Centrale de Bouchehr: l'heure de vérité

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Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti
Par Piotr Gontcharov, RIA Novosti

"Le moment est venu pour les pays occidentaux et les Etats-Unis d'accepter le fait que l'Iran est un pays nucléaire. Ils doivent s'y résigner. Et s'ils ne s'y résignent pas, l'Iran restera tout de même un pays nucléaire". Cette déclaration de Téhéran adressée au monde entier a été faite la semaine dernière, le jour même où les travaux de pré-mise en service de la première centrale nucléaire iranienne commençaient à Bouchehr. Le climat est demeuré à peu près le même lorsque les premiers travaux - il ne s'agissait, en fait, que d'un test hydraulique de la centrale - se sont achevés avec succès.

Bref, la pré-mise en service de la centrale va bon train, mais Téhéran a tout fait afin de conférer à ce processus l'importance d'un événement marquant. Des travaux de réglage n'ayant rien d'extraordinaire ont été présentés comme un "test de lancement du réacteur", Téhéran les qualifiant même d'"heure de vérité" dans ses rapports avec ses opposants nucléaires.

Téhéran exclut, par ailleurs, toute possibilité de compromis dans ses négociations avec les médiateurs internationaux - les Six - sur le programme nucléaire iranien. Selon Téhéran, les négociations revêtent un caractère purement politique et portent sur les possibilités acquises par l'Iran dans le domaine nucléaire. Ces possibilités ont un "caractère irréversible". Autrement dit, "nous sommes un pays nucléaire, que vous le veuillez ou non".

Téhéran voit évidemment la différence qu'il y a entre "un pays possédant des technologies du nucléaire civil" et un "pays nucléaire" qui peut se doter facilement de la bombe atomique s'il le souhaite ou, comme l'on dit, "s'il en a la volonté politique". Pourquoi Téhéran rappelle-t-il une fois de plus que l'Iran est un "pays nucléaire" ? A quoi bon mettre à l'épreuve la patience de ses voisins régionaux comme l'Arabie Saoudite et l'Egypte, sans parler d'Israël? Est-ce qu'il le fait en prévision du jour où il deviendra effectivement un pays "nucléaire", afin que cela apparaisse alors comme quelque chose que l'on savait depuis longtemps déjà ?

Il est à noter que ce "test de lancement du réacteur" à la centrale nucléaire de Bouchehr n'a provoqué, malgré tous les efforts de Téhéran, ni panique, ni désarroi, que ce soit à l'échelle régionale ou dans le reste du monde. Le département d'Etat américain a réagi, dans l'ensemble, positivement aux travaux de pré-mise en service.

Bien plus, le département d'Etat y a même vu un "mécanisme rationnel" de coopération avec l'Iran. Selon lui, les accords conclus entre l'Iran et la Russie sur les livraisons de combustible et la restitution du combustible irradié montrent que l'Iran n'a pas besoin de mettre au point ses propres technologies d'enrichissement de l'uranium.

Il est évident que la nouvelle administration américaine n'a pas encore de plan d'action précis concernant l'Iran. Les principales personnalités politiques américaines n'estiment pas toutes que l'Iran est sur le point de créer une bombe atomique. Ainsi, le secrétaire à la Défense Robert Gates vient de déclarer qu'il n'était pas certain que l'Iran ait accumulé suffisamment de matériel pour cette bombe. Néanmoins, a-t-il rappelé, les Etats-Unis doivent empêcher que les Iraniens développent le volet militaire de leur programme nucléaire.

Les partenaires européens de la Maison Blanche sur le problème nucléaire iranien demeurent également dans l'expectative. Les principaux négociateurs avec l'Iran - la troïka européenne : Grande-Bretagne, France et Allemagne - ont préparé un projet de nouvelle résolution sur le programme nucléaire iranien proposant de durcir les sanctions de l'ONU. L'ensemble des mesures à prendre reste le même, le projet ne proposant que d'élargir la liste des organisations, des compagnies et des banques, ainsi que des personnes physiques iraniennes contre lesquelles sont prévues des sanctions telles que le blocage des comptes, la cessation des contacts et l'interdiction des déplacements.

Bien que Moscou et Pékin aient torpillé les résolutions analogues, la partie "occidentale" des négociateurs a terminé l'année dernière sur un ton plus décidé et anti-iranien. Selon de nombreux experts, les Européens attendent tout simplement que Barack Obama ait formulé sa doctrine concernant l'Iran, une doctrine qui pourrait inclure des négociations directes entre les Américains et les dirigeants de ce pays.

L'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) a adopté la même attitude. Lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de l'Agence qui vient de s'ouvrir à Vienne, son directeur général Mohamed ElBaradei a prononcé la phrase rituelle : l'Iran coopère faiblement avec l'Agence, qui n'a donc "pas réussi à progresser dans l'éclaircissement sur l'éventuelle dimension militaire du programme nucléaire iranien". Tout cela est du déjà-vu.

Quand est-ce que sera connue la position de la nouvelle administration américaine ? Il n'est pas exclu qu'elle soit révélée lors de la prochaine rencontre Clinton-Lavrov à Genève. Et il se dit de plus en plus aux Etats-Unis que la Russie pourrait jouer un rôle particulier sur le problème iranien.

Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la stricte responsabilité de l'auteur.

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