La politique étrangère russe, mode d'emploi

S'abonner
Par Evgueni Kojokine, directeur de l'Institut russe d'études stratégiques, pour RIA Novosti
Par Evgueni Kojokine, directeur de l'Institut russe d'études stratégiques, pour RIA Novosti

Le président Dmitri Medvedev a entériné la Conception (ou concept) de la politique étrangère de la Russie, entraînant par la même occasion des ébauches de réponses à la question de savoir quels seront les rapports de Moscou avec tel ou tel Etat. Je tiens à affirmer que cette conception ne peut répondre aux questions quotidiennes de la politique courante. Elle fournit plutôt des réponses aux questions fondamentales à long terme.

Sur ce plan, à mon avis, les lignes directrices stratégiques, par exemple concernant les pays de l'ex-URSS, sont déterminées assez nettement. La conception souligne, une fois de plus, que la Russie ne renonce pas à l'idée d'une intégration dans cet espace. Des problèmes tout à fait concrets y seront réglés, trois avant tout.

Premièrement, la conception reconnaît l'importance de l'Union Russie-Biélorussie. Mentionnant l'introduction de principes de marché et la formation d'un espace économique unique, elle met l'accent sur de réelles avancées en matière d'économie.

Deuxièmement, une grande importance est accordée à la CEEA (Communauté économique euro-asiatique). Les Etats jouant un rôle de locomotive dans la progression de l'intégration au sein de la CEEA sont, en plus de la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan.

La conception souligne également que la CEEA pourrait être un mécanisme efficace pour la mise en oeuvre de grands projets liés à l'énergie hydraulique, aux infrastructures de transport et autres projets industriels importants dans le cadre de l'Union économique euro-asiatique.

Troisièmement, la conception reconnaît l'importance de l'OTSC (Organisation du Traité de sécurité collective) en tant que structure assurant la sécurité dans l'espace de la CEI (Communauté des Etats indépendants). La conception a ceci de significatif qu'elle parle principalement de ces trois associations qui ont su prouver leur viabilité, leur efficacité et leur capacité à se développer, et non de la communauté dans son ensemble.

Autre point important: la Russie souligne son respect pour la souveraineté de tous les pays de la CEI. Ce respect comporte la reconnaissance du droit de ces Etats à créer des associations régionales, entre autres, sans la participation de la Russie. Il s'agit notamment du GUAM et de l'Union économique d'Asie centrale. Quant à savoir si ces associations veulent et peuvent véritablement assurer la stabilité sans entraver l'activité des institutions de la CEI déjà créées et qui ont prouvé leur viabilité, c'est une autre question. Nous laissons entendre ainsi que nous respectons la souveraineté des autres Etats, mais qu'il faut que ces pays respectent également la Russie, c'est-à-dire les lois et les intérêts de la Fédération de Russie, y compris ses intérêts régionaux. Cet important nouveau point est mentionné dans la conception au chapitre des Priorités régionales.

La CEI est également mentionnée dans d'autres chapitres, mais dans le contexte du développement des autres axes de la politique étrangère. Evidemment, la problématique de la communauté fait partie de l'aspect humanitaire de la politique étrangère de la Russie ayant trait, en premier lieu, au Monde russe. La conception évoque de façon assez détaillée le sort des Russes résidant à l'étranger. La Russie est prête à soutenir les organisations de Russes de l'étranger afin qu'elles fassent valoir plus efficacement leurs droits dans leurs pays de résidence et pour aider ceux qui ont décidé de revenir dans leur patrie à le faire.

Il est question en particulier des pays baltes - Lettonie, Lituanie et Estonie - où les droits des citoyens russophones doivent être défendus. La question historique est examinée en détail. La conception souligne la nécessité de respecter l'Histoire, car le respect des faits historiques est un des éléments de la culture démocratique. Lorsqu'on commence à réécrire l'Histoire en fonction de la conjoncture politique, notamment à réhabiliter les nazis et leurs acolytes, cela est contraire aux principes de la démocratie, et ce, de n'importe quel point de vue. Malheureusement, cela peut de nos jours s'appliquer dans une grande mesure aux pays baltes.

L'OTAN qui ne doit pas assurer sa sécurité aux dépens de la sécurité de la Russie est également mentionnée sans équivoque. La priorité est accordée en ce sens à l'ONU, principale structure capable d'assurer la sécurité en se fondant sur les principes du droit international. Ni l'OTAN, ni l'OSCE ne sont considérées, pour différentes raisons, comme des garants de ce niveau. Elles n'ont pu s'acquitter des tâches fixées dans leurs statuts. A propos, si on lit le préambule du Traité de l'Atlantique Nord, on se rend compte qu'il existe un conflit interne entre les documents juridiques qui réglementent l'activité de cette organisation et ses actes réels. Par conséquent, il est peu probable que l'on puisse affirmer aujourd'hui que l'OTAN contribue au développement de la démocratie dans les pays qui tentent de l'établir chez eux. Cela concerne notamment l'Ukraine et la Géorgie.

En évaluant la nouvelle conception de la politique étrangère de la Russie, il faut garder en tête qu'il ne s'agit pas d'une déclaration internationale, mais, avant tout, d'un document russe. Par ailleurs, il n'a pas été adopté comme un document destiné uniquement au ministère russe des Affaires étrangères. En fait, la conception montre aux institutions, aux organisations russes ainsi qu'à tous les citoyens de la Fédération de Russie les objectifs à atteindre pour contribuer au renforcement de notre rôle dans le monde extérieur.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала