Législatives russes: l'avantage de la ressource administrative

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Selon les leaders russes de l’opposition et les observateurs politiques, aucun budget débloqué pour soutenir les partis politiques concurrents à la veille des législatives n’est capable d’évincer Russie Unie de sa position dominante, car le parti au pouvoir possède l'avantage de pouvoir utiliser la ressource administrative.

Selon les leaders russes de l’opposition et les observateurs politiques, aucun budget débloqué pour soutenir les partis politiques concurrents à la veille des législatives n’est capable d’évincer Russie Unie de sa position dominante, car le parti au pouvoir possède l'avantage de pouvoir utiliser la ressource administrative.

"Les fonds alloués à la campagne électorale influeront faiblement, voire pas du tout, sur les résultats des législatives", fait remarquer Olga Mefodieva, experte du Centre d’information politique basé à Moscou. "Le seul moyen efficace de remporter la victoire, selon Olga Mefodieva, est de pouvoir utiliser la ressource administrative, dont Russie Unie dispose à profusion."

Les sept partis en lice pour les sièges à la Douma (chambre basse du parlement russe) dépensent bien plus d’argent pour la campagne électorale actuelle par rapport aux législatives de 2007. La somme totale des fonds préélectoraux s’élève à 2,79 milliards de roubles (environ 68 millions d’euros), dont 1,74 milliard (environ 42 millions d’euros) a été dépensé, a rapporté jeudi le quotidien Vedomosti en se référant à la banque publique Sberbank qui gère la comptabilité des virements financiers et des dépenses des partis dans la campagne électorale.

En disposant d’un fonds électoral de 430 millions de roubles (environ 10,5 millions d’euros), le parti pro-Kremlin Russie Unie se retrouve à la deuxième place derrière le parti libéral-démocrate (LDPR), en tête avec 473 millions de roubles (environ 11,5 millions d’euros). Le parti Iabloko, qui espère revenir à la Douma après 8 ans d’interruption, dispose d’un budget de 164 millions de roubles (environ 4 millions d’euros), en devançant le parti communiste (KPRF) de Russie, dont le budget est de 120 millions de roubles (environ 3 millions d’euros). Le parti Russie Juste occupe la troisième place avec 202 millions de roubles (environ 5 millions d’euros).

Cependant, selon les informations des services d’analyse de l’opinion publique, les fonds financiers des partis ne déterminent pas toujours leurs chances aux législatives. Par exemple, le parti Juste Cause, qui était en tête pendant des mois avec un fonds électoral de 350,7 millions de roubles (environ 8,5 millions d’euros), a été soutenu par seulement 1% des interrogés, selon le sondage réalisé par le Centre d’analyse Levada les 21-24 octobre. Le parti libéral-démocrate a également devancé Russie Unie en termes de budget électoral, cependant, selon les sondages, il devrait obtenir seulement 11% des voix aux législatives contre 60% pour le parti au pouvoir.

Les commentateurs politiques expliquent cet écart par l’avantage de Russie Unie en raison de son statut de parti au pouvoir, ainsi que le contrôle exercé sur les autorités régionales et les médias, y compris la télévision.

"A l’heure actuelle, aucun parti ne respecte activement les principales règles de financement de la campagne électorale", fait remarquer Elena Panfilova, directrice du Centre d’études et d’initiatives anticorruption Transparency International Russia. C’est évident dans le cas de Russie Unie: on peut voir des bus qui transportent les électeurs potentiels et observer d’autres ressources utilisées dans la campagne électorale, et il devient clair que cela n’a rien à voir avec le financement de la campagne, car le parti peut utiliser la ressources administrative", ajoute Elena Panfilova.

Selon Olga Mefodieva, Russie Unie possède des "ressources statutaires", et grâce à ces dernières, il est devenu le label politique le plus reconnaissable parmi les autres.

"Les "ressources statutaires" permettent au parti au pouvoir d’attirer ceux qui en général ne voudraient pas s’identifier à lui", a fait remarquer Olga Mefodieva. "Par exemple, Russie Unie a le plus grand nombre de vice-premiers ministres sur les listes régionales cette année, ce qui renforce le statut du parti au pouvoir."

De plus, le président Dmitri Medvedev est en tête de la liste de Russie Unie aux législatives de décembre, bien que le premier ministre Vladimir Poutine soit le leader du parti, et qui devrait être élu président en 2012. Les deux hommes politiques ne sont pas membres du parti, mais leur activité est montrée sous un aspect positif par les médias publics, notamment la télévision.

Les communiqués de presse montrent que dans certains cas les autorités régionales utilisent leur fonction au profit de la campagne électorale de Russie Unie. Au cours des deux derniers mois, au moins deux cas de chantage des électeurs par des hauts fonctionnaires régionaux en Oudmourtie (région située à environ 1.000 kilomètres à l'est de Moscou) ont été rapportés. Dans le dernier, Alexandre Gorianov, représentant de Russie Unie et à l’époque directeur de cabinet du président et du premier ministre locaux, a déclaré à la télévision que le financement de la ville de Glazov serait réduit si les habitants locaux ne votaient pas pour le parti au pouvoir. Dans un autre cas, Denis Agachine, chef de l’administration municipale d’Ijevsk (chef-lieu de la région), a déclaré lors d'une rencontre avec les retraités locaux que le financement des programmes sociaux destinés aux retraités dépendraient directement des résultats des votes pour Russie Unie aux législatives.

