L’ensemble du monastère de la Résurrection de la Nouvelle-Jérusalem

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L’ensemble du monastère de la Résurrection de la Nouvelle-Jérusalem - Sputnik Afrique
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Je ne parviens pas à comprendre pourquoi quiconque se rend au monastèrede la Résurrection de

Je ne parviens pas à comprendre pourquoi quiconque se rend au monastèrede la Résurrection de la Nouvelle-Jérusalem a l’impression de s’avérer dans un conte : un conte ou un « jeu d’autres mondes ». On le ressent en passant par un pont fragile sur un fossé. En voyant courir en bas un ruisseau on se demande : qui a creusé ce fossé profond ? Où conduisent les portes qu’il est difficile d’ouvrir ? On descend un escalier raide avant de pénétrer dans l’immense salle souterraine : c’est l’église Saints Hélène et Constantin, mère et fils ayant cru en Jésus Christ et ayant initié à la foi l’Empire romain des plus puissants au monde. L’église souterraine et l’ensemble du monastère sont construits sur ordre du patriarche Nikon.  

Nikon devient célèbre grâce à un lot de terre qu’il achète comme un village Voskressenskoïé qu’il transforme ensuite en un Disneyland évangélique du 17ème siècle. Un royaume et un guide de l’histoire du Christ. Nikon reproduit à cent kilomètres de Moscou le Calvaire, Bethléem, le Jardin de Gethsémani, un désert ou le diable tente Jésus. Nikon rappelle, dans cet ordre d’idée le prince russe ancien Andrei Bogolioubski à cette seule différence que pour le prince la vie du Christ est une histoire d’hier alors que pour le patriarche Nikon – c’est une légende ancienne. 

Le patriarche Nikon vit au 17ème siècle. Né en 1605 dans une famille paysanne mordve dans le village Veldemanovo près de Nijni Novgorod, il vit près de 76 ans. Son ennemi idéologique l’archiprêtre Avvakoum prétend que Nikon n’est jamais Russe d’esprit. Il est clair depuis son adolescence qu’il est élu.  Il ne s’intéresse qu’aux offices à l’église. La mère du futur patriarche est morte dès qu’il est enfant. Son père se marie pour la seconde fois. Les rapports de Nikita (nom laïque de Nikon) avec sa belle-mère sont compliqués. Il en résulte qu’à l’âge de 12 ans le garçon s’enfuit pour s’abriter au monastère Saint Macaire de Jeltovodsk. Il y passe sept ans avant de se marier à la demande de son père en adoptant, cependant, le titre de prêtre. A l’âge de 21 ans Nikon est nommé prêtre d’une paroisse moscovite. Il sait lire couramment et connaît même des extraits de l’Evangile : une érudition inouïe pour les prêtres blancs du 17ème siècle. Les enfants de Nikon sont morts l’un après l’autre. Il n’a pas d’héritier à l’âge de 31 ans. C’est un signe lui annonçant que sa vocation est ailleurs. Nikon persuade sa femme de prendre l’habit et en fait de même dans un monastère à Solovki. Un moine docile devient un propagateur passionné ayant le penchant obsédant pour les livres. Il traduit du grec les sermons des moines du Mont Athos. Il entre en conflit avec le supérieur du monastère. Nikon s’enfuit à nouveau pour s’abriter dans un autre monastère nordique où il se montre énergique et autoritaire. Il est difficile d’expliquer l’élan de sa carrière : Nikon franchit en quatre ans la voie du moine au supérieur.  

Fait révélateur : il s’intéresse à l’architecture et érige un nouveau bâtiment du monastère. En 1646 Nikon se rend à Moscou chez le tsar Alexei Mikhaïlovitch récemment intronisé et très croyant. Le jeune tsar, 17 ans, est impressionné par l’higoumène Nikon et demande le lendemain au patriarche Joseph de lui attribuer la dignité d’archimandrite du nouveau monastère du Sauveur (Novospasski) et de le laisser à Moscou. Le patriarche Joseph est depuis ce moment l’ennemi numéro un de Nikon.  .

C’est ainsi que commence l’élan impétueux de Nikon. L’archimandrite réunit un cercle informel des « partisans de la piété » auquel adhère par la suite l’archiprêtre Avvakoum. Nikon envisage en Russie un Etat théocratique à l’instar du Saint siège. Or, ce ne sont pour le moment que des idées abstraites.

