La Russie vue par la presse francophone le 16 juin

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La Russie rechigne à se risquer dans le chaos kirghiz/ La leçon de Poutine/ Les violences au Kirghizstan semblent être "orchestrées, ciblées et planifiées"

Le Figaro

La Russie rechigne à se risquer dans le chaos kirghiz

Bichkek attend de Moscou qu'il le protège des appétits de ses deux grands voisins, le Kazakhstan, au nord, et l'Ouzbékistan, au sud.

La communauté internationale peine à régler le conflit kirghiz, qui a fait au moins 170 victimes et jeté près de 100 .000 réfugiés à la frontière ouzbèke. Les regards continuent à se tourner vers la Russie, ancienne puissance tutélaire en Asie centrale. Pour le gouvernement provisoire à Bichkek, Moscou est la seule entité capable de ramener l'ordre dans le sud du pays, comme l'avait déjà fait l'Armée rouge, à Och, il y a vingt ans, lors de troubles ethniques qui avaient fait 1 200 morts. Mais cette fois, avec ou sans mandat de l'ODKB l'organisation de défense qui rassemble les principaux pays de la région -, la Russie rechigne à intervenir.

Appétits des deux grands voisins

Au-delà des intérêts économiques liant les deux pays. Bichkek attend de Moscou qu'il le protège des appétits de ses deux grands voisins, le Kazakhstan, au nord, et l'Ouzbékistan, au sud, qui profiteront immanquablement de l'affaiblissement politique de cette petite république, perpétuellement tiraillée entre ses deux pôles. Astana aimerait prendre le contrôle des centrales hydroélectriques kirghizes, dont il dépend pour son approvisionnement énergétique, et sauvegarder en même temps ses intérêts financiers qui avaient prospéré du temps de l'ancien président, Bakiev. Pour sa part, l'Ouzbékistan, qui a perdu plusieurs de ses ressortissants dans les émeutes, pourrait être est tenté d'intervenir, mais il préfère le statu quo. Au sein de la communauté ouzbèke du Kirghizstan figurent des rebelles islamistes et d'anciens opposants au régime d'Islam Karimov, que celui-ci préfère tenir à distance. Ces derniers avaient participé en 2005 aux émeutes de la ville ouzbèke d'Andijan, violemment réprimées par le régime (près de 500 morts). Craignant l'asphyxie économique et la contamination politique de son territoire, Tachkent a d'ailleurs refoulé les réfugiés issus de Kirghizie. «Même si ses troupes se concentrent actuellement à la frontière, Karimov ne veut pas d'un conflit avec Bichkek, qui pourrait s'étendre à l'ensemble de la région», ajoute Dani Kisslov, rédacteur en chef du site fergana.ru, du nom de cette vallée stratégique de l'Asie centrale.

Précédent de l'Ossétie du Sud

arallèlement, ces deux régimes autoritaires, qui craignent une démocratisation du régime kirghiz, bloquent méticuleusement toute intervention russe, qu'ils percevraient comme une immixtion dans leur arrière-cour. La Russie elle-même, soulignent les experts, reste victime du «syndrome de l'Ossétie du Sud», ce territoire autrefois géorgien qu'elle avait reconquis par la force en août 2008, sous la désapprobation de la communauté internationale. «Si la situation ne s'améliore pas dans les deux jours, les chefs d'État de la région devront faire des efforts. Il est hors de question que les troupes russes entrent seules en Kirghizie, cela pourrait provoquer des tensions ethniques avec nos citoyens résidant dans le pays», a déclaré le président du comité des pays de la CEI (ex URSS) au Sénat russe, Vadim Goustov. À croire que les différents acteurs de la crise attendent que le Kirghizstan «tombe comme un fruit mûr».

