La Russie vue par la presse francophone le 27 avril

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Les Européens surveillent de près le rapprochement entre Kiev et Moscou/ A qui profite l'accord signé avec Moscou ?/ Foire d'empoigne au Parlement ukrainien contre la flotte russe de Crimée

Le Monde

Les Européens surveillent de près le rapprochement entre Kiev et Moscou

Le vote s'annonçait serré, mais le Parlement ukrainien a adopté, mardi 27 avril, l'entente signée la semaine dernière entre les présidents Dmitri Medvedev et Viktor Ianoukovitch, qui prolonge le bail des bâtiments de la flotte russe de la mer Noire à Sébastopol, en Crimée, en contrepartie d'une baisse des prix du gaz russe pour l'Ukraine de 30 %. La Douma russe, acquise aux forces pro-Kremlin, devait à son tour entériner le texte.

Depuis l'annonce de cette entente militaro-gazière, mercredi 21 avril, le camp pro-occidental semble avoir retrouvé des ailes en Ukraine, après des années de déchirements internes et la perte du pouvoir au profit de M. Ianoukovitch, en février.

Samedi 24 avril, des milliers de manifestants se sont ainsi réunis à Kiev, devant le Parlement ukrainien, afin de protester contre le prolongement, jusqu'en 2042, du bail de la flotte russe à Sébastopol. A l'appel de partis de l'opposition pro-occidentale, d'autres manifestations se sont tenues mardi, au moment où la Rada se prononçait sur la validité de l'accord.

La candidate malheureuse à l'élection présidentielle, Ioulia Timochenko, et l'ancien président Viktor Iouchtchenko semblent même avoir retrouvé un langage commun, après des mois de discorde. L'entente russo-ukrainienne constitue "une perte du contrôle de l'Etat sur le territoire national", a estimé la première, tandis que l'ex-chef de l'Etat évoque une "occupation militaire" du pays.

Dans l'ouest ukrainien, fortement nationaliste, trois Parlements régionaux ont voté une motion demandant la destitution du président Ianoukovitch.
Les chancelleries occidentales sont cependant restées de marbre depuis l'annonce de cette entente, qui constitue le plus grand virage diplomatique de l'Ukraine depuis l'intronisation à la présidence de M. Ianoukovitch.

La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a juste évoqué "l'approche équilibrée" de la nouvelle diplomatie ukrainienne, tandis que le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, préférait assurer que "le nouvel accord bilatéral n'aura aucune incidence sur nos relations, ni avec la Russie, ni avec l'Ukraine".

Les Européens, qui surveillent de près les initiatives prises par le nouveau pouvoir ukrainien à l'égard de la Russie, constatent avec un certain soulagement que le nouvel élu envoie des signaux dans les deux directions, cherchant à consolider les liens avec Moscou sans braquer les capitales européennes.

Un constat que la brève visite de M. Poutine à Kiev, lundi soir, ne semble pas modifier. "Tout cela est de nature à faire retomber un certain nombre de tensions", a même estimé Bernard Kouchner, le ministre français des affaires étrangères, lundi, en marge d'une réunion avec ses homologues, au Luxembourg.

"La situation doit être vue dans le contexte d'une sorte de dégel avec la Russie : le phénomène est perceptible avec les Polonais, avec les Etats-Unis, et avec l'Europe", dit un diplomate européen. "Avoir de bonnes relations avec les Russes, ou avoir de bonnes relations avec les Européens, cela n'est pas antagoniste, surtout si les relations entre les Russes et les Européens s'améliorent", assure un autre diplomate.

Le compromis entre Moscou et Kiev sur le prix du gaz ne devrait pas, estime-t-on à Bruxelles, remettre en cause l'accord sur la modernisation des infrastructures de transit, négocié en 2009 entre le précédent gouvernement et la Commission européenne, au grand dam de la Russie, qui n'avait pas été associée aux pourparlers. Certains Européens estiment même que Moscou pourrait être associé d'une façon ou d'une autre à la modernisation de ses équipements.

