Economie: les 5 défis de Medvedev

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Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti
Par Oleg Mitiaïev, RIA Novosti

Le nouveau président russe Dmitri Medvedev hérite de nombreux problèmes économiques non-résolus. Il s'agit de la dépendance de l'économie russe à l'égard des matières premières, dont tout le monde a assez, et d'autres problèmes qui y règnent depuis trop longtemps: surabondance de monopoles, barrières administratives et corruption insurmontables, provoquant une hausse des prix et entravant la croissance économique. D'un autre côté, avec des prix du pétrole avoisinant les 120 dollars le baril, on ne voit pas où trouver la motivation nécessaire pour s'attaquer à ces problèmes. Il n'en reste pas moins que Medvedev va se retrouver confronté à une série de défis à relever sur le terrain économique, défis qu'il ne pourra se permettre d'ignorer.

Inflation

Il semble que ce soit là la maladie chronique de l'économie russe, et que la Russie soit parvenue à se développer ces dernières années sans y faire attention. Cependant, en 2007 la croissance des prix s'est encore accélérée dans le pays, pour atteindre presque 12% (la prévision était de 8,5%), contre 9% en 2006. A présent au sein du gouvernement russe, et à la Banque centrale, on rêve que l'inflation ne dépasse pas la barre des 10% en 2008 (même si pour les quatre premiers mois de l'année, elle est déjà de 6,3%). Les experts prévoient pour cette année une inflation entre 12 et 18%, un niveau qui menace évidemment les investissements. Vladimir Poutine s'en est déjà inquiété. Il a attiré l'attention sur les moyens du Fonds pour la réforme du logement qui "s'assèchent" en raison de l'inflation. Le problème est sensiblement plus large. N'importe quels investissements sont impossibles à planifier et à mettre en oeuvre dans un contexte de montée permanente des prix. Au passage, le gouvernement sortant n'est pas parvenu à élaborer un programme complexe de lutte contre l'inflation. Au contraire, le 6 mai, dernier jour de son activité, il a entériné le schéma de hausse des prix des monopoles naturels jusqu'en 2011, ce qui accélérera encore l'inflation.

Dépendance envers les matières premières

Aujourd'hui, alors que les cours mondiaux du brut semblent s'être établis autour des 120 dollars le baril, on a du mal à imaginer une chute des prix du pétrole. On a très envie de croire que malgré le ralentissement économique aux Etats-Unis et en Europe, et, parallèlement, la baisse de la demande en matières énergétiques de leur part, les cours mondiaux ne tomberont pas trop. Cependant, selon les prévisions les plus pessimistes, la stagnation de l'économie américaine pourrait se prolonger sur deux ans et atteindre l'Europe. Dans ce cas, une baisse sensible du prix de "l'or noir" serait inévitable. Les conseillers économiques du gouvernement ne se lassent pas, il est vrai, d'évoquer la stabilité macroéconomique à long terme qui s'est installée en Russie. Qui plus est, ils se réfèrent principalement aux "coussins de sécurité" accumulés par l'Etat grâce aux recettes des exportations de brut. Il s'agit des réserves de change de la Banque centrale, ainsi que des deux fonds gouvernementaux: le Fonds de réserve et le Fonds du bien-être national. Dans un contexte de chute importante des prix du pétrole (soulignons que c'est là un scénario extrêmement peu probable), ces "coussins de sécurité" ne suffiront que pour environ deux ans. Après cela, le cours du rouble tombera, avec les revenus réels de la population. Le problème principal sera le manque de commandes pour l'industrie russe de transformation, après l'arrêt des programmes d'investissement en raison de la chute des revenus tirés des exportations. Dans ce cas, c'est une surchauffe qui attend l'économie russe, c'est-à-dire une production trop importante, qui sera suivie d'un brusque ralentissement.

