L’instauration d'une "tutelle" de l’OTAN sur l’opposition libyenne

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Lorsque les "révolutionnaires" libyens commencent à prendre les villes plus rapidement qu’ils ne les ont abandonnées dans leur fuite paniquée, cela devient dangereux.

Lorsque les "révolutionnaires" libyens commencent à prendre les villes plus rapidement qu’ils ne les ont abandonnées dans leur fuite paniquée, cela devient dangereux. Il faut donc faire quelque chose avec la révolution. Et avec la Libye également. Les événements dans ce pays prennent une tournure imprévisible. D’une part, Mouammar Kadhafi n’a toujours pas été renversé. D’autre part, les "bombardements humanitaires" ont déjà dégagé la voie à l’opposition vers Tripoli, vers le triomphe qui pourrait rapidement se transformer en pillages et en massacres.

La coalition n’est politiquement pas mandatée pour transformer la Libye, or en l’absence de contrôle des actions de l’opposition, la campagne risque de se transformer en une longue opération militaire controversée. Un tel fardeau prolongé ressemble aux scénarios afghan et irakien. Même à une moindre échelle, leurs "récidives" pourraient anéantir les projets de réélection de Barack Obama aux Etats-Unis et de Nicolas Sarkozy en France. Dans les deux pays les élections présidentielles se tiendront en 2012.

Il est nécessaire d’établir de toute urgence une "feuille de route" bien articulée pour la Libye. Il faut y fixer un itinéraire et, surtout, la destination finale. En fait, c’est la raison pour laquelle le 29 mars la conférence internationale sur la Libye se réunira à Londres.

De toute évidence, on assistera à l’établissement définitif de la tutelle par l’OTAN (politique et militaire) de l’opposition libyenne inexpérimentée, indisciplinée et marginale. On y assistera également à l’enterrement formel de la coalition des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France qui ont lancé il y a près d’une semaine "l’opération humanitaire" visant le renversement du régime de Mouammar Kadhafi. Désormais, le contrôle militaire et politique de l’opération sera intégralement transmis à l’OTAN.

La réunion présidée par le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a été intitulée Conférence internationale sur la Libye. Son objectif consiste à former une coalition pour le soutien du peuple libyen, à mettre en œuvre la résolution N 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies et à fournir une aide humanitaire à la Libye. Près de 40 participants ont été annoncés: 35 ministres des Affaires étrangères, dont 28 pays de l’OTAN, des Etats frontaliers de la Libye, ainsi que les Secrétaires généraux de l’OTAN et de l’ONU, les représentants de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes.

Les "extensions" de la résolution de l’ONU

La conférence est officiellement ouverte à tous, mais le cercle des invités est restreint à ceux qui participent à l’opération libyenne. La Russie n’en fait évidemment pas partie.

L’ordre du jour comprend quatre questions: le cessez-le-feu immédiat, le maintien de l’embargo sur la fourniture d'armes à Kadhafi, la protection de la population civile, ainsi que l’avenir de la Libye. Bien sûr, sans Mouammar Kadhafi.

Depuis longtemps, Kadhafi ne suscite plus les sympathies de personne. Mais les événements actuels en Libye et autour d’elle pourraient considérablement changer les opinions générales, et pas en faveur du "camp démocratique", en Libye et au sein de la coalition libyenne de l’OTAN.

Il existe une différence entre "ensevelir" Kadhafi dans le sable grâce aux bombardements de l’OTAN et renverser son régime par une révolte intralibyenne. "L’exportation de la démocratie" via l’OTAN, ce n’est pas exactement ce qu’attendaient les arabes.

Depuis le début il était clair que la résolution N 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies (au sujet de l’exclusion aérienne) connaîtra une extension significative, bien au-delà des prévisions. Cela n’a rien d’étonnant. Les résolutions de l’ONU sont toujours élaborées d’une manière si "habile" qu’il est toujours possible de les pervertir. N'importe quel avocat expérimenté peut les "dévoyer" dans n’importe quel sens. La résolution N 1973 ne fait pas exception. De même que ce qui lui arrive actuellement. Le problème est que "l’opération aérienne" passe déjà au stade terrestre.