Nikon réunit autour du tsar les supérieurs des deux plus belles cathédrales de la Place rouge. Le confesseur du tsar Alexei : l’archiprêtre de la cathédrale de l’Annonciation du Kremlin Stefan Vonifatievitch, le boyard Fedor Rtichtchev, économe de la cour responsable des finances du Kremlin, l’archiprêtre de la cathédrale de la Vierge de Kazan, Jean Neronov, un homme mystique. Ces hommes instruits se proposent d’expliquer aux prêtres ce qui se produit pendant la Divine liturgie. Pour les prêtres blancs l’Evangile est une histoire banale, ils ne pénètrent pas dans son sens secret ce qui rend Nikon perplexe. Il propose qu’ils prêchent depuis le pupitre à l’instar des catholiques. L’essentiel, c’est ce que Nikon souhaite corriger les extraits obscurs ou inexacts dans les livres théologiques. Le tsar Alexei Mikhaïlovitch est frappé l’idée de renaissance de l’histoire biblique chez lui à Moscou. Nikon avance alors la thèse d’un Etat ecclésiastique. Il se rend tous les vendredis chez le tsar et lui donne des conseils. Les rapports de Nikon avec le patriarche sont mauvais mais ce dernier ne peut rien faire, le jeune tsar prêtant attention à tout ce que dit Nikon. Or, l’archimandrite énergique ne s’en contente pas. Il aspire au pouvoir en tant qu’instrument de remédier aux péchés et de corriger les erreurs. Le 11 mars 1649 Nikon saisit l’occasion de donner un nouvel élan à sa carrière. Le patriarche de Jérusalem Paisii arrive à Moscou. L’archimandrite vient lui baiser la main en demandant sa bénédiction. Le lendemain le patriarche de Jérusalem élève, à la demande du tsar et au mépris du métropolite de Moscou, Nikon en dignité de métropolite de Nijni Novgorod et de Vélili Louki. Nikon a maintenant tout le nécessaire pour appliquer ses idées. Il se prépare aux grands changements. Le patriarche Joseph décède Jeudi Saint : le 15 avril 1652. Il ne reste plus d’obstacles pour le métropolite de Nijni Novgorod. Le 25 juillet 1652 Nikon accède solennellement au patriarcat de Moscou et de toutes les Russies. Il convient d’évoquer l’interprétation curieuse de cet événement par les historiens occidentaux. Nikon invente la cérémonie d’intronisation. Il estime nécessaire le consentement du tsar aux promesses religieuses et canoniques du patriarche de servir honnêtement le peuple russe. C’est un serment pour une large part formel, personne n’écoute le texte. Le tsar acquiesce au moment convenu et Nikon prononce soudain : « Je jure de ne jamais m’ingérer dans les affaires laïques tout comme le monde ne s’ingérera pas non plus dans les affaires de l’Eglise ». C’est original. Il ne reste au jeune Alexei le Silencieux que d’acquiescer en donnant l’exemple aux boyards. Ainsi, Nikon contraint le tsar de donner la promesse de ne pas s’ingérer dans les affaires de l’Eglise. En réalité tout se produit un peu autrement. Nikon refuse pendant longtemps d’accéder au patriarcat et le tsar doit le supplier de le faire. Nikon dit qu’il sera supérieur de l’Eglise orthodoxe si le tsar lui obéit. Le jeune tsar accepte ce serment inconcevable pour un autocrate.  Le tsar et tous les boyards donnent ce serment. Nikon est sûr pouvoir réaliser son rêve d’une Jérusalem céleste. Il commence à refaire le monde depuis les livres. Les textes incorrects sont à l’origine d’une morale incorrecte. Nikon essaie de faire correspondre les rites et les livres orthodoxes à la doctrine grecque. Cela marque le début de sa chute. Nikon prescrit en prévision du Grand carême de 1653 de se signer avec les trois doigts bien que l’usage de le faire avec deux doigts est institué en Russie en vertu de l’Acte du Conseil de cent chapitre de 1551. Or, Nikon dit à ses adversaires qu’il prête attention à l’opinion des patriarches orientaux qui reconnaissent l’usage de se signer avec trois doigts. C’est la seconde faute de Nikon. En aspirant à réformer le pays et tout un peuple, il sous-estime la mentalité ou, plus précisément, si vous voulez, l’obstination du peuple. La thèse « Moscou est la Troisième Rome » oppose d’une manière inattendue la province russe à Nikon. Des centaines, des milliers de frères dispersés dans le Nord et en Sibérie se montrent indignés par l’arbitraire de Nikon. L’archiprêtre Avvakoum formule les jugements de ses adversaires. Le monde orthodoxe russe est partagé en vieux croyants et en adeptes de Nikon. Ces derniers : plus dociles remportent la victoire mais à quel prix ?! Nikon voudrait voir le peuple orthodoxe universel au moins d’après son influence.

Selon les historiens, Moscou est depuis longtemps un centre réel d’orthodoxie mondiale. C’est là  la prophétie incarnée sur la Troisième Rome. L’Eglise russe doit être sainte. La splendeur apparente du patriarcat de Moscou est à l’apogée sous Nikon. Les habits et les ustensiles recherchés ornés généreusement de pierres précieuses et de perles reflètent la beauté et la richesse de la cathédrale de l’Assomption. Cependant, l’aspiration du patriarche Nikon à glorifier le Patriarcat porte préjudice au clergé. Le patriarche juge d’une manière autoritaire même les évêques.

