à la différence de Téhéran, Moscou ne nie pas l'existence du problème nucléaire iranien et parle de la nécessité de le régler. Il est vrai, cela ne change rien au scénario collectif prévu, car ce scénario adopté par la Russie, entre autres, prévoit le durcissement des sanctions contre l'Iran par le Conseil de sécurité de l'ONU s'il refuse de mettre un terme à l'enrichissement de l'uranium.

Sergueï Lavrov a probablement dû expliquer à Mahmoud Ahmadinejad cette vérité première au cours de sa visite éclair à Téhéran: si l'Iran ne cesse pas d'enrichir de l'uranium avant fin novembre comme l'exige le Conseil de sécurité, Moscou n'aura plus de fondements pour le défendre. L'inévitabilité des sanctions qui suivront dans le cas contraire (si l'Iran refuse de remplir les exigences de l'ONU) a été mentionnée ces jours-ci par Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune. C'est M. Solana et le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) Mohamed ElBaradei qui ont été chargés de préparer d'ici le 15 novembre un rapport sur le programme nucléaire iranien. A en juger par ses déclarations Javier Solana sera cette fois intransigeant.

La visite de Sergueï Lavrov en Iran n'était dès le début pas conforme aux normes habituelles du fait qu'elle n'était pas prévue. Les cas de force majeure doivent avoir des raisons valables. Dans ce cas, il s'agissait probablement des nouvelles sanctions unilatérales prises par les Etats-Unis à l'égard de l'Iran, plus précisément contre les unités d'élite du Corps des gardiens de la révolution et la force Qods (force spéciale), ainsi que contre trois banques d'Etat iraniennes et leurs filiales se trouvant en dehors du pays. Les sanctions concernent également la filiale Bank Melli à Moscou qui assure les paiements pour tout le matériel de guerre russe fourni à l'Iran (il s'agit de 29 systèmes de missiles de DCA Tor-M1 pour un total de 700 millions de dollars).

Mais il y a des thèmes plus intéressants.

Le sous-secrétaire d'Etat américain Daniel Fried a récemment déclaré que les Etats-Unis tireraient certainement les conclusions qui s'imposent sur le déploiement du bouclier antimissile (ABM) américain en Europe si l'Iran mettait un terme à tous les types de travaux d'enrichissement de l'uranium et s'il commençait à coopérer avec la communauté internationale. Inutile de préciser qu'il s'agissait d'un arrangement proposé par la Maison Blanche au Kremlin. En effet, cette proposition séduisante a presque coïncidé avec la visite de Vladimir Poutine à Téhéran. La Maison Blanche estime que Moscou a des possibilités - surtout après cette visite - d'influer sur certains aspects de la politique étrangère iranienne. Pourquoi, dans ce cas, ne pas lui proposer de persuader les ayatollahs iraniens de renoncer à l'enrichissement de l'uranium et de changer de ton à l'égard de l'Occident?

Enfin, The International Herald Tribune a fait savoir, en se référant à des sources diplomatiques américaines, que les Etats-Unis étaient prêts à faire des concessions sur le FCE (Traité sur les forces conventionnelles en Europe) en échange de l'assouplissement de la position de Moscou sur le Kosovo et du durcissement de sa politique à l'égard de l'Iran.

La perspective de concessions (sur le bouclier antimissile et le FCE) a probablement poussé Moscou à essayer de persuader Téhéran de décréter un moratoire sur tous ses travaux d'enrichissement de l'uranium. Mais que peut bien promettre la Russie en échange? Il est peu probable que la volonté de Washington de se mettre à la table des négociations avec l'Iran ou bien même de rétablir des contacts bilatéraux directs suffise pour attirer l'attention de Téhéran.

Il s'agit probablement d'autre chose. Téhéran affirme depuis longtemps qu'il est un "allié stratégique" de la Russie. Pourquoi ne pas mettre à profit ces rapports de partenariat? Moscou pourrait être garant du caractère pacifique du programme nucléaire iranien en échange du refus des Etats-Unis de lancer des actions militaires éventuelles à l'encontre de l'Iran. Certes, la Russie a des propositions à faire à l'Iran et à en juger par l'accueil réservé à Sergueï Lavrov dans la capitale iranienne, ces propositions intéressent réellement Téhéran.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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