L'EuroABM ou la naissance d'un nouveau rideau de fer

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Jeudi, on a assisté à Moscou à une nouvelle étape de confrontation sur la défense antimissile (ABM) en Europe: le 3 mai s'est tenue la conférence internationale sur le problème de la défense antimissile.

Jeudi, on a assisté à Moscou à une nouvelle étape de confrontation sur la défense antimissile (ABM) en Europe: le 3 mai s'est tenue la conférence internationale sur le problème de la défense antimissile. On ne constate toujours aucune entente mutuelle entre Washington et Moscou
(les joueurs de première ligne): la Russie insiste sur les risques, et l'Occident l'ignore démonstrativement. L'état-major général russe  est déjà prêt à prendre les mesures
militaro-techniques les plus sévères.

Anciens propos et nouvelle police de caractères

Les deux pays intéressés continuent leurs soliloques. La Russie insiste sur les menaces liées aux programmes antimissiles américains, et Washington fait semblant de ne pas comprendre de quoi il est question.

A leur tour, les militaires russes font sciemment monter la tension de ce qu'on aurait pu appeler une discussion si on y constatait au moins des signes formels de dialogue. Le chef d'état-major de l'armée russe Nikolaï Makarov a rappelé une nouvelle fois qu'en cas d'aggravation de la situation la Russie pourrait utiliser ses armes conventionnelles (et pas seulement) contre les moyens ABM américains déployés près de ses frontières.

"Le déploiement de nouvelles armes offensives au sud et au nord-ouest de la Russie pour anéantir les éléments de l'ABM, y compris le déploiement des missiles Iskander dans la région de Kaliningrad, constitue l'une des éventuelles options de destruction de l'infrastructure d'ABM en Europe", a fait remarquer Nikolaï Makarov.

Il n'y a rien de choquant dans les recommandations du général aux participants au forum de Moscou: ce n'est pas la première année où l'on parle de la possibilité d'utiliser des moyens offensifs (y compris Iskander) contre les éléments européens de l'ABM américain global. En particulier, en novembre 2011, le président Dmitri Medvedev a ouvertement annoncé cette possibilité.

Cependant, cette fois la délégation russe n'a pas menacé gratuitement l'Occident de prendre des "mesures appropriées", mais a informé de manière très détaillée l'opinion publique des raisons de ses inquiétudes qui ont provoqué une réaction aussi brusque.

La fin du monde en diaporama

Le général Valeri Guerassimov, chef adjoint d'état-major de l'armée russe, (nommé il y a une semaine commandant de la région militaire Centre) a présenté aux spectateurs présents les résultats visuels de la simulation des lancements de missiles depuis le territoire russe en tenant compte du déploiement par les Américains de nouveaux moyens d'information et d'attaque, et leur interaction avec les éléments de l'ABM national à Fort Greely en Alaska et sur la base aérienne de Vandenberg en Californie.

Les conclusions des militaires russes visaient à souligner les dangers du système ABM américain global.

Les militaires russes ont également fait preuve d'un grand sens de l'humour: ils ont réussi à montrer qu'en cas d'attaque hypothétique de l'Iran contre les Etats-Unis, les missiles iraniens passant au-dessus de l'Europe ne seraient pas interceptés par l'ABM européen. Ou bien ils seraient interceptés avec les missiles russes lancés depuis la partie européenne du pays, ce qui semble contredire les affirmations des Américains.

En mettant en place un système commun, les systèmes russes, ayant des caractéristiques similaires aux moyens américains, déployés au sud de la Russie pourraient intercepter de telles menaces venant d'Iran. Mais l'Otan refuse une telle intégration, haussent tristement les épaules les généraux russes.

Dans les schémas de simulation proposés on ne constatait pas la vulnérabilité totale des missiles russes visant le territoire américain, mais on arrivait très bien à montrer les possibilités techniques de travail des éléments de l'ABM américain (y compris multiple, à partir de plusieurs points). On a également soulevé la question de la vulnérabilité dans les nouvelles conditions des régions de patrouille opérationnelle des sous-marins lanceurs d'engins russes. La demande publique de négociations en exagérant les principales préoccupations a été exécutée de manière très habile.

La réponse du secrétaire général délégué de l'Otan Alexander Vershbow à cet égard est marquante par son étourderie. En déclarant qu'il est fondamentalement en désaccord avec les conclusions de l'état-major russe, le diplomate a déclaré que la Russie avait de toute façon un grand nombre de missiles nucléaires qui, en cas de nécessité, passeraient à travers les filets de l'ABM américain.

Et dans l'ensemble, a poursuivi Vershbow, ce système est destiné à parer les lancements unitaires de missiles balistiques imparfaits, et évidemment rien de pourrait protéger contre une frappe nucléaire massive des forces nucléaires modernes russes.

Les mêmes thèses ont été méticuleusement répétées par la sous-secrétaire à la Défense Madeleine Kridon, vantant la puissance et la perfection techniques des forces de missiles russes, capables de franchir l'ABM américain même sous sa forme à terme. Au moins, soulignait-elle à chaque fois, parce qu'il n'était pas dirigé contre le potentiel russe de dissuasion.

Et dans ce cas, il ne semble qu'il y ait là un objet de négociation: "Nous n'accepterons aucune restriction ni sur le nombre ni sur les capacités de ce système", a ajouté Madeleine Kridon.

Le danger n'est pas dans les briques, mais dans le mur

Toutefois, les Américains ont habilement omis la principale thèse, sur laquelle se basait le discours du général Guerassimov: l'intégration étroite des moyens offensifs et d'information des éléments russes et européens de l'ABM américain global en travail en temps réel. De plus, Kridon a démonstrativement souligné qu'elle examinerait l'ABM national séparément du système européen, car ce sont des projets différents investis de missions différentes.

Or la coopération étroite des éléments répartis cache le principal effet synergique du plan américain. Les "briques" séparées ne sont pas une menace à la riposte russe, mais en se réunissant pour former un "mur" cela donne de nouvelles possibilités défensives. Le rideau de fer entre l'Est et l'Ouest pourrait se dresser à nouveau, cette fois sur une nouvelle base scientifique et technique.

La souplesse de la mise en un réseau commun des moyens offensifs et d'information (y compris mobiles et spatiaux, aussi bien existants que futurs) contraint de prendre le parapluie antimissile très au sérieux. Aujourd'hui et demain il ne représente aucune menace pour les forces nucléaires russes, mais qui se portera garant pour les horizons plus lointains? Quels moyens offensifs seront facilement intégrés au système global de sécurité des frontières américaines dans 10-20 ans?

Pour l'instant, même l'importante conférence internationale qui s'est ouverte à Moscou est incapable de trouver un terrain d'entente sur un problème qui génère sous nos yeux une nouvelle course aux armements nucléaires.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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