Les Vingt-Sept observent que M. Ianoukovitch a, à peine élu, a réservé sa première visite à Bruxelles, plutôt qu'à Moscou. Au moment où le Parlement ukrainien se prononçait sur l'accord militaro-gazier, M. Ianoukovitch devait d'ailleurs être à Strasbourg pour confirmer l'attachement ukrainien à l'Europe. "Il va dire que l'obtention d'un accord d'association avec l'Union européenne et la création d'une zone de libre-échange demeurent nos priorités", déclarait peu avant, Anna Guerman, chef adjoint de l'administration présidentielle.

La question d'une éventuelle adhésion de l'Ukraine à l'Union divise pourtant les Européens : Polonais et Britanniques soutiennent un éventuel élargissement à l'Ukraine, tandis que de leur côté, Allemands et Français ne veulent faire aucune promesse en ce sens.

Courrier International

A qui profite l'accord signé avec Moscou ?

Le 21 avril dernier, le président ukrainien Viktor Ianoukovitch a signé avec son homologue russe, Dmitri Medvedev, un double traité portant d'une part sur le prolongement du bail de la Flotte russe de la mer Noire sur le territoire de l'Ukraine pour vingt-cinq ans, et d'autre part sur la diminution du prix du gaz russe de 30 % en faveur de l'Ukraine. Une nouvelle qui a suscité la surprise. Comment les Russes peuvent-ils avoir confiance dans la parole de Ianoukovitch ? Comment peuvent-ils échanger une marchandise bien réelle, le gaz, contre la promesse du président actuel de donner quelque chose qui ne lui appartient pas ? A savoir, le droit de déterminer la politique étrangère de l'Ukraine pendant vingt-cinq ans, alors qu'il n'est même pas certain qu'il sera réélu en 2016.

Les Russes savent-ils que Ianoukovitch, quand il est parti signer le traité entre l'Ukraine et la Fédération de Russie sur la question du bail de la Flotte de la mer Noire à Sébastopol sur la presqu'île de Crimée, a contourné la Constitution et violé la loi du pays sur les traités internationaux ? Quelle sera la réaction du Kremlin quand il comprendra que ses partenaires ukrainiens ont poussé à ce traité aventuriste pour leur propre avantage commercial ?

On pourrait discuter longtemps du prix de la location de la base de Sébastopol. Une chose est sûre, de 1991 [date de l'indépendance de l'Ukraine] au 21 avril 2010, les Russes n'ont jamais rien voulu payer. Car ils sont intimement convaincus que Sébastopol n'appartient à l'Ukraine qu'à cause d'une injustice historique absurde. C'est ce qui motive toute la politique russe en Crimée depuis bientôt vingt ans, sans parler des dangers que cela implique pour l'Etat ukrainien.

Les Russes n'ont de cesse de rappeler cette injustice. Mais nous n'avons pas vraiment de solution pour espérer dissiper ces illusions russes. Il nous faut donc les amener peu à peu à admettre que leur séjour en Crimée n'est que "temporaire", et que le prix du séjour en question va augmenter ou, plutôt, qu'il va falloir qu'ils envisagent de commencer à payer. Le 21 avril, Ianoukovitch a décidé de priver l'Ukraine de cette possibilité en échange d'une marge de 30 % pour ses sponsors [les oligarques de l'industrie qui ont soutenu sa campagne présidentielle de 2010]. Mais son équipe et lui ont commis une erreur.

Le traité sur le bail de la Flotte russe a été signé en 1997, et est valable pour une durée de vingt ans. Il sera automatiquement prolongé de cinq ans si aucune des deux parties ne manifeste d'autres intentions par écrit, au plus tard un an avant le terme. Par conséquent, le président Ianoukovitch a outrepassé ses pouvoirs en le prolongeant de vingt-cinq ans. De plus, le nouveau traité du 21 avril ne précise pas qu'il annule et remplace l'accord de 1997. Au contraire, il y est écrit qu'il prolonge l'accord du 28 mai 1997 ; c'est là l'erreur des juristes et des diplomates de Ianoukovitch. D'une part, l'accord reste très flou quant au paiement du bail après 2017 ; d'autre part, rien n'interdit dans ce traité au président ukrainien qui sera alors en exercice de prévenir par écrit son homologue russe le 27 mai 2016 de son intention de dénoncer le traité.

