Plan franco-allemand de sauvetage de l'euro: l'Europe se soumet

S'abonner
A l’issue de la rencontre franco-allemande entre le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel qui s’est tenue lundi à Paris, l’Europe a aujourd’hui un dirigeant suprême surnommé Merkozy qui la conduira au sommet fatidique de l’UE prévu à Bruxelles à la fin de la semaine.

A l’issue de la rencontre franco-allemande entre le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel qui s’est tenue lundi à Paris, l’Europe a aujourd’hui un dirigeant suprême surnommé Merkozy qui la conduira au sommet fatidique de l’UE prévu à Bruxelles à la fin de la semaine. La rencontre de Paris a tout de même permis d’élaborer pour le sommet le plan de sauvetage de la zone euro convenu par les deux puissances européennes. Les marchés triomphent et l’euro respire calmement.

La démocratie est hors de prix

L'élaboration du plan franco-allemand a duré plusieurs semaines. Il était clair pour le début de la rencontre des dirigeants français et allemande qu'il fallait instaurer un plafond absolu et immuable de la dette publique pour tous les pays de la zone euro. La question était seulement de savoir ce qu’il fallait faire des pays membres indisciplinés.

L’idée allemande était évidente: créer un organisme punitif spécial à Bruxelles, au sein de la Commission européenne. Un organisme supranational disposant du droit, sans rien avoir à demander à personne, d’infliger des amendes aux pays qui tenteraient tout de même de dépasser le plafond de la dette publique. Tout simplement puiser de l’argent dans leur budget pour le transférer dans les organismes financiers européens.

L’idée française suggérait que les Allemands avaient péché par excès de discipline. Sarkozy proposait d’approuver les sanctions financières par consensus entre les 25 pays membres de l’UE. Bien que son idée paraisse sensée, étant donné que ces 25 membres devront d’abord approuver à Bruxelles le plan élaboré lundi à Paris, finalement Sarkozy a reconnu qu’il était impossible de se passer de l’approche allemande.

Merkel a même réussi à convaincre Sarkozy que, le cas échéant, le traité de Lisbonne (la constitution de l’UE) pouvait être révisé, et en cas de difficulté un accord approprié serait signé par les 17 pays membres de la zone euro.

Les mesures disciplinaires drastiques auraient été impensables il y a seulement deux ou trois ans. Jamais les deux principaux pays de l’UE ne se seraient permis de soumettre les plus "faibles" à leur volonté aussi ouvertement. Jamais ils ne les auraient privés aussi brutalement du droit de disposer de leurs propres budgets. Mais aujourd’hui, la majorité des autres pays européens a déjà déclaré qu’ils étaient impatients d’adhérer à Bruxelles au plan de Paris. Et tout se passerait bien si ce plan n'avait pas besoin d'être approuvé par les parlements.

Les mesures strictes nécessaires aux économies européennes s’adaptent mal aux jeux politiques et autres notions démocratiques, de la même manière qu’un urgentiste aura du mal à sauver son patient s'il lui demande à chaque fois l'autorisation d'effectuer tel ou tel geste médical. Néanmoins, les notions politiques ont beaucoup influencé l’adoption du plan franco-allemand. Le fait est que Sarkozy est de nouveau candidat à la présidentielle au printemps 2012, et son principal opposant (qui a toutes les chances selon les sondages) François Hollande l’accuse d’avoir "cédé la souveraineté de la France aux Allemands."

Comment agir autrement si l’Allemagne a de l’argent, et pas la France, mais les Allemands n’accepteraient d’aider les autres pays européens que si quelqu’un (par exemple la Commission européenne à Bruxelles) veillait au respect de l’ordre. D’autant plus que Merkel participe la tête de son parti aux élections législatives l’année prochaine.

Deux pays européens ont déjà reconnu que dans le contexte d’une catastrophe économique, la démocratie n’est pas le meilleur conseiller pour la gestion de crise. Actuellement, la Grèce et l’Italie sont dirigées par des premiers ministres au-delà des partis, des professionnels. Il serait intéressant de savoir si Merkel et Sarkozy accepteraient de reconnaître que la crise en Europe est si grave que leurs pays pourraient suivre l’exemple des Grecs et des Italiens. Et qu’en est-il des autres gouvernements européens?

La situation est-elle si grave? Désormais, oui

Il est difficile pour quelqu’un d'étranger à l’Europe de comprendre pourquoi l’UE qui a été frappée par la crise relativement longtemps auparavant doit précisément cette semaine, avant Noël, adopter ce plan auquel ont travaillé d’arrache-pied lundi dernier les deux mini-superpuissances européennes.

Dans cette situation, une vision étrangère, par exemple américaine, peut aider à comprendre. D’ailleurs, Timothy Geithner, secrétaire au Trésor américain, est actuellement en Europe et y restera jusqu’au sommet de l’UE, car l’état de santé de l’Union européenne a également une importance cruciale pour les Etats-Unis.

L’UE a déjà organisé plusieurs sommets de crise, mais actuellement la situation est proche du point critique. Le magazine américain Foreign Policy décrit succinctement et clairement la situation. Les crises sont d’abord lentes, puis s’accélèrent et vont très vite, car tous les acteurs les accélèrent par leur comportement tout à fait logique.

Par exemple, les particuliers et les représentants des milieux d'affaires craignent que leurs épargnes et leurs dépôts ne soient gelés ou dévalués, et pour cette raison ils retirent leur argent (dans le cas présent de la zone euro). Lorsqu’ils le font, des gens perdent leurs emplois et leur pourvoir d’achat, ce qui freine l’économie et le remboursement des dettes. En revanche, cela ranime les syndicats avec leurs revendications, par conséquent les perspectives de rentabilité des entreprises se détériorent et l’argent part encore plus rapidement.

En novembre, cela faisait quatre mois que les investissements en Europe se réduisaient, d’ailleurs se profile à l’horizon cette même accélération lorsqu’il faut crier "à la garde."

Mais la garde ne vient pas. En principe, la solution est simple: les forces extérieures et l’argent extérieur doivent venir sauver l’Europe. De toute manière elle ne pourra plus le faire par ses propres moyens, elle a déjà fait ce qu’elle a pu. Jusqu’à présent, les sommets de l’Union européenne parlaient de l’augmentation des réserves communes de l’UE pour le rachat tantôt de la seule Grèce, tantôt de l’Irlande, tantôt de l’Islande. Or, cette réserve ne suffirait pas pour l’Italie ou l’Espagne, sans parler de l’Europe tout entière. La sauver signifie donner de l’argent à ses banques. Les banques européennes achetaient majoritairement les obligations de dette des Etats européens, par exemple 500 milliards d’euros de la dette publique de l’Italie. Elles sont fatiguées d’en acheter.

La solution a été clairement indiquée lors du récent sommet du G20 à Cannes. Les nouvelles économies émergentes, par exemple la Chine, étaient capables de sauver l’Europe directement ou via le Fonds monétaire international (FMI). Et récemment, pour le plus grand plaisir des Brésiliens, une mission du FMI s’est rendue au Brésil pour demander de l’argent pour racheter les dettes des pays européens.

Il ne reste plus qu’à observer la réaction de tous les acteurs du rassemblement de crise à Bruxelles pour comprendre quel était l’objectif initial de ce plan. Que tout le monde l’approuve ou au contraire, qu'un groupe de pays européens se démarque et quitte délibérément la zone euro pour ne pas subir le joug franco-allemand? L’idée de la révision du traité de Lisbonne suggère clairement une telle éventualité.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала