Les risques environnementaux liés aux travaux en Arctique

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Le service russe [de la Voix de la Russie] continue son émission. Konstantin Simonov, directeur gé

 


Le service russe [de la Voix de la Russie] continue son émission. Konstantin Simonov, directeur général de la Fondation pour la sécurité énergétique nationale, répond à nos question liées aux gazoducs Nabucco, South Stream et Transcaspien, ainsi qu’aux perspectives de la mise en valeur de l’Arctique. Monsieur Simonov, quels sont les risques environnementaux liés à l’extraction de gaz en Arctique ?

Tout projet d’extraction d’hydrocarbures, notamment dans les zones écologiques aussi fragiles que l’Arctique, comporte certainement des risques environnementaux. Tout le monde le sait. La seule question est de savoir si ces craintes liées à l’environnement doivent freiner le développement des technologies et bloquer l’exploitation des richesses arctiques. Le fait est que les projets arctiques ne sont pas des plans de demain mais ils sont déjà mis en œuvre. Je rappelle qu’en 2011 la Russie commence à exploiter l’un des gisements. Le Canada et les Etats-Unis exploitent depuis bien longtemps des gisements en Arctique. La Norvège produit déjà le gaz naturel liquéfié dans le cadre du projet Snøhvit (Blanche Neige) qui est également mis en œuvre en Arctique. La Russie se prépare actuellement à mettre en œuvre le projet Chtokman qui prévoit également l’extraction de gaz en Arctique. Finalement, même si le dernier contrat signé entre Rosneft et Exxon Mobil ne prévoit les forages de prospection qu’en 2015, il signifie tout de même que la Russie se prépare à extraire des minerais dans la mer de Kara. Pourquoi cela se passe-t-il ? Les hydrocarbures sont abondants dans le monde, en particulier le pétrole et le gaz. Mais les gisements des hydrocarbures faciles à extraire s’épuisent progressivement. Ainsi l’humanité se voit-elle obligée d’extraire des hydrocarbures dans des zones géologiques extrêmement compliquées. Il n’est pas seulement question de l’Arctique. Prenez l’exemple du plateau continental en eau profonde du Brésil, ou les sables bitumineux de la province canadienne d’Alberta, ou encore la Sibérie orientale russe. Tous ces projets sont très compliqués. Mais l’humanité n’a pas le choix. Les hommes deviennent de plus en plus nombreux, ils veulent vivre dans des conditions décentes, ils ont donc besoin d’hydrocarbures. Ainsi, le dilemme bien connu, à savoir le choix entre l’environnement et l’énergie, n’est-il plus à l’ordre du jour aujourd’hui, au XXIe siècle, sous cette forme simpliste : soit on préserve la nature, soit on extrait des hydrocarbures.

Aujourd’hui il est possible, en fait, d’extraire des hydrocarbures, notamment en Arctique, tout en respectant les normes environnementales les plus strictes. Certes, l’histoire de l’industrie pétrolière est jalonnée de catastrophes écologiques graves. Mais ce qui est curieux, c’est qu’elle ne se soient pas passées en Russie. Il suffit d’évoquer l’accident, de funeste mémoire, de la plate-forme de la société British Petroleum dans le golfe du Mexique. Toutefois, je répète que suite à cet accident la Russie a formulé plusieurs initiatives très concrètes. Le président russe Dmitri Medvedev a notamment formulé l’idée de l’assurance conjointe des risques environnementaux au niveau mondial. Je reprends l’exemple de la mer de Kara : le premier forage de prospection n’y commencera que d’ici 4 ans. Ce délais permet largement de consulter les écologistes pour décider avec eux de la mise en valeur de l’Arctique en tenant compte des risques environnementaux. Le problème est que l’écologie joue souvent le rôle de matraque servant à anéantir les nouveaux projets, mais il est impossible d’arrêter le développement de l’Arctique. Qui plus est, la Russie contracte de son plein gré des engagements écologiques. Je rappelle, que la Russie a initié le projet de collecte de déchets accumulés en Arctique dès l’époque soviétique. Par ailleurs, la Russie a formulé le projet d’assurance conjointe des risques environnementaux au niveau mondial. Il existe donc des solutions visant à minimiser les risques environnementaux en Arctique. Mais malheureusement, dès que des projets d’extraction d’hydrocarbures sur le plateau continental apparaissent, nous voyons instantanément surgir des écologistes qui se mettent à fustiger ces projets en suivant leur schéma habituel. Ils évoquent chaque fois les mêmes animaux, en brandissant notamment les menaces pour les baleines. Or, souvent les baleines ne vivent même pas dans les zones d’extraction. Le cas des baleines de l’île Sakhaline est bien typique : tout le monde a entendu parler de baleines grises dans le cadre du projet Sakhaline, alors qu’en réalité la majorité des baleines grises ne vit pas du tout près des zones où le projet est mis en œuvre.