Pourquoi ce traité bancal a-t-il été conclu et à qui profite-t-il ? La réponse est claire, quand on se souvient que l'accord du 21 avril s'accompagne d'un autre traité, un contrat passé entre Kiev et Moscou sur la vente et l'achat de gaz. Un contrat qui prévoit une baisse de 30 % du prix du mètre cube. Sur ce plan-là au moins, la Russie semble y perdre, puisqu'elle n'avait consenti qu'à une baisse de 20 % lors de ses dernières négociations avec le gouvernement ukrainien, en 2009.

Quel était véritablement l'objectif de Ianoukovitch en tant que président et chef de file du groupe des oligarques ? Si son but était de montrer qu'il n'a pas la volonté de diriger le pays, alors, il a réussi. Il donne l'impression de tout céder aux Russes et de s'éliminer de lui-même en tant que président d'une Ukraine indépendante.

Pour quelques espèces sonnantes et trébuchantes, les oligarques sont prêts à faire preuve d'une obéissance totale envers le Kremlin, du moment que leur marge augmente de 30 %. Les 99,99 % d'Ukrainiens restants sont-ils prêts quant à eux à accepter cette décision ? Nous avons encore un espoir, c'est que la Russie comprenne qu'en réalité, elle va perdre de l'argent sur le gaz sans obtenir en retour de garantie solide à propos de l'avenir de sa Flotte de la mer Noire, et qu'elle décide elle-même de rompre ce traité. Ou alors, espérons que les Ukrainiens la prennent de vitesse en éliminant leur président et leurs oligarques. Solution qui serait sans doute plus intéressante pour la Russie, car alors s'établirait un véritable dialogue, au nom des intérêts mutuels des deux pays.

Le Quotidien

Foire d'empoigne au Parlement ukrainien contre la flotte russe de Crimée

L'accord controversé sur le maintien jusqu'en 2042 de la flotte russe en Crimée a été ratifié mardi par les Parlements ukrainien et russe, lors d'un vote rocambolesque émaillé d'incidents à Kiev où l'opposition pro-occidentale s'inquiète pour la souveraineté du pays.

Lancers de fumigènes, volées d'oeufs, coups de poing et morsures: l'hémicycle ukrainien s'est transformé en foire d'empoigne entre députés de l'opposition pro-occidentale et la majorité du président Viktor Ianoukovitch, favorable à la ratification du texte.

Le président du Parlement, Volodymyr Litvine, malgré cette fronde spectaculaire, n'a pas interrompu la séance, animant les débats abrité derrière des parapluies noirs, alors que certains de ses collègues, les visages rouges de colère, tentaient de s'assommer ou de s'étrangler dans une salle enfumée.
Malgré ces péripéties, 236 des 450 députés ukrainiens ont validé l'accord, qui prévoit le maintien jusqu'en 2042 de la flotte russe de la mer Noire stationnée en Crimée (sud), en échange d'une considérable ristourne sur le prix du gaz russe pour l'Ukraine.

Des milliers de manifestants d'opposition ont par ailleurs manifesté dans la matinée devant le siège du Parlement pour dénoncer l'accord, clamant notamment "La flotte de Moscou, dehors !". L'ex-Premier ministre ukrainien, Ioulia Timochenko, leur a d'ailleurs juré de continuer la lutte et a appelé à une vaste manifestation le 11 mai à Kiev.

"Aujourd'hui, nous commençons à unir tout le pays pour que, le 11 mai, les gens se rassemblent (...) pour bloquer le travail du Parlement et obtenir des élections anticipées", a déclaré la candidate à l'élection présidentielle de février remportée par M. Ianoukovitch.

Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, s'est lui réjoui du succès du vote, fustigeant au passage les opposants pro-occidentaux qui voient dans ce texte un acte de trahison, une tentative de brader la souveraineté du pays.