Le premier ministre turc Tayyip Erdogan, dans une interview exclusive accordée au quotidien britannique The Guardian, a clairement fait remarquer cette transformation : "La zone d’exclusion aérienne ou la no-fly zone s’est d’une manière inexplicable transformée en no-drive zone. Si cela continue et que les rebelles poursuivent l’offensive et continuent à prendre des villes où la population n’était pas été très favorable à la "révolution", il sera nécessaire de défendre la population civile par les bombardements des troupes révolutionnaires. Car la résolution de l’ONU parle de protection de la population civile en général."

Le partage du pétrole

M.Erdogan a averti que la libération de la Libye de Kadhafi ne doit en aucun cas se transformer en partage du pétrole libyen. Cet avertissement est plus que justifié.

L’opposition a déjà "pris" les villes de Ras Lanuf et de Brega abandonnées par les troupes de Kadhafi. Les deux principales raffineries du pays et les réserves de pétrole se situent à ces endroits. Elles assuraient 20-25% des exportations du pétrole libyen (1,5 millions de barils par jour avant le début des troubles).

Les autorités rebelles siégeant à Benghazi ont déjà annoncé que le Qatar prendrait en charge la vente de ce pétrole en leur lieu et place. Lorsque la production dans les raffineries sera rétablie. Autrement dit, le partage a déjà commencé.

Pas plus tard que le 27 mars, les émissaires de l’OTAN ont approuvé la transmission du contrôle de l’opération aux structures de commandement de l’Alliance. Le document approuvé stipule clairement la légitimité des frappes contre des cibles terrestres. Or, tous les sites de surveillance radar, tous les systèmes de défense antiaérienne et les postes de commandement de l’aviation de Kadhafi sont déjà détruits. Et l’espace aérien est déjà intégralement contrôlé par les forces aériennes de l’OTAN.

Actuellement, l’objectif principal de l’OTAN consiste à élargir la participation des pays arabes au sein de la coalition. Pour le moment, la participation arabe se réduit à 16 chasseurs du Qatar et des Emirats Arabes Unis. Contrairement aux espoirs, l’aviation de l’Egypte n’a pas encore adhéré à la coalition.

L’Allemagne et la Turquie étaient les plus réticentes jusqu’à présent. Et la France était la plus hostile au commandement de l’OTAN. Nicolas Sarkozy aspirait à soustraire le commandement des forces au contrôle de l’OTAN, où il n’a aucun poids, ni influence.

Les Français exigent toujours la transmission du commandement politique à une sorte de groupe de contact. Il doit seulement inclure les pays qui participent activement à la campagne contre Kadhafi. Ce qui exclut automatiquement la Turquie et l’Allemagne qui ne participent pas à cette campagne. Toutefois, les communiqués au sujet des différends importants et de la forte hostilité de Berlin et d’Ankara envers la campagne paraissent assez exagérés.

Pas de place pour la Russie au sein de la coalition


Selon des sources à Bruxelles, Ankara et Berlin ont accepté d’envoyer leurs bâtiments de guerre dans le golfe de Syrte pour "soutenir l’embargo" sur les fournitures d’armement (Allemagne) et pour apporter une aide humanitaire à la Libye (Turquie).

A Londres, les Français voudraient réussir à créer une sorte d’organisme de coordination politique de l’opération libyenne qui supplanterait l’OTAN. Paris appelle cela "coalition des volontaires." Mais Sarkozy a peu de chances de réussir. Il sera impossible d’établir un contrôle sur l’immense machine de guerre de l’OTAN, comme le souhaiterait Sarkozy. Comme s’est exprimé un diplomate , l’OTAN ne peut pas être "érodée."

D’ailleurs, M.Erdogan a déjà annoncé qu’en cas de nécessité la Turquie est prête à jouer le rôle de médiateur lors des négociations entre Kadhafi et la coalition pour faire cesser le feu.

La Russie est également prête à apporter sa contribution au désamorçage du conflit, comme l’a déclaré à Bruxelles le représentant de la Russie auprès de l’OTAN Dmitri Rogozine. Parmi tant d’autres, la question libyenne sera soulevée au Conseil Russie-OTAN qui se tiendra à Bruxelles dans la matinée du 29 mars. A l’issue, le Secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen se rendra directement à Londres à la conférence sur la Libye. Toutefois, il est assez improbable que quelqu’un "entendra" la voix de Moscou, car la Russie ne fait pas partie de la "coalition des volontaires."



Ce texte n’engage pas la responsabilité de RIA Novosti

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