Les campagnes au long cours de la Marine russe: le retour aux traditions

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Par Ilia Kramnik, RIA Novosti
Par Ilia Kramnik, RIA Novosti

Un groupe de navires de guerre de la Flotte russe du Pacifique a appareillé. Le destroyer (BPK) Admiral Vinogradov, les pétroliers ravitailleurs Petchenga et Boris Boutoma ainsi que le remorqueur de sauvetage Fotii Krylov participeront aux manoeuvres russo-indiennes Indra 2009. A l'issue de ces exercices, les navires russes mettront le cap sur le golfe d'Aden, où l'Admiral Vinogradov prendra la relève de la frégate Neoustrachimy (flotte de la Baltique). Les manoeuvres se feront également avec la participation de bâtiments de la flotte du Nord - le croiseur lourd lance-missiles à propulsion nucléaire Piotr Veliki (Pierre le Grand), le destroyer Admiral Tchabanenko et des navires auxiliaires - qui font route vers l'océan Indien après avoir pris part aux manoeuvres russo-vénézuéliennes Venrus-2008.

A l'heure actuelle, trois flottes - du Nord, Baltique et du Pacifique - ont envoyé des navires en mission au long cours. Un groupe de navires de la flotte de la mer Noire devrait rapidement faire mouvement vers la Méditerranée. C'est la première fois depuis l'effondrement de l'Union Soviétique que l'on observe une telle activité en mer.

Ce regain d'activité de la Marine en dehors des eaux territoriales de la Russie suscite des questions quant aux motifs, aux buts et à l'évolution de la situation. Les motifs sont, en fait, on ne peut plus simples : la flotte a fait son retour en océan dès qu'elle a eu suffisamment de carburant et de moyens pour maintenir l'aptitude opérationnelle des bâtiments. Les buts ont eux aussi été proclamés à maintes reprises : tout à la fois exhibition du pavillon et rétablissement de la présence militaire dans les secteurs maritimes clefs.

Comme l'a déclaré le capitaine de vaisseau Roman Martov, porte-parole de la flotte du Pacifique, "la campagne du groupe de navires de la flotte du Pacifique montre que la Russie est apte à arborer dignement le pavillon de la marine de guerre et à assurer la défense de ses intérêts nationaux sur les mers et les océans, à être un garant de stabilité dans la région Asie-Pacifique".

En outre, l'entraînement des équipages constitue une autre mission non négligeable. Malheureusement, une période prolongée d'absence de campagnes a fait considérablement baisser le niveau d'instruction du commandement. On en est arrivé au point où les bâtiments de surface et les sous-marins avaient cessé de prendre la mer sans un supérieur à bord (généralement le chef d'état-major, l'adjoint au commandant ou le commandant de division, d'escadre). Mais de nombreux commandants de division, qui ont fait carrière dans les années 90, manquent eux aussi d'expérience. Cette situation est lourde de conséquences graves si jamais la flotte devait mener des opérations militaires contre un adversaire plus ou moins fort. Comme le montre l'histoire, l'absence d'expérience ne peut être comblée ni pas la puissance de feu, ni par le nombre des navires. La flotte russe est confrontée à un problème sur ce deuxième point et, au fur et à mesure que les systèmes de combat des navires vieilliront, elle commencera à éprouver des difficultés sur le premier point.

Ce faisant, ce n'est pas une mission ni même une série de missions qui résoudront le problème. Un processus d'entraînement durable et permanent est indispensable. Il permettra de former peu à peu une génération d'officiers de la Marine - de l'amiral au lieutenant - pour qui les campagnes au long cours et les exercices de tir seront une réalité permanente, qui passeront presque plus de temps en mer qu'à terre et qui recevront en échange une honnête solde.

Il faut trois ans pour construire un bateau et trois cents ans pour former une tradition, avait coutume de dire l'amiral britannique Cunningham. C'est vrai de n'importe quelle flotte. Héritier de la plus grande tradition maritime au monde, il savait de quoi il parlait : le nom de Cunningham est familier à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire des batailles navales de la Seconde guerre mondiale.

La construction de nouveaux navires pour la Marine russe, dont on parle tant, ne donnera pas en soi de résultat si on ne forme pas des équipages professionnels, qui se sentent en mer comme chez eux. C'est ce que fait actuellement la Marine de guerre russe. Cette tâche vaut les moyens colossaux, qui lui ont été accordés.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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