Menace d'une crise bancaire

Ce problème, à la différence de l'hypothétique chute des prix des matières premières, est déjà une réalité. La Russie est liée à l'économie mondiale non seulement par les prix des matières premières, mais également par les flux de capitaux. Ces dernières années, qui ont été fructueuses, les banques russes ont contracté une quantité énorme de crédits bon-marché en Occident. Mais à présent, dans les conditions de la crise bancaire qui s'y développe et de la hausse des taux d'intérêts commerciaux, les banques russes font face à de gros problèmes de refinancement de leurs dettes. Ou bien on ne leur donne tout simplement pas d'argent à l'étranger, ou bien on leur propose des taux très élevés. De plus, si les problèmes de refinancement des dettes à court terme sont résolus par des injections monétaires de la Banque centrale sur le marché financier, le problème du refinancement à long terme va devenir extrêmement préoccupant dès cette année. En outre, d'un côté la Banque centrale aide les banques en injectant des liquidités sur le marché financier, et de l'autre, elle leur complique la vie en augmentant ses taux de refinancement. Certaines voix au sein de la communauté bancaire russe affirment déjà que, pour résoudre le problème du refinancement à long terme du système bancaire national, il faut puiser, ne serait-ce qu'un peu, dans le Fonds du bien-être national.

Réduction de la population active

Il est possible que le manque de travailleurs devienne pratiquement le problème numéro un de l'économie russe. D'autant que si l'industrie manque de main-d'oeuvre qualifiée, ce manque est encore plus douloureux dans le secteur agricole. C'est là que la population active se réduit le plus rapidement, en raison de l'exode rural. Tout cela sur fond de forte hausse des prix des produits agricoles, qui a été le principal moteur de l'inflation en Russie en 2007-2008. Qui plus est, avec la hausse générale du niveau de vie de la population russe, on peut oublier l'avantage concurrentiel du pays par rapport aux pays développés en matière de coût de la main d'oeuvre. Dans ces conditions, la formation de travailleurs qualifiés et le recrutement organisé de main d'oeuvre étrangère tout aussi qualifiée dans l'économie russe doit devenir une véritable priorité de la politique de l'Etat.

Modernisation nécessaire

La réponse à la question de savoir comment résoudre les maladies chroniques de l'économie russe et réagir aux nouveaux défis globaux est bien connue: il faut investir les pétrodollars dans les nouvelles technologies et l'infrastructure de transport. Alors on pourra se débarrasser de la dépendance de l'économie envers les matières premières, et ne plus craindre une baisse des prix du pétrole. Avec le développement des hautes technologies et des infrastructures et malgré une population active relativement peu nombreuse (par rapport aux pays d'Asie) mais qualifiée, on pourra maintenir des taux de croissance du PIB élevés. Les salaires des travailleurs qualifiés dans les secteurs de hautes technologies seront naturellement élevés, mais leur rendement sera bien meilleur, en raison d'une forte productivité.

Il est bien évident que le développement des secteurs de hautes technologies n'est pas possible sans un renforcement de la concurrence. Cela est faisable, mais seulement en débarrassant l'Etat et ses fonctionnaires de leurs trop grandes prérogatives en matière d'économie, ce qui n'a pas été fait jusqu'à présent. La concurrence justement, selon les lois de l'économie de marché, représente le principal instrument de lutte contre l'inflation.

Les premiers pas vers la résolution de ces problèmes ont déjà été effectués en Russie: des institutions de développement ont été créées (Compagnie russe de capital-risque, Banque de développement etc.), et le programme de développement économique et social de la Russie jusqu'en 2020 est en cours d'élaboration depuis plus d'un an, elle prévoit le passage de l'économie à une voie de développement fondée sur l'innovation. Cependant, ces institutions russes de développement ne fonctionnent pas encore à plein régime, et le gouvernement sortant n'a finalement pas présenté le projet définitif de programme jusqu'en 2020.

Le programme économique de Dmitri Medvedev se résume en quatre "I": institutions, infrastructure, innovation et investissements. On peut donc espérer que le nouveau président connaît les défis qui attendent la Russie sur le plan économique beaucoup mieux que l'administration et le gouvernement sortants.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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