Certes, loin de moi l’idée de négliger l’environnement et de déclarer : « L’humanité a besoin de pétrole et de gaz, oublions donc l’écologie arctique. » Là n’est pas la question. J’invite seulement à éviter l’autre extrême et à ne pas déclarer que le projet tuera les baleines, les otaries, tous les poissons et l’Arctique tout entière, car c’est un écosystème extrêmement fragile. Certes, l’ecosystème arctique est fragile. Mais cela ne veut pas dire qu’il est actuellement impossible d’extraire des hydrocarbures tout en respectant les normes environnementales les plus strictes. Cette extraction est possible et faisable, cette tâche est parfaitement réalisable.

Monsieur Simonov, quelle sont les perspectives du passage maritime russe du Nord-Est ?

Le passage du Nord-Est est un sujet très intéressant. D’une part, le réchauffement climatique est un phénomène bien désagréable. Certes, ses effets n’ont pas été entièrement élucidés, mais on sait déjà que les calottes glaciaires reculent. Cela permet d’envisager le développement de nouvelles routes maritimes, y compris du passage du Nord-Est. Les avantages du passage du Nord-Est sont assez faciles à comprendre. Il permet de réduire considérablement les délais d’acheminement de frets, notamment en provenance de la Chine et à destination de l’Europe, et vice versa. Il suffit de comparer les distances parcourues par les pétroliers qui empruntent le passage du Nord-Est aux autres itinéraires. Il s’avère alors qu’en transportant des frets de Mourmansk au Japon sans emprunter le passage du Nord-Est, un navire parcourt près de 13.000 milles marins. Or, l’utilisation du passage du Nord-Est ramène cette distance à moins de 6.000 milles marins. Ces économies sont valables pour tous les itinéraires. Ainsi, la navigation par cette voie reliant l’Europe à l’Asie paraît-elle assez rentable. Toutefois, nous évoquons actuellement le passage du Nord-Est dans le contexte de la mise en valeur de l’Arctique. Etant donné que plusieurs grands projets d’extraction d’hydrocarbures sont en train d’être lancés en Arctique, le passage du Nord-Est représente un itinéraire logique d’acheminement de gaz et de pétrole par des pétroliers sur le marché asiatique. D’autant plus que l’Asie peut se prévaloir d’une demande croissante en raison, notamment, de l’abandon de l’énergie atomique et de son développement économique.

Nous constatons donc que la distance, dans ce cas de figure, est divisée par deux. Ainsi est-il évident que le passage du Nord-Est est un projet intéressant. Certes, personne ne songe à nier que le passage du Nord-Est est une route difficile, principalement en raison des banquises. Car en dépit du réchauffement climatique, les banquises sont toujours là, et la question est de savoir s’il est possible d’organiser une navigation 12 mois par an, sans l’aide des brise-glace. Car les services des brise-glace coûtent cher. Néanmoins, la Russie annonce un programme assez ambitieux de développement de sa flotte atomique. A ce propos, la Russie a toujours été et demeure le premier pays du monde en termes de brise-glace atomiques. Mais elle envisage de construire non seulement des brise-glace atomiques, mais également des brise-glace à propulsion diesel. Tout ne se réduit donc pas à l’utilisation des puissants brise-glace atomiques. Toutefois ce programme existe, et d’ici 2020, au moins trois brise-glace atomiques de nouvelle génération seront mis à l’eau. Leur flotte sera complétée par plusieurs brise-glace à propulsion diesel. Ainsi, le processus de renouvellement de la flotte russes sera poursuivi. A noter qu’aujourd’hui, la Russie utilise déjà six brise-glace atomiques, alors que les autres pays n’en ont pratiquement pas. La Chine, par exemple, ne dispose que d’un seul brise-glace atomique, qui a, d’ailleurs, été acheté à l’Ukraine après l’effondrement de l’URSS, et qui est pour ainsi dire in extremis.

En termes de transport, la prééminence russe en Arctique paraît indiscutable, et elle ira croissant, et le passage du Nord-Est sera, en fait, remis en service. Certes, la question du coût du transit demeure. Mais au fur et à mesure que la flotte atomique se développera, ainsi que la flotte des brise-glace en général, et que la calotte glaciaire arctique reculera, j’estime que le passage du Nord-Est deviendra de plus en plus intéressant. Quoi qu’il en soit, le fait que l’utilisation du passage du Nord-Est permette de diviser la distance par deux, rend le projet pour le moins digne d’intérêt.

