L'ABM israélien: un système peu efficace au coût exorbitant

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Le week-end dernier, le système israélien de défense antimissile (ABM) des quartiers urbains, le "Dôme de fer", a subi un nouveau test de résistance. Une attaque de missiles en provenance du territoire palestinien parée à seulement 30% suscite des doutes quant à l’efficacité opérationnelle et économique des intercepteurs de missiles israéliens.

Le week-end dernier, le système israélien de défense antimissile (ABM) des quartiers urbains, le "Dôme de fer", a subi un nouveau test de résistance. Une attaque de missiles en provenance du territoire palestinien parée à seulement 30% suscite des doutes quant à l’efficacité opérationnelle et économique des intercepteurs de missiles israéliens.

L’attaque de samedi

Vendredi, l’armée de l’air israélienne a lancé une attaque contre la bande de Gaza, qui a permis d’éliminer le chef des Comités de résistance populaire Zouheir al-Qaïssi et un de ses collaborateurs Mahmoud Hanani, accusés de former les mouvements terroristes.
Les mouvements radicaux palestiniens ont riposté par un "Shabbat" de missiles.

Le week-end dernier, près de 120 missiles ont été lancés contre les quartiers juifs, principalement des roquettes artisanales de type Kassam, ainsi que des missiles de 122mm identiques à ceux qui équipent les lance-roquettes multiples soviétiques BM-21 Grad.

Un événement similaire s’est produit en 2006, pendant la deuxième guerre du Liban.
A l’époque, en 34 jours près de 4.000 missiles de divers calibres ont été tirés contre des colonies israéliennes.

Cette attaque était une autre épreuve pour le système ABM baptisé "Dôme de fer", qui couvre certains quartiers urbains au sud d’Israël depuis 2011. Les trois batteries ont plutôt honorablement rempli leur mission: elles ont abattu 27 missiles sur les 29 qui menaçaient les quartiers résidentiels.

Mais il n’existe que trois batteries, et les autres missiles ont réussi à atteindre leurs cibles.
La nouvelle attaque de missiles a remis à l’ordre du jour l’ABM de courte portée pour protéger des sites civils sur le territoire palestinien.

Israël a besoin d’un parapluie de toute urgence

Israël est un Etat très compact. Etant donné l’impossibilité d’éliminer les extrémistes sur les territoires arabes, Tel-Aviv est confronté aux attaques de missiles contre les quartiers résidentiels juifs. Mais cela ne signifie pas qu’il se résigne à subir ces frappes.

Pour commencer, les expériences de mise en place d’un ABM de courte portée paraissaient futuristes. Dans le cadre du projet Nautilus, en 1996 un dispositif destiné à détruire les missiles avec un rayon laser a été créé. Dans les années 2000 a été conçue une version plus sophistiquée, le système Skyguard, développé par la société américaine Northrop Grumman en étroite collaboration avec les Israéliens. Après les essais, sa production en série n’a pas été lancée pour de multiples raisons.

A cet égard, en se référant à plusieurs experts (y compris Oded Amichai, ancien spécialiste en chef de Rafael, expert en laser), la presse israélienne écrit que cette décision a été prise sous la pression du lobby militaro-technique israélien qui ne voulait pas que les grands contrats partent à l’étranger.

Quoi qu’il en soit, au milieu des années 2000, les militaires israéliens ont renoncé au laser et ont opté pour des missiles intercepteurs. C’est alors qu’est apparu le système Dôme de fer (Kipat Barzel), dont les trois premières batteries ont été déployées en Israël en 2011. Il était présenté comme une panacée contre les missiles des terroristes arabes.

De par sa structure, il s’agit d’un système sol-air de courte portée (la portée maximale officiellement annoncée était d’abord de 40, puis de 70km) destiné à intercepter des missiles non guidés et des obus d’artillerie grâce aux missiles intercepteurs Tamir.

Le système coûte très cher : Israël a dépensé 205 millions de dollars (à vrai dire, il s’agit d’une partie de l’aide militaire américaine) pour son élaboration, et chaque batterie du Dôme est estimée à 50 millions de dollars, sans tenir compte du coût des missiles.

Le système de contrôle impliquait son affectation à une carte zonée du territoire et le calcul des paramètres balistiques de la cible potentielle : le système se déclenchait seulement si selon les calculs de la trajectoire les missiles visaient une région habitée.

Les tarifs d’une guerre de missile

Le prix d’un missile intercepteur Tamir demeure confidentiel. Les chiffres officiels fournis parcimonieusement par les militaires avoisinaient les 40-45.000 dollars. Cependant, beaucoup d’experts israéliens faisaient remarquer qu’il n’était possible d’arriver à un tel chiffre qu’en produisant des intercepteurs en grande série, et c’est plutôt une estimation minimale des dépenses que leur coût attendu.

A l’heure actuelle, selon les évaluations indépendantes qui circulent dans la presse israélienne, un Tamir revient à l’armée israélienne entre 50.000 et 100.000 dollars. Sachant que deux missiles sont nécessaires pour détruire une cible, le prix de l’interception d’un Kassam ou d’un missile Grad devient plus qu’excessif.

