Internet transforme les encyclopédies en réseaux sociaux

© RIA Novosti . Michail FomichevInternet transforme les encyclopédies en réseaux sociaux
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La célèbre Encyclopédie française éditée par l’encyclopédiste Denis Diderot, dont le premier volume a été publié il y a 260 ans, a été conçue comme une édition d’actualité qui influencerait l’opinion publique et même la politique.

La célèbre Encyclopédie française éditée par l’encyclopédiste Denis Diderot, dont le premier volume a été publié il y a 260 ans, a été conçue comme une édition d’actualité qui influencerait l’opinion publique et même la politique. A notre époque, les encyclopédies en ligne réagissent immédiatement aux événements – les nouveaux articles y sont publiés pratiquement le même jour que les commentaires dans la presse. Les annuaires en ligne incluent des forums, et dans de telles éditions il est possible de rédiger des articles. Les encyclopédies se transforment petit à petit: ces annuaires scientifiques deviennent des projets internet populaires, sur lesquels n'importe quel utilisateur peut écrire un article. Le rêve de Denis Diderot s’est réalisé.

Les moyens traditionnels de stockage d’informations ne sont pas tout à fait traditionnels
Les encyclopédies aspirent à devenir toujours plus interactives, de la même manière que les musées, par exemple. Les connaissances académiques se démocratisent, deviennent populaires, et il est très probable que les encyclopédies dites "libres", qui attirent un cercle d’auteurs plus large et ne sont pratiquement pas rédigées par leur fondateur, seront plus nombreuses que les encyclopédies traditionnelles.

L’Encyclopédie conçue sous la direction de Diderot, qui a vu le jour le 1er juillet 1751 et également intitulé Dictionnaire raisonné  des sciences, des arts et des métiers, a été rédigée par des scientifiques et des philosophes. Aujourd’hui, on édite toujours des encyclopédies écrites selon les règles de l’encyclopédiste français: "Rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre; exposer le système général…" Les exemples de telles encyclopédies numériques en Russie sont la Grande encyclopédie universelle multimédia de Cyrille et Méthode, l’encyclopédie en ligne Krougosvet, dont les articles ont été rédigés par 300 professeurs et 1.500 docteurs ès sciences, et l’Encyclopédie orthodoxe.

Mais même ces grandes réalisations ne sont pas tout à fait traditionnelles. Par exemple, Krougosvet met en surbrillance tel ou tel sujet en fonction des événements informationnels et se met rapidement à jour, comme toute autre ressource en ligne.

Les nouvelles encyclopédies sont proches du journalisme
Grâce à l’Encyclopédie, les personnalités du siècle des lumières ont préparé la Révolution française. L’un des fondateurs de Wikipedia, qui existe depuis dix ans et qui prétend à l’adhésion à la liste prestigieuse du patrimoine mondial de l’UNESCO, Jimmy Wales, nourrit les attentes les plus ambitieuses. Il est convaincu que son projet contribuera à la "liberté." "En soi, internet est précisément une démocratie libre", dit-il. Wales est inspiré par l’histoire des révolutions dans les pays du Moyen-Orient. Les actions révolutionnaires dans ces pays étaient principalement organisées et décidées via les réseaux sociaux.

Mais laissons de côté le potentiel politique des ressources internet. Il semble que pour les auteurs d'articles publiés dans les encyclopédies en ligne, la participation à des projets aussi populaires (que ce soit Wikipedia ou d'autres) soit une sorte de minute de gloire, même si le non de l’auteur n’est pas indiqué. D’une manière ou d’une autre, il s’agit d’une auto-présentation, d’une autopromotion, d’une volonté de faire impression. Comme le font remarquer les psychologues, ces particularités sont avant tout propres aux jeunes.

Les jeunes utilisateurs d’internet participent aussi activement à la création d'encyclopédies que de leurs parodies. L’une de ces "anti-encyclopédies", la Désencyclopédie, est une "encyclopédie de mensonges, d’humour et de fantaisies", selon la définition de ses créateurs. Selon son règlement, les participants au projet doivent "parler sérieusement des bêtises." Et en lisant les autres règles des créateurs de l’anti-encyclopédie, elles semblent être faites pour les amateurs de flash mobs, qui souhaitent attirer l’attention avec leurs articles.

En voici un échantillon, tiré d’un article de l’annuaire des sous-cultures du web Lurkomore.ru: "La Russie soviétique est perdue quelque part dans le Nord. C’est un Etat recouvert par une épaisse couche de glace, dirigé par le KGB et peuplé par des alcooliques en chapka, des poupées russes communistes et des ours avec des balalaïkas de combat." Sans commentaires.

L’exactitude des nouvelles encyclopédies remise en question
En parlant de lui-même, le portail Wikipedia déclare qu’il est devenu le "principal sujet d’attention des médias en tant que source en ligne des informations de dernière minute." On y trouve néanmoins un avertissement impensable pour les anciennes encyclopédies, de même que pour les médias de qualité: "La fiabilité et l’exactitude de Wikipedia soulèvent des questions."

Le contenu des anciens annuaires de référence était vérifié et revérifié par les experts avant leur publication.

La situation qui prévaut pour Wikipedia rappelle celle des blogs ou des réseaux sociaux. Cette forme de journalisme civil (amateur, populaire) devient de plus en plus répandue et constitue en quelque sorte un défit pour les médias professionnels, en tant que ressource qui se renouvelle aussi rapidement que les informations évoluent.

Mais comme l’a noté Tom Kent, directeur adjoint de la rédaction de l’agence Associated Press, lors du récent Forum international "L'avenir des médias" qui s'est tenu à RIA Novosti, "beaucoup de personnes ont besoin d’avoir plusieurs sources d’information fiables, or cela dépasse le cadre de ce que pourrait proposer Twitter." Dans notre cas, le mot "Twitter" peut être remplacé par les "encyclopédies libres."

Les encyclopédies incomplètes remplies de tout
Wikipedia déclare différer des encyclopédies mondialement connues non pas par l'étendue de sa couverture des réalités du quotidien. Le site contient 19 millions d’articles, c’est beaucoup. Cependant, Wikipedia fait remarquer sa "contradiction interne" et a conscience qu’il ne peut pas encore être considéré comme une encyclopédie classique, c’est-à-dire une revue systématisée des connaissances. Le terme "encyclopédie" signifie "cercle de connaissance", or les annuaires en lignes sont initialement sélectifs et fragmentaires, et cela a peu de chances de changer, quelles que soient les promesses de leurs créateurs.

Il existe aujourd’hui des encyclopédies Web en tous genres. Leur thématique leur interdit parfois de prétendre au nom d'encyclopédie. Que pensez-vous d'encyclopédies aussi réduites qu'une encyclopédie des verrous et des portes, qu'une encyclopédie des chats, qu'une encyclopédie des mariages ou qu'un annuaire du jeune détective?

La plus grande ironie est que c’est sur Wikipedia que nous allons nous renseigner sur l’Encyclopédie de Diderot. Que nous le voulions ou non, les annuaires en ligne continuent à gagner du terrain en tant que service rapide et pratique. Mais la précision avec laquelle ils informent et instruisent les lecteurs reste sujette à caution. Toutefois, cette remarque pourrait se reporter à l’internet dans l’ensemble, et même à la culture contemporaine en général. Mais il ne fait aucun doute que les utilisateurs remplissent les encyclopédies en ligne avec des idées neuves et confèrent de nouvelles couleurs à la carte des encyclopédies du monde.



L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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