Monsieur Simonov, quels sont, en bref, les nouveaux équipements et les nouvelles technologies d’exploitation des gisements arctiques d’hydrocarbures ?

Il est très difficiles de les décrire rapidement. Nous avons malheureusement un poncif selon lequel l’industrie pétrogazière est un secteur extrêmement archaïque où il suffit de piocher la terre avec une pelle pour en voir sourdre le pétrole. Malheureusement, ou heureusement, c’est loin d’être le cas. L’industrie pétrogarière moderne est un secteur sérieux et ambitieux, et ce secteur utilise des technologies absolument inédites. Je répète souvent que la mise en valeur de l’Arctique est un projet tout aussi grandiose sur le plan technologique que la conquête de l’espace. Et je n’exagère point. Prenons, à titre d’exemple, la prospection géologique. Elle s’effectue notamment sur des fonds marins et dans des conditions climatiques difficiles. Elle se fait en particulier dans des zones où les températures atteignent moins trente ou moins quarante degrés, voire encore moins. On y utilise des machines qui ressemblent aux robots lunaires, qui servaient à une époque à explorer la Lune. L’exploration de Mars et d’autres planètes s’effectuera dans le futur à l’aide de machines similaires. Ainsi, la première difficulté est liée à la prospection géologique. La deuxième est liée à la concurrence de deux concepts actuels. Le premier préconise l’extraction d’hydrocarbures à l’aide de plate-formes, alors que le second met l’accent sur l’extraction sous-marine. Les deux technologies sont intéressantes, et les deux impliquent des solutions technologiques d’une complexité exceptionnelle.

Quant au projet russe de Razlomnaïa, il prévoit l’utilisation d’une plate-forme qui a déjà été construite. La plate-forme résistante aux banquises sera mise en service dès cette année. Il s’agit d’un véritable monstre de plus de 120 mètres de haut. La plate-forme est conçue pour résister aux vagues locales pouvant atteindre 12-13 mètres. Le projet est donc extrêmement compliqué sur le plan technologique. Il en est de même pour le projet Chtokman. Il prévoit l’extraction de gaz en mer. Ce gaz sera ensuite acheminé vers la côte, à partir de laquelle il sera transporté via un gazoduc ou alors il faudra y construire une usine de liquéfaction de gaz. Cette tâche est également assez compliquée. L’autre possibilité est celle pour laquelle a opté la Norvège : les Norvégiens n’utilisent pas des plate-formes pour extraire le gaz. Ils ont construit un réseau extrêmement complexe de gazoducs pour relier les gisements à la côte. Or, cela nécessite des systèmes de contrôle de processus incroyablement sophistiqués. Les Norvégiens possèdent un système sous-marin colossal d’extraction de gaz et de son transport vers la côte. Et ce processus doit être contrôlé. N’oublions pas non plus que ce système doit fonctionner sur les fonds marins arctiques, avec leur climat rigoureux. Et cela concerne toute la chaîne de prospection-extraction-transport-livraison au client. A une époque, l’industrie métallurgique a été amenée à résoudre une tâche extrêmement compliquée : il a fallu créer une variété spéciale d’acier capable de résister aux conditions climatiques de l’Arctique.

On cherche actuellement à résoudre le problème lié au transport dans les glaces du gaz naturel liquéfié (GNL) extrait dans le cadre du projet Iamal-GNL. La complexité de cette tâche est également exceptionnelle, car personne au monde n’a encore jamais effectué le transport de GNL dans les glaces. Mais il faudra bien résoudre ce problème. Ainsi, nous voyons toute une série de problèmes compliqués liés à toutes les phases du processus, mais ils sont en passe d’être résolus. J’ai seulement cité quelques exemples de technologies de pointe utilisées déjà lors de la mise en valeur de l’Arctique. Or, il y en a d’autres. Ainsi, l’exemple de l’Arctique démontre d'une manière évidente que le complexe pétrogazier moderne est loin d’être archaïque et primitif, ce n’est pas le creusage de la terre avec une pelle mais une industrie extrêmement compliquée qui attire, tel un aimant, les innovations utilisées dans les secteurs connexes, à savoir les constructions mécaniques, la métallurgie et les constructions navales. Tous ces secteurs connexes sont amenés à résoudre toute une série de problèmes en trouvant des solutions innovantes et inédites.

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