Dmitri Polikanov, directeur adjoint du comité exécutif central de Russie Unie, a confirmé l’abus de pouvoir des représentants du parti, cependant il l’a expliqué par les actions autonomes des fonctionnaires régionaux qui ont fait du zèle.

"Evidemment, dans un parti aussi important que Russie Unie il est difficile de contrôler tous les fonctionnaires régionaux agissant au nom du parti, fait remarquer Dmitri Polikanov. Les cas d’abus qui ont pu se produire n’ont pas été avalisé par le parti", a-t-ajouté.

Dmitri Polikanov a souligné que les cas mentionnés ci-dessus n’influeraient pas sur l’issue des législatives en décembre, car selon lui, "le parti est indéniablement en tête en termes de popularité."

Ce genre de cas d’abus de pouvoir de la part des fonctionnaires de Russie Unie préoccupent particulièrement les partis d’opposition, tels que, par exemple, Iabloko qui espère retourner cette année à la Douma après 8 ans d’absence.

"Nous sommes préoccupés par les cas d’utilisation et d’abus de la ressource administrative par les membres du parti au pouvoir", a déclaré le leader du parti Iabloko, Sergueï Mitrokhine. "Nous espérons que notre parti franchira la barre des 7% aux législatives, mais tout dépendra des actions du parti au pouvoir", a souligné Sergueï Mitrokhine.

Hormis les problèmes d’abus de pouvoir pendant la campagne électorale, il reste beaucoup d’autres questions, notamment on se demande de quelle manière les partis gèrent leurs finances pour augmenter leur popularité à la veille des élections.

Les députés russes ont augmenté de 400 millions de roubles (environ 10 millions d’euros) à 700 millions de roubles (environ 17 millions d’euros) la somme qui peut être dépensée par un parti pour les législatives. Toutefois, selon les analystes, cette limite des dépenses est insuffisante pour mener une campagne électorale efficace. Par conséquent, certains partis ont dû utiliser divers procédés, par exemple en payant les dépenses de campagne en liquide.

Selon Lilia Chibanova, directrice exécutive de l’association Golos (Voix) et observatrice indépendante des élections, en raison de cette pratique il est devenu impossible de déterminer la somme des dépenses des partis politiques pendant la campagne, en commençant par les dépenses en liquide et en terminant par l’argent dépensé pour utiliser les ressources administratives et gouvernementales.

Les médias rapportent sans cesse des cas de vente par certains partis de places dans leurs listes électorales aux hommes d’affaires aisés afin de récolter des fonds. Par exemple, lors des dernières législatives, le parti libéral-démocrate a catapulté des gros sacs à la Douma en les inscrivant dans sa liste. L’ex-homme d’affaires Achot Eguiazarian, premier député de la Douma en exercice qui a quitté le pays pour ne pas être traduit en justice en Russie, était membre du parti libéral-démocrate depuis 1999. De même que Souleïman Kerimov, qui était pendant une certaine période président du comité pour le sport et la jeunesse de la Douma, bien qu’on l’ait rarement vu aux séances parlementaires.

Cette pratique est devenue si répandue qu’en octobre 2007, pendant le congrès de Russie Unie, le président de l’époque Vladimir Poutine a annoncé la séparation du pouvoir du business. Cependant, par exemple, le leader de Russie Juste, Sergueï Mironov, a été récemment contraint de réfuter les accusations de Ludmila Komogortseva, chef du bureau du parti à Briansk (chef-lieu régional à 379 km au sud-ouest de Moscou), qui affirmait que son bureau vendait aux "gros portefeuilles" de Moscou des places dans sa liste régionale.

Les règles du financement des campagnes électorales en Russie ont également été critiquées. Selon les analystes, elles sont opaques et complexes.

Les demandes de financement de la campagne électorale impliquent que les représentants de la sphère des affaires, qui apportent généralement leur contribution via des intermédiaires, sont la principale source de financement des fonds de tous les partis. Pratiquement tous les partis enregistrés, en commençant pas le Parti communiste et en terminant par le parti Patriotes de Russie, ont désigné (quoique anonymement) les investisseurs fortunés en tant que principaux sponsors. Selon les experts, en restant dans l’ombre, le milieu des affaires peut ainsi éviter de faire l’objet de représailles de la part des autorités à l’égard de ceux qui financent les partis et les candidats qui ne jouissent pas des faveurs du Kremlin.

"En Russie, le business et la politique ne sont pas séparés, et le Kremlin est hostile au financement des partis minoritaires. Cela pourrait se traduire par des désagréments pour eux", a fait remarquer Nikolaï Petrov, expert du Centre Carnegie de Moscou.

 

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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