Deauville cherche à sortir de l'impasse

© POOL / Accéder à la base multimédiaDmitri Medvedev, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy
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Les réunions entre la France, l’Allemagne et la Russie reprennent après une longue interruption. Lundi et mardi, à Deauville, le président russe Dmitri Medvedev, le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel se rencontreront.

Les réunions entre la France, l’Allemagne et la Russie reprennent après une longue interruption. Lundi et mardi, à Deauville, le président russe Dmitri Medvedev, le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel se rencontreront. Ce contact rappelle l’année 2003, plus ou moins heureuse pour certains. Cette année a marqué le début de sommets trilatéraux similaires, dont le sens était accessible à tous, mais dont les détails n’intéressaient personne. Plus précisément : George Bush est devenu fou, il ne tient compte de l’avis de personne et rêve d'une grande guerre en Irak (voire ailleurs également), il recrute des alliés dans les pays d’Europe de l’Est et inflige de graves préjudices aux puissances européennes. Qu'est-il possible de faire ?

Beaucoup ignorent qu’à une certaine étape ‘’ le trio européen ‘’ avait failli de se transformer en une entité très importante et différente. En raison de l’aspiration à y adhérer de l’Italie et de l’Espagne. En allant dans ce sens, une nouvelle OTAN parallèle aurait pu faire son apparition sur le continent européen.

Mais l’histoire s’est arrêtée là, l’issue de la guerre en Irak était parfaitement claire, on attendait le départ de Bush. Et au lieu de s’étendre, ‘’ le trio européen ‘’ a tout simplement disparu. Mais ce n'est vrai qu'au niveau des rencontres ostentatoires au sommet. Ainsi, malgré les changements de présidents dans les trois pays concernés (France-Russie-Allemagne),  les relations particulières que Moscou entretenait avec les ‘’ anciens ‘’ -  les ‘’ grands ‘’ européens (à l’exception de la Grande-Bretagne) - n’avaient pas disparu.

Bush a été remplacé mais, curieusement, la fraction conservatrice républicaine des Etats-Unis interprète la future réunion de Deauville comme une manifestation d'antiaméricanisme. Pourquoi? Le tableau serait plus clair en regardant la situation selon trois points de vue, c'est-à-dire en fonction du nombre des trois participants.

Le point de vue de la Russie : au début des années 2000, on considérait que la politique étrangère du pays s'articulait autour de deux axes. Le premier concerne le trio européen en question et le second les rencontres avec les présidents de la Chine et de l’Inde. Les derniers se sont transformés en BRIC (acronyme désignant le groupe formé par le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine - ndt), avec l’adhésion de Brasilia, et le volet européen s'est atrophié. Les relations entre Moscou et l’Occident s'aggravaient, avec (guerre dans le Caucase en août 2008) ou sans raisons. Après son élection au poste de président, Dmitri Medvedev a suggéré d’aborder le thème du traité pour la sécurité euro-atlantique. Les Etats-Unis (sous l’administration de Barack Obama) ont répondu que l’OTAN existait dans ce but précis avec le Conseil Russie-OTAN (simple club de discussions futiles). Medvedev est invité au sommet de l’OTAN à Lisbonne, car sa venue signifierait que tout va bien et qu’il est inutile d’examiner sa proposition.

Mais l'idée prévaut également d’une nouvelle alliance entre la Russie et l’Occident. Et il convient d’ajouter que, contrairement à la situation de 2006-2007, des relations, quelles qu’elles fussent, ont été établies entre la Russie et les Etats-Unis. Pendant le mandat de Bush, Moscou ignorait les Etats-Unis et ne s’en portait pas plus mal. Il ne reste donc plus qu’à parvenir à un sérieux changement dans les relations entre l’UE et l’OTAN et tout ira bien. Ou trouver d’autres moyens d’amélioration du climat si cela s’avérait impossible.

