Les partis régionaux, cauchemar de la politique russe

Les partis régionaux, cauchemar de la politique russe
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Le président russe Dmitri Medvedev a signé le mardi 3 avril la loi sur les partis politiques. Le document simplifie considérablement la procédure de leur enregistrement. D'ici la fin d'année près de 100 nouveaux partis pourraient faire leur apparition en Russie.

Le président russe Dmitri Medvedev a signé le mardi 3 avril la loi sur les partis politiques. Le document simplifie considérablement la procédure de leur enregistrement. D'ici la fin d'année près de 100 nouveaux partis pourraient faire leur apparition en Russie. On connaît déjà la liste de 68 partis prêts à faire leur entrée dès aujourd'hui sur la scène politique. Mais qu'espèrent ces nouveaux arrivants? Existe-t-il la moindre chance pour ces partis de rester dans la politique, en accédant au moins aux parlements régionaux, à défaut de pouvoir rejoindre la Douma (chambre basse du parlement russe)? Et surtout, existe-t-il encore une idéologie en Russie qui ne soit pas représentée par les organisations politiques existantes?

L'étude détaillée des groupuscules prétendant à l'enregistrement a mis en évidence le spectre entier des courants politiques présents en leur sein: du monarchisme et de l'environnementalisme à la social-démocratie et l'anarchisme. Une seule idéologie n'est pas encore représentée dans cette fourmilière, le régionalisme.

En effet, le régionalisme n'est pas une idéologie, mais plutôt un moyen pour les organisations régionalistes d'atteindre leur objectif. Néanmoins, il y a 7-8 ans, des dizaines d'associations en Russie se réclamaient de cette idée – l'obtention de larges droits pour leur propre territoire. D'ailleurs, pratiquement partout cette exigence était accompagnée du slogan "Nous survivrons sans Moscou!". En fait, il était question de la restructuration de l'ensemble de l'Etat russe et du rejet de sa base, l'hypercentralisme.

A l'époque, les alliances et les blocs régionaux représentaient l'unique véritable force capable de vaincre localement le parti au pouvoir Russie Unie.

Aujourd'hui l'opposition se réjouit de voir Russie Unie n'obtenir que 40-50%, en s'appropriant le mérite d'une telle réussite. Mais en 2004-2007, aux élections régionales le parti au pouvoir se contentait de 20-30% en s'inclinant face aux alliances régionales formées à la va-vite.

Voici seulement quelques exemples des élections législatives régionales. Dans la Région de Sakhaline en octobre 2004, le bloc Notre patrie – Sakhaline et les Kouriles obtenait 20%, contre 17,7% pour Russie Unie. Khakassie, décembre 2004: 23,2% pour Russie Unie, 18,3% pour le parti communiste et 16,7% pour le bloc Khakassie. Mars 2005, Région du fleuve Amour: 17,7% pour le bloc Nous sommes pour le développement de la région de l'Amour, contre 16,6% pour Russie Unie.

L'appellation des blocs ne reflétait pas toujours leur caractère régional, mais parfois personnaliste, comme lors des élections de décembre 2003 dans la région d'Oulianovsk: 27,3% pour Russie Unie contre 11,9% pour le Peuple pour Frolytch. Quelqu'un se rappelle-t-il aujourd'hui qui était ce "Frolytch"?

Plusieurs éléments unissaient tous ces blocs régionaux. Premièrement, ils étaient tous des blocs. Ils rassemblaient des partis minuscules qui n'avaient aucune chance en restant désunis d'entrer non seulement à la Douma, mais également aux parlements régionaux. Illustration parfaite de la prochaine vie de parti en Russie. Le rassemblement en blocs permettait aux partis (ou plutôt à leurs représentants), tels que Volonté du peuple, Parti russe pour la paix, Parti communiste de l'avenir, Eurasie, Slon (Eléphant), etc, d'entrer aux parlements régionaux. De la même manière que Frolytch, personne ne se rappelle aujourd'hui ce qu'étaient ces partis, qui était représenté par eux et qui étaient leurs leaders.

Deuxièmement, des hauts fonctionnaires et des hommes d'affaires qui obéissaient à la volonté des gouverneurs régionaux plutôt qu'aux directives de Moscou faisaient partie de ces blocs. D'ailleurs, à l'époque ce sont des gouverneurs élus qui dirigeaient les régions, et les budgets régionaux dépendaient moins des subventions du centre qu'à l'heure actuelle.

Le durcissement ces dernières années de la législation électorale par le centre fédéral visait précisément à vaincre le régionalisme, et non pas du tout les libéraux, le parti communiste ou autres partis systémiques. Les blocs ont été interdits, puis pratiquement dans toutes les régions le vote par circonscriptions au scrutin uninominal a été abrogé. Toutes les voies légales pour entrer dans la politique ont été fermées aux régionalistes.

Et aujourd'hui, la nouvelle loi sur les partis, aux apparences libérales, ne prévoit pas la possibilité de former des blocs. Les mini-partis resteront livrés à eux-mêmes, au niveau des régions les fonctionnaires et les hommes d'affaires frondeurs ne pourront pas extorquer au centre fédéral des avantages pour eux-mêmes en effrayant le gouvernement avec le spectre du séparatisme, et pour eux le seul moyen d'entrer dans la politique sera, comme aujourd'hui, de devenir membre de Russie Unie avec approbation de leurs candidatures à Moscou.

La norme de "42 et plus" antennes régionales d'un parti (même avec l'annulation du nombre minimal de membres de ce parti dans les sections, mais avec un minimum fixé pour chaque région de 2 délégués pour un congrès constitutif) contribue également à la "consolidation des forces politiques", comme disent les rapports politiques écrits dans la langue bureaucratique.

Mais est-ce que cela signifie qu'une barrière législative est définitivement placée en Russie sur le chemin vers le régionalisme, qui plus est vers le séparatisme? L'expérience mondiale montre que rien n'empêche de créer des alliances suprarégionales.

Le meilleur exemple est la Ligue du Nord italienne, qui prône une large autonomie pour 11 régions du nord (ce qui représente la majorité des 20 régions de l'Italie), et dont les députés arrivent régulièrement à entrer dans les organismes législatifs locaux et au Parlement européen. Peut-on imaginer en Russie un parti en faveur, par exemple, de la sécession de la Russie d'avec le Caucase du Nord (or ceux qui professent cette idée font partie de la liste de nouveaux partis)? Et ils pourraient facilement former des sections dans 60 et même 70 régions du pays.

De la même manière, rien n'empêche les "patriotes de la taïga" de concentrer leur activité dans leur région et de trouver dans les 41 autres entités de la Fédération 2 "compatissants."

Assisterons-nous ou non à la renaissance des alliances politiques régionales? Cela dépendra, comme toujours, du Kremlin. Mais cette fois pas des astuces des juristes gouvernementaux (il est possible, si on le veut, de contourner ces barrières), mais du changement d'attitude du centre fédéral envers les régions.

Le parachutage de Moscovites aux postes clés des régions (des gouverneurs aux chefs de police et aux maires), la dépendance des régions vis-à-vis des subventions allouées par le centre et la coopération entre les régions par l'intermédiaire du gouvernement central – l'affaiblissement de cette tutelle excessive serait le meilleur vaccin contre le séparatisme.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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