Asie centrale perturbée par son voisin du Sud

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L’Asie du Sud est depuis longtemps l’un des plus importants (voire le plus important) épicentres des bouleversements géopolitiques.

L’Asie du Sud est depuis longtemps l’un des plus importants (voire le plus important) épicentres des bouleversements géopolitiques. Les événements qui surviennent en Afghanistan et aux carrefours afghano-pakistanais et indo-pakistanais, affectent la stabilité de la région s’étendant de l’océan Atlantique au Pacifique, les relations avec le monde musulman et même le destin de certains hommes politiques européens et américains.

L’Asie centrale est située à proximité immédiate de la région enflammée. Les dirigeants locaux observent avec appréhension les événements qui se déroulent dans les pays voisins. Cette crainte est légitime, compte tenu du fait que leurs intérêts peuvent être affectés quelle que soit l’issue des événements en Afghanistan.

Étudions trois scénarios possibles. Le premier: la stabilité qui repose sur le consensus avec ce qu’on appelle les « talibans pragmatiques » est enfin atteinte. Grâce à leur participation une coalition gouvernementale est créée, en d’autres termes le mouvement taliban est légitimé. Dans ce cas les dirigeants d’Asie centrale devront de facto reconnaître que l’islam radical est une force politique appréciée par la population. Ainsi, de gré ou de force, ils devront réviser leur attitude à l’égard de « leurs » islamistes, qui, comme les talibans, affirment que leur but est de créer un État juste. De plus, il existe depuis longtemps des liens entre les talibans et l’opposition islamiste, par exemple au Tadjikistan et en Ouzbékistan, or les ouzbeks, les tadjiks et les ouïgours (de même que, par ailleurs, les originaires du Caucase) participent aux combats du côté des rebelles afghans.

Deuxième scénario: le problème afghan n’est toujours pas résolu, la guerre continue et, en parallèle, les contacts secrets flagrants entre les parties belligérantes se poursuivent. Les pays d’Asie centrale soutiennent les efforts des États-Unis et de la coalition permettant le transit de chargements militaires via son territoire. L’Asie centrale devra se trouver sa propre niche dans ce long conflit. De plus, la menace de déstabilisation en provenance du Sud persiste, devenant routinière. Mais cette routine pourrait être lourde de conséquences.

Troisième scénario: la défaite militaire des talibans. D’une part, ceci pourrait stabiliser la situation générale, mais cette stabilité serait éphémère. L’expérience montre impitoyablement que les talibans ne disparaissent pas, qu’ils se mettront à rassembler leurs forces afin de continuer le combat. Quant aux « talibans étrangers » originaires d’Asie centrale, ils peuvent tout simplement rejoindre leur patrie, renforçant ainsi l’opposition. La défaite des talibans semble toutefois pratiquement impossible.

L’Asie centrale a son intérêt dans la stabilité de l’Afghanistan tel qu’il l’était avant l’intrusion des forces militaire soviétiques. Mais dans un avenir prévisible, le pays n’en sera plus à ce stade. Pour cette raison, d’un point de vue politique, économique et même psychologique, l’Asie centrale doit être prête à vivre avec ce voisin peu commode et, en même temps, prendre en compte la signification croissante de la composante islamique du régime afghan, quel qu’il soit.

Question: les États d’Asie centrale sont-ils capables d’avoir un impact positif quelconque sur leur voisin du Sud ? Il semblerait que seule une réponse négative est plausible.

Néanmoins, il est possible de faire quelque chose. Il est question de la coopération économique qui présenterait un intérêt mutuel. Les projets du Tadjikistan de construction de lignes à haute tension (HT) permettant l’acheminement d’électricité en Afghanistan et, via ce dernier, au Pakistan, sont significatifs. La vente d’énergie est un secteur rentable, bien que soumis à de nombreuses tracasseries. La construction des HT et l’acheminement de l’énergie pourraient être un facteur de stabilité dans la mesure où l’électricité intéresse tout le monde. Il existe aussi des projets de développement d’infrastructures où les pays d’Asie centrale pourraient aussi apporter leur contribution.

Actuellement, on parle et on écrit beaucoup sur la lutte commune contre les stupéfiants. À première vue, il y existe beaucoup de possibilités de coopération. Cependant, personne n’est capable à ce jour d’enrayer la croissance de la production de stupéfiants en Afghanistan qui, ces dernières années, a été multipliée par 10. En ce qui concerne le trafic de stupéfiants, force est de constater qu’en Asie centrale un grand nombre de personnes y est impliqué, y compris ceux qui font partie du gouvernement. Pour cette raison, la lutte contre ce mal ne rencontre pas, et ne rencontrera probablement pas dans un proche avenir le succès tant escompté.

Le conflit afghan est depuis longtemps devenu une zone d’opération pour les organisations internationales, y compris l’ONU et l’OTAN. L’organisation de coopération de Shanghai (OCS) pourrait y aider aussi. Cependant, sa contribution est très limitée. Ceci s’explique par le fait que les deux membres les plus importants de l’OCS, la Russie et la Chine, sont encore indécis quant au degré de leur implication dans le règlement du conflit afghan.

La Chine agit presque de manière autonome, en mettant l’accent sur les relations bilatérales. Son activité économique en Afghanistan est concentrée sur le secteur minier, elle témoigne aussi son intérêt pour le développement des infrastructures. En fait, la composante politique de la Chine n’est pas clairement énoncée. Pékin est un ennemi juré du radicalisme islamique qu’il rencontre dans la province de Xinjiang. En même temps, sa perception des talibans est divergente. Certaines publications chinoises les qualifient de mouvement national luttant contre l’expansion étrangère.

Quant à la Russie qui refuse fermement le soutien militaire de la coalition, elle admet l’éventualité d’une coopération entre celle-ci et l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), sous l’égide de Moscou. Cependant, on ne sait pas sous quelle forme précise cette coopération pourrait se concrétiser.

Ainsi la participation de l’OCS au règlement du conflit afghan reste-t-elle très floue.

Le conflit afghan ne sera sans doute pas réglé avant l’été 2011, période à laquelle le président Barack Obama a prévu le début du retrait des troupes américaines. De toute façon, il ne faut pas s’attendre à un règlement dans les années à venir. Le conflit prendra d’autres formes et une aggravation de la situation n’est pas à exclure.

En cas de changements de situation concernant l’Afghanistan, ses voisins d’Asie centrale, ainsi que les organisations dont ils font partie, y compris l’OCS, devront élaborer une position plus claire et définir leur degré de contribution au « processus afghan ».

Ce texte n’engage que la responsabilité de l’auteur. 

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