Ahmadinejad entre sanction populaire et sanctions de l'ONU

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Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti
Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti

Moscou a averti l'Iran que des sanctions seraient inévitables, s'il ne remplissait pas dans les jours qui viennent les exigences des précédentes résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sur la cessation des travaux d'enrichissement de l'uranium. Cela a pris la forme assouplie d'un ultimatum lancé par Vitali Tchourkine, ambassadeur russe auprès de l'ONU (fait significatif), au cours d'une conférence de presse en duplex donnée pour les médias russes.

Selon M. Tchourkine, si l'Iran ne respecte pas les dernières résolutions, le Conseil de sécurité se verra obligé d'en examiner une nouvelle sur le problème nucléaire iranien, conformément à l'article 41 de la Charte des Nations unies. La Russie, faisant partie des six pays qui se penchent sur ce dossier, devra naturellement soutenir la résolution élaborée au cours de ce dernier mois par les Six: les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne.

Un tel pas de Moscou a été depuis longtemps envisagé, mais il pourrait avoir de graves conséquences, en premier lieu, pour l'Iran lui-même.

L'article 41 de la Charte de l'ONU prévoit des sanctions uniquement économiques, et non le recours à la force. Mais, dans le cas présent, c'est moins de la nature des sanctions ou, autrement dit, de la gravité de la punition, que de leur caractère inévitable qu'il s'agit. Le prestige du Conseil de sécurité est en jeu. Téhéran a méprisé ses deux précédentes résolutions et accusé leurs auteurs de souffrir du syndrome de "morgue des grandes puissances".

Que signifie à présent cette menace pour l'Iran, plus précisément, pour ses dirigeants politiques de l'échelon supérieur? Pour mieux le comprendre, il faut analyser l'évolution de la vie politique intérieure de ce pays et la place qui y est réservée au programme nucléaire iranien.

Le président iranien actuel Mahmoud Ahmadinejad a fait du programme nucléaire le pivot de sa politique intérieure qui a, pour beaucoup, échoué. La plupart des mesures populistes qu'il avait promises en 2005 au cours de la campagne présidentielle n'ont pas été accomplies. L'économie iranienne dans son ensemble traverse une mauvaise passe. Dans ce contexte, son équipe a déjà perdu, face aux "réformateurs", ses principaux opposants, les élections à l'Assemblée des experts, le plus puissant mécanisme politique en Iran.

A présent, à la veille des élections législatives qui se tiendront le 14 mars, Mahmoud Ahmadinejad essaie de marquer des points. Il mise à nouveau sur le programme nucléaire qu'il considère comme la priorité principale de la nation.

Ces jours-ci, l'ayatollah Khamenei, leader spirituel de l'Iran, a félicité le peuple iranien, sur le conseil de Mahmoud Ahmadinejad, pour la victoire remportée sur les "puissances mondiales" dans la lutte pour le nucléaire, "la plus importante depuis la Révolution islamique". Le prétexte de cette énième fête presque nationale avait pour origine le nouveau rapport du directeur général de l'AIEA Mohamed ElBaradei sur le programme nucléaire iranien. M. Ahmadinejad a assuré le leader spirituel de la nation et, à travers lui, la nation elle-même que ce rapport confirmerait, une fois de plus, la justesse de la politique de l'Iran visant à développer son programme nucléaire.

Comme on le voit, Téhéran est allé trop vite en faisant passer ses désirs pour des réalités. Le prochain verdict du Conseil de sécurité de l'ONU concernant le "caractère pacifique" du programme nucléaire pourrait s'avérer diamétralement opposé à ce qui a été promis à la nation iranienne par ses leaders actuels. Selon l'avis des spécialistes de l'AIEA cité dans le rapport, bien que l'Iran soit devenu plus accessible sur les questions relatives à son programme nucléaire, "le degré de sa volonté d'aller au-devant des observateurs" reste insuffisant pour pouvoir lever totalement l'accusation de chercher à développer des armes nucléaires.

Autrement dit, cette fois, le rapport d'ElBaradei a toutes les chances d'être préjudiciable à l'Iran: il s'agit du pire scénario pour le président iranien actuel. Il ne fait aucun doute que les opposants de Mahmoud Ahmadinejad ne se priveront pas pour réagir à l'erreur qu'il a commise. Il suffit de rappeler que l'équipe présidentielle a déjà été publiquement prévenue du danger qui découlait de l'analyse incorrecte des documents de l'AIEA sur le programme nucléaire iranien.

Comme le rappelait récemment le célèbre analyste politique de Téhéran Parviz Esmaeli, on pouvait croire que la diplomatie iranienne "avait acquis une certaine expérience" ces dernières années. Mais il faut "constater avec regret que la précipitation dans la prise de décisions, la persistance de démarches diplomatiques dignes de novices, ainsi que l'analyse incorrecte de documents (il s'agit ici des rapports de l'AIEA) pourraient poser de gros problèmes à l'avenir pour l'Iran". Et c'est effectivement ce qui c'est passé.

A présent, la date de la réunion du Conseil de sécurité au cours de laquelle sera adoptée la nouvelle résolution prévoyant le durcissement des sanctions revêt une grande importance (à l'heure où nous publions, cette réunion est déjà en cours, Ndlr.). A la veille des élections législatives du 14 mars, elle apparaît comme un beau cadeau aux opposants de Mahmoud Ahmadinejad.

La diplomatie américaine n'a certainement pas négligé ce détail.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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