Les désertions à droite. Sarkozy abandonné par ses féaux

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Il y a encore très peu de temps la campagne présidentielle paraissait fade et dépourvue de tout intérêt. Entre un Sarkozy bonapartiste au caractère vindicatif et coléreux avec son passé militaire libyen et son entichement pour le grand capital et un gélatineux François Hollande les Français ne savaient qui choisir. La différence entre Concorde et Vincennes n’était pas évidente, le paysage était triste et le champagne éventé. Mais voilà que tout change avec l’affaire des ministres-transfuges qui ont retourné leur veste, ont trahi Sarkozy et rallié les bannières roses.

Ainsi mardi 17 avril, six anciens ministres de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy ont indiqué leur soutien au candidat socialiste. Le président-candidat est d’abord lâché par ceux qu’il avait promus dans son gouvernement. Martin Hirsch (ex-haut-commissaire aux solidarités actives et ancien président d’Emmaüs), Fadela Amara (ex-secrétaire d’Etat à la politique de la ville et ancienne présidente de Ni putes ni soumises) et Jean-Pierre Jouyet (ancien secrétaire d’Etat aux affaires européennes, puis président de l'Autorité des marchés financiers – AMF) sont subitement en train de se souvenir de leur attachement à la gauche. Ces manœuvres complètent la liste des ralliements de l’ex-candidate à l’élection présidentielle Corinne Lepage, ministre de l’environnement d’Alain Juppé et de Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture de Chirac. Pour y voir plus clair nous avons fait appel aux compétences d’un scientifique versé en politologie.

Pierre Haroche est un grand spécialiste de la gauche. Auteur du livre L’union européenne au milieu du gué, auteur d’article à Libération, ce doctorant ès sciences politiques à l’université de Strasbourg, chargé de cours à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne suit la présidentielle française de près, on s’en doute et connaît les candidats sur le bout des doigts. Le politologue nous a présenté ses arguments concernant la désertion des ministres sarkozyens dont certains ont regagné leur camp d’origine et d’autres ont tout bonnement retourné leurs vestes.

La Voix de la Russie. Les anciens ministres sont-ils dépités et fatigués de Sarkozy ? Est-ce un mouvement de rejet ?

Pierre Haroche. En fait, on peut distinguer les deux cas de figure. D’une part, les anciens ministres de Sarkozy qui étaient généralement des ministres d’ouverture, c'est-à-dire qui venaient de la gauche. Pour eux, ce qui était étonnant, c’est qu’ils avaient abandonné la gauche pour entrer dans le gouvernement de Sarkozy, comme Martin Hirsch ou Fadela Amara… Et donc ceux qui avaient été les ministres d’ouverture, ce n’est pas vraiment surprenant qu’ils reviennent à la gauche au moment où il semble que la gauche a plus de chances de gagner les élections que Sarkozy. A aucun moment ils n’ont voulu renier leurs origines. Ils se sont toujours dit qu’ils étaient entrés comme les ministres d’ouverture de la gauche. Donc, eux ce n’est pas du tout surprenant. D’autre part, et c’est un cas de figure tout à fait différent, c’est les anciens ministres de Chirac. Ca c’est plutôt des ministres qui justement ont participé au gouvernement Chirac mais ils n’ont pas réussi vraiment à s’entendre avec Sarkozy, pour avoir une place et ont cherché à prendre leurs distances à l’égard de la droite sous son mandat. Et donc premièrement c’est plutôt l’aboutissement d’une évolution qui les a éloignés de la droite. Par exemple, Corinne Lepage, c’était effectivement la ministre de l’environnement sous Jacques Chirac mais elle a fondé son propre parti, elle a essayé de se présenter à la présidentielle elle-même. Elle n’a pas réussi à se présenter. Là elle essaie de continuer sa prise de distance avec la droite et son rapprochement du mouvement écologiste de gauche en appelant à voter pour un candidat de gauche. Donc, il faut distinguer ces deux cas de figure entre les ministres qui de toute façon ont été à gauche dès le départ et des ministres qui ont été à droite dès le départ mais qui prennent leurs distances parce qu’ils ont eu un parcours qui les a éloignés de la droite. Et de façon générale, je pense que pour toutes ces personnalités qui avaient une position un peu intermédiaire, c’est la conjoncture politique qui les a poussés dans ce sens-là parce que les sondages maintenant quand on est assez proches de l’élection continue à affirmer que François Hollande est mieux placé pour remporter l’élection, donc, cela n’incite pas les personnalités un peu intermédiaires à soutenir Sarkozy qui, je pense, de toute façon, ne sera plus Président bientôt.

La Voix de la Russie. Le clan Chirac semble pencher pour Hollande : l’ancien Président de la République lui-même, sa fille Claude, son gendre et ancien secrétaire général de l'Elysée, Frédéric Salat-Baroux. Plusieurs proches de Chirac étaient d’ailleurs présents au discours de Hollande à Vincennes. Est-ce que Sarkozy est en train de payer la note de son émancipation de l’ancien Président de la République ? D’après vous, s’agit-il d’une vendetta des clans de la droite ou cela est-il dû à autre chose ?

Pierre Haroche. C’est sûr que Jacques Chirac lui-même et ses proches n’ont jamais apprécié Nicolas Sarkozy. Ils ne se sont pas entendus même quand ils travaillaient ensemble. Donc, ce n’est pas absurde qu’aujourd’hui ça ressorte. En plus, Jacques Chirac connaît très bien François Hollande. Ils sont tous les deux élus de la Corrèze. Ils s’entendent bien. Ce n’est pas surprenant qu’à titre personnel et de façon assez discrète il n’apporte pas son soutien à Nicolas Sarkozy. Il apporte un soutien implicite à François Hollande. Il faut tout de même remarquer que la femme de Jacques Chirac, Bernadette Chirac, elle, a soutenu Nicolas Sarkozy et était présente aux meetings de Nicolas Sarkozy et a même critiqué François Hollande. Ca c’était plutôt du côté de la fidélité à ses engagements et au parti l’UMP. Mais aujourd’hui ça a une valeur assez limitée cette prise de position de l’entourage de Jacques Chirac puisque c’est faiblement mis en avant. %ais effectivement on peut penser que c’est la continuation de la mésentente personnelle qui avait depuis déjà longtemps même quand ils étaient ensemble au gouvernement Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy mais je ne pense pas que cela ait de l’impact au-delà de ce petit clan référé à la personnalité de Jacques Chirac ».

Lorsque Ford était encore au début de sa carrière de grand industriel, il se plaisait à répéter que ses usines pouvaient vendre les voitures de toutes les couleurs pourvu qu’elles soient noires. Là quelle que soit la couleur de la trahison, elle resterait toujours noire aussi bien à gauche qu’à droite. En de façon plus générale et détachée il semble bien malheureusement qu’une chape de plomb pèse sur la France et nonobstant le résultat définitif de la présidentielle, les Français resteraient perdants tant qu’il n’y aura pas un coup de renouveau qui va nettoyer le pays.
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