Le Monde

La leçon de Poutine

L'arroseur arrosé, un classique de l'entretien télévisé. C'était la semaine dernière, au cours du "20 heures" de France 2. A Sotchi, David Pujadas interviewait Vladimir Poutine, le premier ministre russe. Plus précisément, il lui demandait s'il comprenait les inquiétudes des Français à propos des assassinats de journalistes et du manque d'indépendance des médias audiovisuels russes.

Bien calé dans son fauteuil, Vladimir Poutine en souriait d'avance : "Oui, je les comprends. C'est une vieille tradition des pays européens que d'imposer aux autres leurs règles et leurs standards. Souvenez-vous de la période de la colonisation de l'Afrique. Les Européens y débarquaient avec leurs lois, avec leurs règles et ils étaient fiers d'éduquer et de civiliser les indigènes. Concernant ces violations, elles existent partout. Si l'on prend par exemple la violation des droits de l'homme dans les prisons, chez vous, en France..." "C'est comparable ?", demanda Pujadas. "Evidemment. Il y a quelques années, les organisations de défense des droits de l'homme ont écrit des volumes gros comme ça concernant le respect de ces droits dans vos établissements pénitentiaires. Ces violations existent. Il faut lutter contre..."

David Pujadas préféra ne pas prolonger la discussion. Il aurait bien évidemment pu insister, demander des précisions sur les enquêtes en cours concernant certains des assassinats les plus emblématiques de la "décennie Poutine" : Anna Politkovskaïa, Natalia Estemirova, etc. Mais, il sentait Vladimir Poutine prêt à en découdre avec son sourire un rien provocateur. Encore un peu et il aurait pris un malin plaisir à évoquer la loi qui accorde au président de la République française le pouvoir de nommer lui-même les patrons de l'audiovisuel public....

A quelques jours près, Vladimir Poutine aurait également pu citer l'ordonnance du tribunal administratif de Rouen qui, vendredi 11 juin, a condamné en référé l'Etat français à indemniser 38 personnes qui se plaignaient d'être incarcérées ou de l'avoir été "dans des conditions n'assurant pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine" (dans ses attendus, le tribunal souligne qu'à la maison d'arrêt de Rouen, dite "Bonne Nouvelle", les conditions d'incarcération constituent "un manquement aux règles d'hygiène et de salubrité").

A la suite de quoi, le premier ministre russe aurait pu conclure par un tonitruant : "Les prisons françaises constituent une honte pour votre République, ce n'est pas moi qui le dit, c'est votre président."

Il n'en fut heureusement rien. Vladimir Poutine préféra s'en tenir aux considérations générales citées plus haut. Pour sa prochaine interview, il lui restera d'autres sujets d'actualité en réserve : la surpopulation carcérale, la forte augmentation du nombre de suicides dans les prisons françaises... Il est des leçons dont on aimerait pouvoir se passer.

L'Orient-Le Jour

Les violences au Kirghizstan semblent être « orchestrées, ciblées et planifiées », selon l’ONU

Les forces régulières kirghizes soupçonnées d'aider des bandes armées à commettre des massacres ; la Russie et des pays de l'ex-URSS n'excluent pas une intervention militaire.

De nouvelles violences interethniques ont eu lieu hier dans le sud du Kirghizstan, chassant vers l'Ouzbékistan des flots de réfugiés.
À Och, deuxième ville du Kirghizstan, des coups de feu sporadiques claquaient hier dans les rues où des corps calcinés et des maisons incendiées témoignaient de la violence des combats, a rapporté un journaliste de l'AFP. À Djalal-Abad, autre ville proche de la frontière ouzbèke, la situation restait aussi tendue et, comme à Och, des incendies faisaient rage, selon l'agence de presse kirghize AKIpress.

En quatre jours, les violences qui ont entraîné cet exode ont déjà fait au moins 124 morts et près de 1 700 blessés, selon le ministère kirghize de la Santé.État pauvre d'Asie centrale, le Kirghizstan a une grande importance stratégique, accueillant à la fois une base militaire russe et une base militaire américaine cruciale pour le déploiement de troupes en Afghanistan. Les violences ont éclaté dans la nuit du 10 au 11 juin à Och entre des Kirghizes et des membres de la minorité ouzbèke.

