Kiev : elle est finie, la saison des oranges

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Jusqu'à récemment, les élections ukrainiennes inspiraient toujours un certain enthousiasme et de l’espoir aux médias occidentaux et aussi un peu dans les couloirs des gouvernements dans le genre : « enfin, nous aurons un "gouvernement responsable" à Kiev qui assurera un "tournant définitif vers l'Europe" ».

Jusqu'à récemment, les élections ukrainiennes inspiraient toujours un certain enthousiasme et de l’espoir aux médias occidentaux et aussi un peu dans les couloirs des gouvernements dans le genre: « enfin, nous aurons un "gouvernement responsable" à Kiev qui assurera un "tournant définitif vers l'Europe" ».

Selon une nouvelle tradition inepte, se tourner vers l'Europe signifie plutôt rompre avec la Russie, se serrer la ceinture avec comme mot d'ordre "avec le gaz russe, pas de petits profits!" ce qui s’accompagne d’un évincement de la langue et de la culture russes au niveau de la vie sociale du pays. Dans ce contexte, les vœux pieux d' « entretenir de bons rapports avec notre grand voisin de l'Est » sont certes un élément assez désagréable, mais pardonnable. Il semble quand même nécessaire de tranquilliser l'électorat russophone plusieurs fois trompé, surtout celui des régions orientales du pays. Rappelons que de telles déclarations ont été faites, entre autres, par Viktor Iouchtchenko lors de sa campagne électorale de 2004-2005.

Quant à l'élection présidentielle ukrainienne prévue pour le 17 janvier 2010, elle est presqu'une exception à la règle. Jamais encore l'espoir fondé sur un nouveau "gouvernement responsable" à Kiev n'a été aussi faible qu'aujourd'hui. Pourtant, au cours des quatre années écoulées depuis la "révolution orange", les médias et les experts occidentaux ont créé toute une théorie sur la supériorité de l'esprit ukrainien sur l'esprit russe, et autour d'un penchant particulier qu’ont les Ukrainiens pour la démocratie, contrairement aux Russes. Comment les "fondateurs" de cette théorie, les éminents ukrainistes Andreas Umland, Vladimir Sokor et Taras Kuzio expliqueront-ils le scepticisme actuel à l'égard de la prochaine élection?

D’ailleurs, ce scepticisme a contaminé aussi les grands médias américains. Jadis attaché à la technologie des révolutions de couleur, le New York Times déclare « Finie l'euphorie de 2004, lorsque la puissante manifestation de la volonté du peuple avait conduit à la révision des élections truquées ». L'hebdomadaire Newsweek considère également comme échouée la révolution orange et constate avec regret que « la perte par la Russie de son influence en Ukraine ne témoigne nullement d'une victoire évidente des Etats-Unis ». D’un autre côté, le magazine reconnaît également certains acquis de cette "révolution", pourtant douteux du point de vue des valeurs universelles, notamment "des méthodes oranges d'ukrainisation comme par exemple l'interdiction de la langue russe à la télévision et aux examens d'entrée dans les écoles supérieures ». Une telle attitude à l'égard de la langue d'une grande minorité nationale serait considérée aux Etats-Unis comme du racisme, mais, c’est bien connu, il y a deux poids, deux mesures.

D'où vient cette déception? Ou bien, tout simplement, la balance servant à juger de la réalité ukrainienne est-t-elle temporairement faussée?

A mon avis, les raisons de la déception sont plus profondes que cela. Et la balance ukrainienne penche ces dernières années dans une direction funeste pour le pays. Au lieu d'être un pont entre la Russie et l'Occident, l'Ukraine s'est transformée en pomme de discorde. Les évaluations occidentales de ce qui s'est produit pendant la révolution orange de 2004-2005 se sont avérées fausses et primitives aussi bien à Washington qu'à Bruxelles. Le changement de quelques personnes au sommet de la pyramide du pouvoir ukrainien a été interprété aux Etats-Unis et dans les pays de l'Union européenne comme un changement de toute l'élite au pouvoir et de celle des milieux d'affaires du pays. Ils rêvaient de la répétition du même scénario en Russie.