"Malgré les sorties de hooligans de l'opposition (...) la situation en Ukraine commence à se stabiliser", a déclaré M. Poutine lors d'une réunion à Sotchi (sud de la Russie). "Ce qui s'est passé aujourd'hui à Kiev envoie deux signaux: le nouveau pouvoir ukrainien a l'intention de construire une nouvelle relation avec la Russie et est prêt à consolider la société" ukrainienne, a-t-il poursuivi.

Le président russe, Dmitri Medvedev, a lui aussi salué le vote depuis Oslo, jugeant que "la raison l'(avait) emporté (...) sur les émotions". A Moscou, la ratification de l'accord a été votée sans surprise et dans le calme par la Douma (chambre basse du Parlement) par 410 voix pour et aucune contre. Le texte doit être examiné mercredi --et très probablement adopté-- par le Conseil de la Fédération (chambre haute).

La ratification parlementaire fait suite à l'accord conclu mercredi dernier entre les présidents russe et ukrainien. Il prévoit une prolongation de 25 ans du bail de la base de la flotte russe de la mer Noire en Crimée, qui devait expirer en 2017.

Kiev obtient en échange un rabais de 30% sur ses importations de gaz russe, ce qui devrait constituer une véritable bouffée d'oxygène pour ce pays mis quasiment à genoux par la crise économique. Dans un discours à Strasbourg devant le Conseil de l'Europe, M. Ianoukovitch a assuré que ce rapprochement avec Moscou ne se ferait pas aux dépens de l'Europe.

"Nous sommes déterminés à pratiquer les valeurs européennes, une action qui doit aller de pair avec le rétablissement de meilleures relations avec d'autres interlocuteurs", a-t-il expliqué.

L'accord ratifié mardi par les Parlements ukrainien et russe sur la prolongation de 25 ans du bail de la flotte russe dans le port ukrainien de Sébastopol (Crimée, sud de l'Ukraine), intervient après des années de divergences entre Kiev et Moscou. L'histoire de la flotte de la mer Noire remonte à l'annexion en 1783 de la Crimée par l'impératrice russe Catherine II, qui a fondé la ville de Sébastopol.

Port d'attache de la flotte russe, Sébastopol fut ensuite, comme toute la péninsule de Crimée, rattachée par Khrouchtchev en 1954 à l'Ukraine soviétique. Cette base est stratégiquement importante pour la Russie car elle lui donne un point de sortie sur la mer Noire.

Forte de quelque 16 000 hommes, la flotte de la mer Noire est composée d'une quarantaine de bâtiments, dont le croiseur Moskva, engagé dans la guerre russo-géorgienne de l'été 2009, plusieurs sous-marins et un porte-avions. Dès l'implosion de l'Union soviétique en 1991, la question de la flotte a envenimé les relations entre Kiev et Moscou, l'Ukraine indépendante revendiquant une partie de l'ancienne flotte soviétique de la mer Noire. Après des mois de différend, les présidents Boris Eltsine et Léonid Kravtchouk ont signé en août 1992 à Yalta (Crimée) un accord d'indivision jusqu'en 1995 de la flotte qui n'a pas mis fin aux querelles.

Le 31 mai 1997, à Kiev, les présidents Eltsine et Léonid Koutchma signaient un accord prévoyant notamment que Moscou louerait pendant 20 ans une partie des installations portuaires de Sébastopol pour environ 100 millions de dollars par an.

Kiev conservait 18% de l'ex-flotte soviétique de la mer Noire, le reste demeurant russe. Le montant du loyer devait être déduit de la dette ukrainienne gazo-pétrolière.

Les querelles ont néanmoins persisté. En août 2008, notamment, la présidence ukrainienne a imposé par décret des restrictions aux mouvements de la flotte russe engagée dans le conflit armé avec la Georgie, déclenchant les foudres de Moscou.

Viktor Iouchtchenko, le prédécesseur de l'actuel président ukrainien Viktor Ianoukovitch, a, quant à lui, prôné le départ de la flotte après l'expiration de l'accord en 2017 et une future adhésion de l'Ukraine à l'Otan.

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