Medvedev en Serbie: une visite-éclair qui en dit long

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Par Igor Tomberg, pour RIA Novosti
Par Igor Tomberg, pour RIA Novosti

Le premier vice-premier ministre Dmitri Medvedev s'est rendu le 25 février à Belgrade pour une visite de travail d'un jour, à la tête d'une importante délégation russe. Celle-ci comportait le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, son adjoint Vladimir Titov et le président du directoire de Gazprom Alexeï Miller. La concrétisation de l'accord cadre intergouvernemental signé fin 2007 à Moscou devait être le sujet principal des négociations, auxquelles Dmitri Medvedev participait en tant que représentant du gouvernement, mais aussi en tant que président du conseil des directeurs de Gazprom.

Le fait que le chef de la diplomatie et son adjoint aient fait partie de la délégation atteste que cette visite revêtait une grande importance sur le plan international, à la lumière du problème du Kosovo, dont les dirigeants ont proclamé le 17 février l'indépendance par rapport à la Serbie. Commentant ce thème des négociations, l'ambassadeur de Russie à Belgrade Alexandre Alexeïev a déclaré que les deux pays devaient coordonner leurs actions et élaborer de nouvelles démarches concernant le Kosovo.

La Russie a déjà préparé un mémorandum déterminant toutes les étapes et délais de mise en oeuvre de l'accord de Moscou. Aux termes de ce document, Gazprom s'engage à construire sur le territoire de la Serbie un tronçon de 400 km du gazoduc South Stream d'un rendement de plus de 10 milliards de m3 de gaz par an (soit un tiers du volume total de gaz qui sera acheminé par le South Stream). Le gaz transporté par ce tronçon passera ensuite en Autriche via la Hongrie où Dmitri Medvedev s'est assuré le soir du même jour le consentement de Budapest à rejoindre le projet South Stream. L'accord intergouvernemental sur l'adhésion de la Hongrie au projet sera signé le 28 février à Moscou, où le premier ministre hongrois Ferenc Gyurcsany se rendra en vue de s'entretenir avec le président Vladimir Poutine.

A propos, la construction à Banatski dvor d'un réservoir souterrain de gaz capable de contenir environ 300 millions de m3 est sur le point de s'achever en Serbie. Il est prévu de créer une coentreprise en vue de le moderniser et de l'exploiter.

D'autres accords seront prochainement signés sur le pétrole. "Cela créera une base solide pour la coopération ultérieure entre nos Etats", a estimé le premier vice-premier ministre. Il s'agit de l'acquisition par la compagnie GazpromNeft du bloc de contrôle de la grande compagnie pétrogazière serbe Naftna Industrija Srbije (NIS) pour 400 millions d'euros. Selon les conditions de la transaction, GazpromNeft investira 500 millions d'euros dans la modernisation de NIS jusqu'à 2012. D'après les experts serbes, le montant total de la transaction sera d'environ 2 milliards d'euros. Il s'agira du plus grand investissement étranger de ces dernières décennies dans l'économie de la république.

Dmitri Medvedev s'est déclaré certain que l'accord de coopération entre la Russie et la Serbie sur le projet de construction du gazoduc de transit contribuerait au renforcement de la sécurité énergétique de l'Europe. "Il correspond aux intérêts de la Russie et de la Serbie et jette les fondements du régime de sécurité énergétique dans l'Europe unie", a souligné M. Medvedev au cours de son entretien avec le premier ministre serbe Vojislav Kostunica.

Les premières livraisons par le réseau ramifié du gazoduc South Stream doivent commencer en 2013. Rappelons que ce système est destiné à acheminer du gaz naturel en provenance de Russie jusqu'aux Balkans et vers d'autres pays d'Europe via le bassin de la mer Noire et les territoires de la Bulgarie et de la Serbie.

La longueur totale du tronçon du gazoduc passant par la mer Noire sera d'environ 900 km, pour une profondeur maximale de plus de 2000 m. Dans le cadre du projet, près de 30 milliards de m3 de gaz russe et centrasiatique seront acheminés chaque année en Europe.

Le South Stream représente une alternative au projet de gazoduc Nabucco, qui prévoit d'ici 2011 de relier le bassin de la Caspienne à l'Autriche via la Turquie.

Dmitri Medvedev a en outre reconnu qu'un des objectifs de sa brève visite était de "soutenir la Serbie dans le contexte des actions illégales en matière de reconnaissance unilatérale du Kosovo". Le premier vice-premier ministre a souligné que ces actions étaient en contradiction avec le système existant et les normes du droit international, les résolutions de l'ONU ainsi que d'autres accords internationaux.

Lors de sa rencontre avec le premier ministre Vojislav Kostunica, Dmitri Medvedev a promis que la Russie s'en tiendrait à sa position de principe sur la Serbie unie. "Nous estimons que la Serbie est un Etat uni, dont la juridiction s'étend à tout son territoire, et nous nous en tiendrons à cette position de principe par la suite également", a-t-il affirmé.

Le choix du moment de la visite du successeur de Vladimir Poutine en Serbie, actuel "point chaud" de l'Europe, n'est pas fortuit. Dans ce contexte, la visite de Dmitri Medvedev confirme fermement la position de Moscou sur le problème du Kosovo et met l'accent sur le fait que la Serbie est un partenaire stratégique de la Russie en Europe. La priorité accordée aux questions énergétiques de la coopération n'est pas non plus fortuite. Il convient de se rappeler du point de vue émis par le président russe, exactement un mois avant la visite de Dmitri Medvedev en Serbie, sur les accords énergétiques de Moscou entre les deux pays. "Ces documents revêtent une importance de principe pour l'approfondissement de la coopération bilatérale. En fait, il s'agit de l'officialisation juridique et contractuelle du partenariat stratégique entre nos pays dans le secteur énergétique", avait indiqué Vladimir Poutine. "Après la signature de ces accords, la Serbie devient l'un des points de transit clés du réseau en voie de formation pour les livraisons de ressources énergétiques russes dans le Sud de l'Europe, avait-il estimé. Il s'agit d'un réseau durable, fiable, très efficace et, ce qui est très important, capable de renforcer considérablement la sécurité énergétique aussi bien de la Serbie que de l'ensemble du continent européen".

A l'approche de l'élection présidentielle en Russie, on voit nettement en quoi les objectifs politiques du président actuel et de son successeur se rejoignent, et en quoi ils diffèrent. Si, en 2000, Vladimir Poutine luttait pour sauvegarder la souveraineté de la Russie, notamment à travers le problème de la Tchétchénie, pour Dmitri Medvedev, c'est la Serbie qui joue ce rôle. Il luttera pour transposer en dehors du pays la souveraineté russe, c'est-à-dire pour accroître l'influence de la Russie dans le monde. Les instruments employés pour cela restent très traditionnels: les ressources énergétiques et les grands projets d'infrastructure dans le complexe combustibles-énergie.

Igor Tomberg est chercheur du Centre d'études énergétiques de l'Institut d'économie mondiale et de relations internationales, et professeur à l'Institut des relations internationales de Moscou (MGUIMO).

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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