Libye: le nombre des civils tués dans les raids de l'Otan revu à la baisse

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Dans les débats dramatiques sur le nombre de victimes civiles provoquées par l'opération de l'Otan en Libye, l'organisation internationale des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a décidé de dire son mot.

Dans les débats dramatiques sur le nombre de victimes civiles provoquées par l'opération de l'Otan en Libye, l'organisation internationale des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a décidé de dire son mot. Le rapport intitulé "Les morts non reconnues" publié le 14 mai était préparé pendant un an et pourrait décevoir certains experts russes. Du moins ceux qui parlent de milliers de civils libyens tués. Les militants des droits de l'homme qui ont personnellement visité les régions touchées par les bombardements de l'Otan annoncent un chiffre bien plus bas: 72 personnes.

Toutefois, il est assorti de la mention "au moins". Autrement dit, il est possible que certaines victimes n'aient pas été découvertes. Néanmoins, même si la liste tragique s'élargissait, l'augmentation ne serait guère significative. Les représentants de l'Otan ont répondu à la requête de l'organisation qu'ils avaient fait tout leur possible pour minimiser les pertes civiles. Dans les guerres modernes, lorsqu'on utilise du matériel de haute précision, on ne parvient à le faire qu'en partie. Et que dieu protège ceux qui se trouvent dans la "zone du pourcentage d'erreur".

Le sommet de l'Otan, l'occasion de reconnaître les faits

Le rapport annonce que l'Alliance n'était toujours pas prête à reconnaître sa responsabilité dans la mort de ces personnes. Les militants des droits de l'homme appellent l'Otan à changer cette approche négativiste et annoncer le début de l’enquête sur chaque cas tragique. D'autant plus que la direction de l'Alliance a une très bonne occasion de faire une déclaration publique – le sommet de l'Otan qui se tiendra à Chicago les 20 et 21 mai.

Human Rights Watch estime qu'à l'issue de l'enquête, les blessés et les proches des victimes doivent être dédommagés et que certains pilotes pourraient être sanctionnés. Un autre objectif consiste à faire en sorte qu'à l'avenir cela se produise le plus rarement possible. Autrement dit, s'il était impossible d'empêcher une guerre, il faudrait au moins réduire au minimum le nombre des victimes civiles.

La vie humaine n'a pas de prix, et on ne peut pas lire sereinement les lignes du rapport sur ces 72 victimes (dont plus de 20 s enfants), sur les circonstances et les témoignages des proches.

Il n'y a qu'une seule conclusion à en tirer – la guerre est le pire des fléaux.

"Pourquoi notre maison?"

Le malheur a frappé le village de Majer, à 160 kilomètres à l'est de Tripoli, pendant le ramadan, vers onze heures dans la soirée du 8 août 2011. Les avions de l'Otan, contrairement aux affirmations du commandement de l'Alliance concernant les attaques exclusives contre les sites militaires, ont bombardé quatre maisons dans ce village. Il n'y avait aucun site militaire à cet endroit.

"Notre collaborateur Fred Abrahams, en apprenant la tragédie de la part des Libyens, s'est rendu sur place le lendemain, pendant l'enterrement. On se trouvait en Libye en cette période.

Les autorités de l'époque nous aidaient volontiers lorsqu'il était question de visiter certains sites touchées par les bombardements de l'Otan", a déclaré Carroll Bogert, directrice adjoint de Human Right Watch.

Les survivants des maisons bombardées ont affirmé qu'hormis les résidents permanents se trouvaient des réfugiés d'autres régions libyennes. Ils étaient venus avec leurs proches dans un village considéré comme sûr, car les forces de Kadhafi et leurs équipements militaires en étaient absents. Mais dans un pays frappé par la guerre il n'existe pas de lieu sûr. Le Libyen Mohamed Raqiq a perdu trois enfants ce soir là – Hana, Abdallah et Ahmed, sa femme Salima et sa sœur avec ses jumeaux.