Le point de vue de la France : à partir de novembre, Paris prendra la tête du ‘’ G-20 ‘’, et à partir de janvier celle du ‘’ G-8 ‘’ qui a perdu de son importance. En d’autres termes, la France devient un leader tout à fait capable de contribuer considérablement à éviter une ‘’ guerre monétaire ‘’ au sein de l’économie mondiale et à affaiblir la tendance absurde vers une confrontation entre les Etats-Unis et la Chine. Paris va tenter de faire passer son idée de stabilisation des taux de change et des prix des matières premières, et Moscou avait déjà proposé des mesures similaires.

Il faut utiliser des méthodes non-traditionnelles car l’Union Européenne ne remplit pas ses fonctions en s’enlisant dans les problèmes internes de l’Europe, et l’OTAN est une entité privée de sens. C’est la raison pour laquelle l’Europe perd de l’importance dans la politique mondiale en devenant une sorte de périphérie. Et dans ces conditions, il serait criminel de ne pas développer les relations avec Moscou (et Pékin), même sous une forme inhabituelle. Sur ce plan la France en prendra la responsabilité, car Nicolas Sarkozy prend toujours le commandement là où les autres Européens sont indécis.

A Deauville, à en juger par les signaux de Paris, ‘’ un nouveau schéma de coopération économique ‘’ sera proposé à la Russie. Cela concerne également la sécurité. Faut-il l'accepter ou le repousser? On est encore loin de la réalisation de l’idée de Medvedev concernant un accord commun sur la sécurité. Il est impossible d’envisager une réforme de l’OTAN, comme il est impossible de dresser un crocodile. Moscou recevra donc un prix de consolation qu’il serait dommage de refuser. Et on devra progresser à partir de ce point.

En ce qui concerne le point de vue de l’Allemagne… Par exemple, celui-ci : il ne faut pas laisser aux Français le monopole de la recherche de nouvelles voies d’une grande politique européenne. Toutes les actions de Sarkozy sont scandaleuses, en restant, toutefois, logiques. L’Allemagne, première puissance économique de l’Europe, devrait adhérer au processus pour ne pas se retrouver ‘’ sur la touche ‘’.

Il existe également une sorte de point de vue commun associé à l’atténuation des espoirs reposant sur les réformes américaines, y compris de sa politique étrangère. Dès novembre on s’attend à la ‘’ prise ‘’ du congrès par les politiciens que l’on pourrait qualifier de successeurs de Bush, puis, qui sait, de la Maison blanche également d’ici quelques années. La particularité des crises systémiques (c’est précisément le cas actuellement aux Etats-Unis) réside dans le fait que le public - les électeurs - ne souhaite aucun changement ou réforme, il veut revenir au passé, au bon vieux temps où tout allait bien.

Pour cette raison, actuellement Obama n’est plus l’homme qu’il était. On a pu lire dans les médias américains les évaluations suivantes de la situation: pendant deux ans il a montré à tous qu’il n’était pas comme Bush (et a même reçu le prix Nobel de la paix pour cela). Ensuite il s’est mis à se comporter comme tous les présidents américains : il a commencé à avancer les ‘’ valeurs ‘’ et les ‘’ intérêts ‘’ américains, à se ‘’ chamailler ‘’ avec la Chine…

Si l'Amérique ne revient pas à ‘’ Bush ‘’, et si elle ne s'est pas encore fourvoyée dans une impasse dans ses relations avec l’Europe ou la Russie, comme ce fut le cas en 2008-2009, elle s'y retrouvera très bientôt. Cela signifiera pour l'Europe le retour à la case impasse.

Toutefois, il ne faut pas exagérer les compétences des rencontres trilatérales entre la Russie, la France et l’Allemagne. Aussi bien dans le passé qu’aujourd’hui. On n’y conclut aucun accord ni union, on n’y signe aucun protocole secret. Les personnes réfléchissent tout simplement aux mesures à prendre. Mais il est clair, en principe, qu’ils ne veulent pas se retrouver dans une nouvelle impasse.

Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti.

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