Journée de la Santé: la pilule est amère pour les Russes

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Par Maxime Krans, RIA Novosti
Par Maxime Krans, RIA Novosti

La Journée mondiale de la Santé, marquée traditionnellement le 7 avril en mémoire de la fondation de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), est toujours l'occasion de dresser un nouveau bilan. Malgré un certain progrès qui s'est ébauché ces deux dernières années dans ce domaine, force est de reconnaître que la Russie n'a pas de quoi se vanter. Selon les statistiques de l'OMS, le pays occupe la 127e place pour la santé de sa population et la 130e place pour l'efficacité de son système d'assistance médicale, loin derrière la majorité des pays est-européens et même latino-américains, qui ont pourtant un niveau de développement économique comparable.

Comme l'a jadis fait remarquer Hippocrate, la santé est la plus grande richesse de l'homme. Si l'on se fonde sur cette formule, il s'avère que la majorité de Russes ne peuvent pas être considérés comme riches. L'examen médical complet auquel se sont déjà prêtés 13 millions de citoyens russes a révélé que seulement un sur cinq peut être considéré comme pratiquement sain. Chaque jour, 3 millions de personnes ne se rendent pas au travail pour raisons de santé. Prenant la parole ces jours-ci au cours d'une conférence de presse consacrée à la session de printemps de l'incorporation des conscrits, Vassili Smirnov, chef adjoint de l'état-major général des forces armées russes, a déclaré qu'un conscrit sur trois n'était pas apte au service militaire et qu'un sur deux faisait l'objet de restrictions pour des raisons de santé.

Il faut reconnaître que les chiffres de la santé et de la mortalité ont commencé à se détériorer en Russie à partir du milieu des années 1960. Mais la situation actuelle est tout simplement catastrophique. Dans le classement international prenant en compte la longueur des "périodes de bonne santé", la Russie a depuis longtemps basculé au-delà de la 100e place. Selon les spécialistes, à cause du "phénomène létal", le pays manque actuellement d'environ 20 millions de personnes qui auraient pu vivre longtemps et qui ne sont pas nées à cause de la mort de leurs parents potentiels.

Le projet national "Santé" en vigueur depuis plus de deux ans dans le pays devait redresser ne serait-ce qu'un peu la situation. Tatiana Golikova, ministre de la Santé et du Développement social, a déclaré que, grâce à ce projet, le taux de mortalité était passé en 2007 de 15,2 à 14,7 pour 1.000. Cependant, il se trouve beaucoup de sceptiques pour émettre des doutes sur ces liens de cause à effet. Ceux-ci estiment, à juste titre, que le projet national s'est réduit au rapiéçage des trous du système de santé publique et à une dépense chaotique des fonds budgétaires.

D'ailleurs, ces investissements, bien qu'ils soient sans précédent, sont insuffisants. Le célèbre médecin Leonid Rochal se déclare certain qu'il faut au moins deux fois plus et, d'ici à 2015, trois fois plus. Prenant la parole le 3 avril au cours d'une conférence de presse à RIA Novosti, il a fait savoir que la commission médicale qu'il dirige à la Chambre civile avait rédigé et soumis à Dmitri Medvedev un dossier justifiant un tel accroissement des investissements et prouvant que l'espérance de vie et le niveau de mortalité dépendent directement du financement de ce secteur.

Pour l'instant, indique un rapport publié par l'Institut de développement contemporain, pour les dépenses par habitant effectuées pour la médecine, la Russie est en retard non seulement sur les Etats occidentaux, mais aussi sur la plupart des pays d'Europe centrale et de l'Est, qui étaient "partis" à peu près du même point. De quelle qualité de l'assistance médicale peut-on parler si la première consultation d'un malade à l'hôpital est remboursée par la compagnie d'assurance à hauteur de 23,8 roubles (0,64 euro) et une journée d'hospitalisation à hauteur de 300 roubles (un peu plus de 8 euros)?

Pour le niveau des dépenses dans cette sphère, la Russie occupe la 75e place au monde. Un peu plus de 3% du PIB sont dépensés pour cela, contre 15,4% aux Etats-Unis et 10,7% en France. "En finançant l'assistance médicale à l'instar de l'Amérique latine, la Russie promet à ses citoyens des soins ouest-européens, écrivent les auteurs du rapport susmentionné. Par conséquent, rien n'est garanti pour ceux qui n'ont pas d'argent ni de relations".

Cependant, le problème réside non seulement dans le financement non prioritaire du secteur, mais aussi dans le gaspillage inefficace de cet argent, dans l'absence d'objectifs nettement formulés, ainsi que de repères en matière de progression et de perspectives. Cela s'explique par le fait que la réforme a été engagée d'en haut, sans consultation avec les spécialistes, avant tout, les médecins.

A présent, Tatiana Golikova a l'intention de corriger cette erreur: la commission chargée d'élaborer la conception du développement de la Santé publique d'ici 2020 créée en février auprès du ministère de la Santé et du Développement social comporte, en plus des fonctionnaires, d'éminents médecins, y compris Leonid Rochal. On peut espérer enfin que la réforme de la réforme actuelle sera fructueuse.

Cependant, soulignent les spécialistes, le perfectionnement du système d'assistance médicale n'améliorera pas radicalement l'état de santé de la nation. En effet, selon les données de l'OMS, ce dernier ne dépend qu'à un dixième de la qualité des soins médicaux, le reste dépend d'autres facteurs, parmi lesquels les médecins citent l'instinct de conservation, autrement dit, la façon dont les gens se préoccupent de leur santé.

Le fait est que l'instinct de conservation est faible dans le pays. Par exemple, un Russe moyen âgé de plus de 15 ans boit chaque année 15,2 litres d'alcool (chiffre calculé en alcool pur), soit cinq fois plus qu'en 1913. Pour cet indice, les Russes n'ont pas de "rivaux" dans le monde. Selon certaines estimations, ce penchant exagéré pour l'alcool, y compris frelaté, est à l'origine d'une réduction de la population du pays de 700.000 habitants par an.

La Russie est également leader pour le tabagisme, entre autres, chez les adolescents. Ces dix dernières années, la consommation de tabac s'est accrue de 50%, jusqu'à 375 milliards de cigarettes par an. Cela ajoute encore 400.000 morts chaque année. D'autre part, selon les statistiques de Rossport (Agence fédérale pour la culture physique et le sport), seuls 11% des Russes se préoccupent de leur santé et font de l'exercice.

Bref, les Russes ne s'aiment pas assez, se soucient trop peu de leur santé et, comme tout l'indique, ne s'accrochent pas beaucoup à la vie.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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