Le propriétaire d'une autre maison, Mouammar Jaarud a perdu quatre membres de sa famille: sa femme Hannan (30 ans), sa mère Salma (53 ans), sa sœur Fatima (29 ans) et sa fille Salma (8 mois). Il se trouvait dans la rue, en entendant l'explosion il a couru vers la maison et a été blessé à la jambe par un éclat. Lorsque les hommes ont commencé à déblayer les ruines, vingt minutes après la première vague, la maison a été frappée par une seconde attaque, qui a tué 18 hommes et en a blessé 15. En discutant avec les représentants de HRW, Mouammar Jaarud demandait tout le temps: "Pourquoi notre maison? Pourquoi?"

Les auteurs du rapport se posent une autre question: pourquoi les pilotes, qui disposaient certainement de systèmes infrarouges indiquant la présence d'un groupe de gens au sol, ont lancé une seconde attaque? Cette question demeure toujours sans réponse.

Ce jour-là, 34 personnes ont été tuées dans le village de Majer, et tous sans exception étaient des habitants pacifiques. Cette tragédie est la plus importante parmi les huit cas recensés par les militants des droits de l'homme de morts de civils dans les bombardements aériens de l'Otan. Rappelons que l'opération des alliés en Libye s'est poursuivie du 19 mars au 31 octobre 2011.

10.000 euros pour chaque victime

Le personnel de HRW reconnaît qu'à l'époque le représentant du gouvernement libyen Moussa Ibrahim annonçait 85 morts dans ce village. Mais en se rendant à Majer à plusieurs reprises, y compris après la guerre, ce chiffre n'a pas été confirmé. Le rapport mentionne que le gouvernement de Kadhafi parlait de plus de mille victimes civiles, mais même les militants de droits de l'homme estiment que ces informations étaient exagérées.

Dans certains cas, les avions de l'Otan ont attaqué les maisons qui appartenaient aux commandants militaires et aux hauts fonctionnaires libyens ou leurs proches. On ne peut pas considérer ces maisons comme des sites militaires. Néanmoins, le 25 septembre 2011, l'Alliance a bombardé un immeuble résidentiel à Syrte, sur le littoral nord du pays. Trois femmes et quatre enfants ont été tués. La maison appartenait au frère du général de brigade Mosbah Diyab. Toutes les victimes étaient ses proches.

Trois mois auparavant la maison d'un autre général a été bombardée, cette fois à la retraite, Khweldi Hamidi. 13 résidents, dont cinq enfants entre huit mois et huit ans, ont été tués dans sa maison située à 70 kilomètres de Tripoli. Le général n'a pas été blessé pendant l'attaque.

La famille Hamidi est actuellement en procès contre l'Otan. Le fils du général, Khaled, a déposé une plainte à Bruxelles, siège de l'Alliance. Le demandeur réclame une compensation de 10.000 euros pour chaque victime. Le procès a commencé en octobre dernier. La prochaine audience est prévue pour le 17 septembre 2012.

L'incrédulité des diplomates russes

Il convient de rappeler concernant ces nouvelles informations sur les pertes civiles en Libye que le ministère russe des Affaires étrangères a exigé à plusieurs reprises une enquête à ce sujet. Mais le rapport rendu public en mars dernier par la commission de l'Onu n'a pas satisfait les diplomates russes.

La commission composée d'avocats connus – le Canadien Philippe Kirsch (qui a dirigé le groupe), la Jordanienne Asma Khader, l'Egyptien Cherif Bassiouni – en un mois d'enquête a constaté la mort de 60 civils libyens suite aux raids aériens de l'Otan. 55 blessés ont été mentionnés dans le rapport présenté au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies.

Konstantin Dolgov, commissaire du ministère russe des Affaires étrangères pour les droits de l'homme, avait recommandé à l'époque aux membres de la commission de faire preuve de plus de persévérance pour obtenir des informations de la part de l'Otan et des nouvelles autorités libyennes.

Et voici le nouveau rapport qui a présenté. Les informations de HRW ont pratiquement coïncidé avec celles de l'Otan: moins de cent victimes civiles pendant plus de huit mois de campagne militaire. Est-ce peu ou beaucoup?

Notons seulement qu'il n'est pas question des pertes militaires libyennes, y compris des cas de mort de rebelles sous le "feu ami". Cela ne signifie pas non plus qu'à l'heure actuelle la vie en Libye est calme et prospère.

Ce n'est qu'un côté de la tragédie aux multiples aspects de la guerre.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

 

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