Toyota et Nissan victimes du mauvais œil?

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Une vague de vices de fabrication semble frapper le marché mondial de l’automobile. Comme si les grands constructeurs automobiles du monde entier rivalisaient de repentir devant leurs clients.

Une vague de vices de fabrication semble frapper le marché mondial de l’automobile. Comme si les grands constructeurs automobiles du monde entier rivalisaient de repentir devant leurs clients. Fin février, la compagnie japonaise Honda a annoncé le rappel d’environ 650000 voitures, Ford a suspendu la production de fourgons automobiles Transit Classic, le consortium Toyota, dont les automobiles figurent traditionnellement parmi les plus fiables, rappelle 5,3 millions de ses véhicules dans le monde entier. Et la toute dernière : Nissan a l’intention de rappeler 540000 véhicules en raison de problèmes éventuels de pédale de frein et de jauge d’essence.

D’ailleurs, il convient de mettre les points sur les "i" : si un producteur annonce le retrait de la vente ou le rappel de ses automobiles, cela ne signifie pas que des milliers de véhicules seront au sens propre rappelées en usine. Tout simplement, les distributeurs et les automobilistes sont informés de tel ou tel défaut et les ateliers de réparation accrédités doivent corriger ces défauts gratuitement, plus précisément aux frais du producteur. Souvent, surtout si le défaut est mineur, tout se passe sans trop de bruit et on parle non pas de « rappel », mais de « campagne gratuite visant à corriger un vice de fabrication ». Mais si le défaut menace la santé ou la vie des gens, comme, par exemple, le coincement de la pédale d’accélération d’une Toyota, même si c’est le tapis en caoutchouc qui est en cause, ou les freins défectueux d’une Nissan, les fabricants automobiles recourent au « repentir public » en faisant des déclarations appropriées dans les médias.

Les rappels massifs sur le marché automobile étaient fréquents à la charnière des années 1970 et 1980 aux États-Unis. On devine aisément qu’ils avaient été provoqués par des actions en justice engagées par des acheteurs mécontents des vendeurs et des producteurs. Depuis, les rappels de grandes quantités d’automobiles s’effectuent presque tous les ans, mais, ces dix dernières années, ce phénomène a pris de l’ampleur. Quelques exemples : en 2000, Mitsubishi Motors a rappelé plus de 2 millions d’automobiles, en 2001, Ford a rappelé 22 millions de véhicules fabriqués entre 1983 et 1995 en raison d’un procès au cours duquel a été prouvée la précarité d’un des sous-ensembles. En 2006, Toyota a retiré des ventes plus de 500000 automobiles dans le monde entier.

Un tel nombre de rappels et de retraits des ventes s’explique non pas par l’accroissement vertigineux du nombre de vices de fabrication, mais par le durcissement général des exigences pointues en matière de qualité et de sécurité des automobiles contemporaines. Les accidents dûs aux défauts techniques et les procès qui s’ensuivent, ainsi que les tristes statistiques de décès et de mutilations causés par des accidents de voiture suscitent une grande résonance. Et pour cause : d’après les données de l’Organisation mondiale de la santé, les accidents de voiture emportent tous les ans environ 1,2 millions de vies et environ 50 millions de personnes restent handicapées. Conscients de la grande attention de l’opinion publique et des médias, les constructeurs automobiles préfèrent prendre des précautions et retirer de la vente telle ou telle quantité de véhicules même sur un simple soupçon de déficience plutôt que de faire l’objet d’un scandale. Les producteurs, habiles, ont appris à tirer profit des rappels : les repentirs publics répétés et la correction des défauts prouvent leur sollicitude envers les clients.

Mais l’épidémie actuelle de rappels diffère tout de même de celle de la période précédente : plusieurs millions d’automobiles ont été rappelées en un mois seulement. Il est possible que cela ne soit qu’une simple coïncidence, ou bien, peut-être, des raisons spécifiques dûes à la crise économique ajoutées aux raisons traditionnelles. L’industrie automobile mondiale traverse actuellement une passe difficile : en 2009, la production mondiale a baissé, en moyenne, de 15%. Les équipementiers sont les plus éprouvés par la crise : les producteurs les obligent à réduire les prix, par conséquent, les pertes subies par les équipementiers sont de deux fois supérieures à celles des consortiums automobiles. Début 2009, environ 300 équipementiers se sont trouvés au bord de la faillite pour la seule Amérique du Nord.

Il s’agit d’un facteur important dans la mesure où les producteurs d’automobiles (détenteurs de marques) ne s’occupent que de la conception des nouveaux modèles, de la production de moteurs, de l’assemblage, ainsi que de la promotion et du développement des marques. Alors que tous les composants sont fabriqués sur commande par des entreprises indépendantes. Il est à remarquer qu’un équipementier fournit souvent les composants à plusieurs consortiums différents à la fois.

Les rappels actuels d’automobiles sont dus non pas à des erreurs de conception, mais aux déficiences de certains sous-ensembles comme les pédales, capteurs, etc., c’est-à-dire à des composants de mauvaise qualité. Il n’est pas exclu que la tendance qu’ont les consortiums automobiles à contraindre leurs fournisseurs à baisser les prix ait obligé ces derniers à optimiser tellement leur production que cela commence à se ressentir sur la qualité de leurs produits.

 

Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur

 

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