Jamais auparavant le clergé moscovite n’est à tel point en proie à la peur que sous Nikon. La cruauté de Nikon est démonstrative. Ses réformes lui nuisent. Les hiérarques offensés sont prêts à se venger à tout moment. Les archiprêtres mécontents de Nikon rejoignent aussitôt les boyards et font front commun contre le patriarche. Tous, ils ne dédaignent pas la dénonciation politique. En 1656 le patriarche Nikon fonde le monastère de la Nouvelle-Jérusalem conçu comme la résidence des patriarches dans la banlieue de Moscou. Or, ce n’est pas un simple monastère. Ce petit village doit devenir centre du monde orthodoxe – c’est là le rêve essentiel du patriarche.

Le monde créé par Nikon est sauvegardé. On monte de l’église souterraine Saints Hélène et Constantin à la cathédrale de la Résurrection au sein de laquelle se trouve une petite église de la Croix. Nikon participe à l’élaboration des projets de construction des églises. Nous ne savons pas les noms des architectes, Nikon est l’architecte numéro un. Un monolithe symbolisant le Saint sépulcre est au centre de la cathédrale de la Résurrection. C’est la copie du Saint Sépulcre de Jérusalem.   

La cathédrale de la Résurrection fait penser à la tour de Babylone peinte par Pieter Boeren Brueghel. La symbiose étrange de l’Eglise et de la Tour est en quelque sorte le mérite architectural de Nikon.

Le Jardin de Gethsémani est aménagé à proximité de la Nouvelle-Jérusalem. La grande coïncidence avec l’histoire évangélique recèle une tentation. On voit ensuite le champ reproduisant le désert de tentations au milieu duquel le Sauveur voit son Père. Le monastère du patriarche Nikon érigé non loin de la rivière du Jourdain ressemble à un château en miniature : un haut bâtiment à deux étages où se trouvent les appartements et l’église de la maison. On descend vers la rivière Istra où se trouve une source sainte marquée par une grande croix en bois. La seconde source plus connue est près du monastère. Plus loin on voit un moulin en bois fait en Hollande. L’homme convaincu que le monde est pénétré de souffrances croit qu’il existe quelque part un pays magique où vivent toujours ses enfants et où ils se rencontreront. Plus tard il lui vient à l’esprit qu’il peut créer un tel pays là où il vit.   

Nikon est, peut-être, le plus grand idéaliste dans l’histoire de l’église orthodoxe russe. Probablement, il se croit au-dessus du tsar. Quoi qu’il en soit, lorsque le tsar cesse de fréquenter les offices célébrés par le patriarche à la cathédrale de l’Assomption du Kremlin, Nikon se sent offensé. Il annonce un jour son intention de suspendre son service patriarcal pour se retirer dans son monastère de la Résurrection. D’aucuns essaient de persuader le tsar que c’est une émeute traduisant la prétention de Nikon au pouvoir. Nikon reste au monastère de la Résurrection pendant six ans. Ce sont des années les plus difficiles et les plus réjouissantes de sa vie. En se promenant dans le Jardin de Gethsémani, il s’imagine l’histoire des Passions du Sauveur en les essayant sur soi.

Cependant, les ennemis de Nikon décident de convoquer une Assemblée locale. Les adeptes de Nikon parviennent à convaincre le tsar que seuls les patriarches des églises orientales ont le droit de juger le patriarche. Les invitations leur sont adressées. Six ans après les patriarches d’Alexandrie et d’Antioche se rendent à Moscou. Le procès commence. Le verdict est paradoxal. L’usage de se signer avec trois doigts est approuvé. Les patriarches acceptent les correctifs apportés par Nikon aux livres de prières russes et décrètent de vouer à l’anathème tous ceux qui les déclinent. Il est décidé de priver Nikon de la dignité de patriarche, d’évêque et de l’exiler dans le Nord. Le verdict est exécuté. Nous ne savons pas comment se comportait Nikon ni ce qu’il éprouvait en ce moment. Il est d’abord au monastère au bord du Lac blanc où il est traité comme le patriarche. Après la mort du tsar Alexei ses adversaires envoient Nikon au monastère Kirillo-Belozerski dont l’higoumène est l’ennemi zélé de Nikon. Le tsar Fedor Alexeevitch autorise Nikon à rentrer dan son domaine : le monastère de la Résurrection. Le patriarche en disgrâce décède en revenant au monastère. Il n’arrive pas cette fois dans son Jardin de Gethsémani. Or, le conte qu’il a créé vit toujours ne fut-ce qu’au sein du monastère de la Résurrection. Mes meilleurs vœux …   

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