Le gouvernement a admis hier qu'il peinait à contrôler la situation malgré la mobilisation de l'armée, l'instauration d'un couvre-feu et l'ordre donné aux forces régulières de tirer sans sommation. Mais parmi les réfugiés arrivés en Ouzbékistan, beaucoup racontaient que des bandes armées de Kirghizes soutenues par des hommes en uniforme des forces régulières avaient massacré les Ouzbeks. « Sur la route vers la frontière, il y avait partout des corps de femmes brûlées, et des transports de troupes blindés tiraient sur nous », a raconté à l'AFP Marhabo, une vieille femme.

Récit semblable d'un habitant d'Och. « D'abord les blindés sont venus, derrière eux des gens sans uniforme sont arrivés. Ils ont libéré la voie pour eux et ils nous ont attaqués, ils tiraient sur nous dans la rue », témoigne Dildor Djoumabaïev, 38 ans.

n officier d'une unité de blindés kirghize, Bakhtior Charipov, lui-même un Ouzbek, a témoigné dans le même sens. « Le ministère kirghize de la Défense nous a ordonné de ne pas tirer sur des civils. Mais à Och, les militaires et la police ont ignoré ces ordres et aidaient les bandits à tirer sur les civils », a-t-il déclaré.

Selon le ministère ouzbek des Situations d'urgence, 60 000 réfugiés ont déjà été enregistrés dans la région d'Andijan, dans l'est de l'Ouzbékistan, chiffre qui ne prend pas en compte des milliers d'enfants.

Le vice-Premier ministre ouzbek, Abdoullah Aripov, a pour sa part déclaré que l'Ouzbékistan avait enregistré 45 000 réfugiés plus leurs enfants. Et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a estimé que quelque 80 000 personnes étaient entrées en Ouzbékistan.

L'Ouzbékistan a annoncé hier qu'il fermait sa frontière, ses capacités d'accueil saturées. La communauté internationale commence à se mobiliser pour tenter de ramener la paix et livrer de l'aide humanitaire.

Au cours d'une réunion d'urgence à Moscou, l'ODKB, une alliance militaire dirigée par la Russie et groupant des pays de l'ex-URSS dont le Kirghizstan, n'a « pas exclu » une intervention militaire pour mettre fin aux violences, a déclaré le président du Conseil de sécurité russe, Nikolaï Patrouchev, cité par les agences de presse russes. Cette réunion de l'ODKB (Organisation du traité de sécurité collective) avait été convoquée par le président russe, Dmitri Medvedev, qui a ensuite qualifié d'« intolérable » la situation au Kirghizstan.

À Genève, la haut-commissaire de l'ONU aux Droits de l'homme, Navi Pillay, a déclaré que les violences semblaient être « orchestrées, ciblées et planifiées ». « Il semble que des tueries aveugles, notamment d'enfants, et des viols ont eu lieu sur des bases ethniques », a-t-elle dénoncé en demandant à l'Ouzbékistan et au Tadjikistan de « laisser les frontières ouvertes » pour laisser passer les réfugiés.

Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a annoncé qu'il envoyait « une aide et une équipe d'urgence » en Ouzbékistan. L'ambassade des États-Unis au Kirghizstan a annoncé plus d'un million de dollars d'assistance humanitaire.

En avril, un soulèvement qui avait fait 87 morts avait chassé le président Kourmanbek Bakiev, portant au pouvoir l'actuel gouvernement provisoire.
Historiquement, les relations entre la minorité ouzbèke (15 à 20 % de la population) et les Kirghizes sont tendues, notamment en raison de disparités économiques. De puissants groupes mafieux sont également actifs dans cette région.

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