Cet espoir a provoqué une forte réaction défensive de Moscou qui s'est mis à déceler partout des germes "oranges". En fin de compte, la démocratie en a pâti en Ukraine et en Russie et la balance de la réalité ukrainienne, faussée, est maintenant bloquée.

Mais on continue à faire comme si elle fonctionnait, certes sans l’enthousiasme d'antan, dans la mesure où, pour les hommes politiques occidentaux, reconnaître la vérité sur la direction orange des années 2005-2010 équivaudrait à avouer leur propre incompétence. L’honnêteté oblige à dire qu'aucun changement d'élites n'a eu lieu en 2004-2005. On a assisté plutôt à un repositionnement de ces élites, au cours duquel les milliardaires ont fait place aux millionnaires. Aujourd'hui, les deux candidats réels au poste de président de l'Ukraine, Viktor Ianoukovitch et Ioulia Timochenko, représentent la même élite des milieux d'affaires des années 1990 qui s'est encore plus acoquinée avec le pouvoir sous la direction "orange". Les deux ont travaillé sous la présidence de Leonid Koutchma, l'un était ministre, l'autre premier ministre. Les deux continuent à faire partie d’un système où seuls les "profiteurs" les plus riches et les plus haut placés peuvent jouir des bienfaits de la démocratie.

Il existe une notion qui s’appelle l'ironie de l'histoire. C'est à elle que s'est heurté le monde occidental en Ukraine à la veille de l'élection présidentielle. Depuis près de vingt ans, Washington critique le discours prononcé par George Bush père en août 1991 devant le Soviet suprême de la République Socialiste Soviétique d'Ukraine. Voulant soutenir Mikhaïl Gorbatchev et prévenir la désintégration anarchique de l'URSS, Bush-père avait déclaré dans son discours: « L'indépendance de l'Etat et la liberté, ce sont deux choses différentes, les Américains ne soutiendront pas ceux qui aspirent à l'indépendance pour remplacer la tyrannie qui gouverne de loin par un despotisme local ». Si les Etats-Unis avaient ensuite suivi les conseils de leur président! Mais les journalistes du New York Times ont qualifié ce discours de "propos de poulet", en traçant un parallèle entre la position occupée alors par leur président et les filets de poulet préparés à la mode de Kiev, partie peu noble de la volaille. Ils ont eu bien tort. D’un point du vue pratique, le poulet est la volaille la plus consommée. Quant à la distance à observer par rapport à la Russie, cela ne signifie pas, aujourd'hui non plus, un progrès automatique en matière de liberté et de démocratie.

L'attitude neutre de la Russie actuellement envers la prochaine élection reflète, d’une manière générale, l'état d'esprit de la majorité de la société ukrainienne qui manifeste un mépris envers presque tous les participants à la course présidentielle. Cette attitude neutre de Moscou irrite les observateurs occidentaux qui aimeraient bien qu’elle se mêle un peu de tout cela, qu’elle fasse un peu preuve d'impérialisme russe!

 Est-ce bien raisonnable? L'attitude du pouvoir et de la société russes envers Viktor Iouchtchenko est bien connue, cet homme politique n’a que ce qu’il mérite. A propos des autres personnalités politiques, on pourrait dire: « c’est bonnet blanc et blanc bonnet ».Les rumeurs sur la nomination de l' « ami » de la Russie Boris Tarassiouk au poste de ministre des Affaires étrangères en cas de victoire de Ioulia Timochenko ne témoignent pas en faveur de cette dernière. En ce qui concerne le problème du gaz … Que dire à ce sujet si même le New York Times déclare par la bouche de Mark Medish, l'ancien conseiller de Clinton pour la Russie et l'Ukraine: « L'Ukraine indépendante ne devrait pas consommer l'énergie russe comme si elle faisait toujours partie intégrante de l'Union Soviétique ».

Elle ne le doit pas. Sur ce point, Moscou partage, semble-t-il, l'avis du New York Times.

Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.

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