Le contraste est d’autant plus notable quand on compare la politique de défense israélienne et le caractère économique de la guerre de position des Palestiniens. La roquette Kassam typique est faite d’éléments suivants. Premièrement, un tuyau de canalisation. Deuxièmement, du "combustible" – mélange de sucre et d’engrais agricoles. Troisièmement, la "charge" - mélange de TNT avec d’autres engrais, muni d’un détonateur primitif.

Ce "chef-œuvre high-tech" ne coûte que 200-500 dollars à son créateur. Pour les perfectionnistes qui ne veulent pas utiliser cette arme "de haute précision", depuis 2008 on importe des missiles de 122 mm, qui sont des descendants des munitions du Grad soviétique.
Un tel missile vaut environ 1.000 dollars, "frais de port " inclus. Leur précision laisse à désirer, mais il est tout à fait possible de toucher un quartier résidentiel.

De cette manière, l’interception coûte à Israël bien plus que l’attaque des Palestiniens. En effet, c’est cher, conviennent les militaires et les politiciens de Tel-Aviv, mais la sécurité de la population prime tout le reste. Le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a même déclaré que les Tamir devaient être achetés par dizaines de milliers pour être efficaces.

En parallèle avec les commandes du système de moyenne portée (la Fronde de David) et les intercepteurs à moyenne portée Arrow, Ehud Barak a estimé les dépenses totales de l’ABM israélien à 7-8 milliards de dollars. La presse israélienne est plus sceptique : elle parle déjà de chiffres atteignant 50 milliards de dollars pour ce projet.

Israël ne dispose pas d’une telle somme, même en tenant compte de l’aide généreuse des Etats-Unis. Mais ce n’est pas même pas le fond du problème.

L’éthique de la défense antimissile

L’un des épisodes les plus compliqués du déploiement du Dôme de fer était l’histoire de la protection des colonies adjacentes au mur qui sépare le secteur arabe de Gaza d’Israël.

En décembre 2010, la presse israélienne a obtenu des informations d’une source anonyme au sein du commandement de l’armée de l’air. Selon cette source, il est très difficile d’utiliser le Dôme au-dessus de Gaza, car le temps minimal de réaction opérationnelle du système d’interception et d’accompagnement de cible suivi du lancement d’antimissiles et leur vol varie entre 15 et 30 secondes. Cependant, comme le fait remarquer la source, les missiles artisanaux palestiniens ne mettent que 15-30 secondes pour atteindre les colonies juives près de la bande de Gaza. Ainsi, il est insensé d’utiliser le système pour défendre ces territoires.

Finalement, le Dôme de fer n’a pas été déployé à la frontière de la bande de Gaza : ses batteries, hormis celle de Beer-Sheva plus éloignée, couvrent pour l’instant seulement Ashdod et Ashkelon, qui ne sont pas contiguës à la frontière avec le territoire arabe.

Il est à noter que l’efficacité de la défense de Sderot (une région longtemps étudiée en vue du déploiement des batteries, où ce système a commencé à être testé mais n’a jamais été mis en service) est également remise en doute, en raison du fait que la ville est située à proximité des positions de lancement de missiles.

Le conseil régional d’Eshkol, dont les territoires sont restés sans défense, a porté plainte en justice contre cette décision et a exigé le déploiement de ce système pour assurer la défense des territoires frontaliers avec la bande de Gaza. En août 2011, la Cour suprême d’Israël a rejeté cette plainte, sans donner de précisions, en déclarant : "pour des raisons financières, de sécurité et vu les particularités d’exploitation opérationnelle".

Pourquoi le Dôme de fer n’a pas réussi à remplir la mission pour laquelle il a été conçu (la protection des colonies juives à portée directe des territoires palestiniens)? La réponse se cache peut-être dans le fait que pendant l’élaboration du système ce n’était pas la priorité.

Ainsi, en automne 2010, le général Gadi Eizenkot, commandant de la zone nord (actuellement candidat éventuel au poste du chef d’état-major de Tsahal, l’armée de défense d’Israël) a démoli la pub de plusieurs années menée autour du Dôme de fer.

"La population israélienne ne doit pas se consoler avec l'illusion que quelqu’un ouvrira un parapluie au-dessus de leurs têtes, a ouvertement déclaré le général. Le système a été développé pour la protection des sites militaires, même si cela signifie que les civils seront touchés pendant les premières journées des opérations".

Cette déclaration a remis beaucoup de choses à leur place, y compris la genèse de la promotion du Dôme de fer. Il n’était possible d’obtenir des fonds pour un tel programme qu’en stimulant le public par l’accomplissement d’une tâche d’importance nationale. Or en Israël on est très sensible aux problèmes de la sécurité des territoires frontaliers, où on entend régulièrement les alertes d’attaque de missile, et certains sont directement affectés.

Au final, Tsahal dispose d’un bon système de défense contre les missiles non guidés et les roquettes d’artillerie. Et le fait qu’il puisse parfois être utilisé également pour protéger des sites civils est un résultat positif secondaire du programme. Et s’il n’était pas destiné à la protection des quartiers résidentiels, au moins en paroles, il n’aurait probablement jamais été suffisamment financé.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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