Condamnation de Moubarak: un verdict controversé

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Comme prévu, le samedi 2 juin la Cour pénale du Caire a rendu son verdict dans l'affaire de l'ex-président égyptien Hosni Moubarak.

Comme prévu, le samedi 2 juin la Cour pénale du Caire a rendu son verdict dans l'affaire de l'ex-président égyptien Hosni Moubarak. Ce dernier a été reconnu coupable d'avoir causé la mort de manifestants au cours de l'émeute de janvier 2011 et a été condamné à la prison à vie. La même sentence a été rendue dans l'affaire de l'ex-ministre égyptien de l'Intérieur Habib el-Adli. Tous ses adjoints, également impliqués dans le procès, ont été disculpés.

Les faits de corruption contre les deux fils de l'ancien président égyptien, Alaa et Gamal, ont été prescrits. Toutefois, les deux hommes n'ont pas été remis en liberté: de nouveaux procès ont été intentés conte eux.

Hosni Moubarak a gouverné l'Egypte durant près de 30 ans, entre 1981 et 2011. Sa gouvernance a été longue et son pouvoir pratiquement illimité, ce qui lui a valu dans le peuple le surnom de pharaon.

Les Arabes de la rue: certains jubilent, d'autres fulminent

La réaction des Egyptiens ne s'est pas fait attendre. D'autant plus que l'audience du tribunal avait été diffusée en direct par la télévision égyptienne et par les chaînes d'information internationales.

En apprenant la condamnation de Moubarak, ses adversaires les plus farouches présents dans la salle se sont rués sur les partisans peu nombreux de l'ex-président.

Leur exemple a été imité par ceux qui avaient suivi la diffusion du procès en s'attroupant devant les écrans géants dans les rues et les places du centre-ville de la capitale égyptienne. Dans divers arrondissement du Caire, d'Alexandrie, de Suez et d'autres villes égyptiennes des manifestations de masse ont eu lieu. Leur participants soit jubilaient, soit exigeaient la peine de mort par pendaison pour Hosni Moubarak.

Rappelons que les dispersions violentes des manifestations du peuple en janvier et février 2011 ont fait plus de 800 morts et plusieurs milliers de blessés.

Les raisons du verdict

En prononçant le verdict, le juge principal, Ahmed Rifaat, a souligné que le procès de dix mois avait été juste. Il a qualifié les trois décennies de gouvernance de Hosni Moubarak de "30 ans de ténèbres" et les révolutionnaires de "fils de la nation qui [avaient] pacifiquement combattu pour la liberté et la justice."

Le principal crime de Hosni Moubarak et de Habib el-Adli a été, selon le juge, de ne pas avoir empêché les forces de l'ordre de tuer des manifestants désarmés."

Cependant, le tribunal a refusé de condamner les accusés à la peine de mort exigée par le procureur. C'était sans doute une expression d'humanisme et de clémence envers l'ex-dictateur.

A la différence de Kadhafi, qui avait littéralement largué des bombes sur les têtes des manifestants à Tripoli, Hosni Moubarak s'est seulement limité au début à ne pas empêcher les forces de l'ordre d'utiliser les armes à feu, et il leur a ensuite transmis le pouvoir sous la pression de l'armée en espérant probablement leur miséricorde. Toutefois, il n'avait certainement pas prévu que les militaires sous la forte pression des islamistes ne pourraient ou ne voudraient pas le défendre.

Le premier tour de l'élection présidentielle en Egypte a clairement montré que la majorité de la population sympathisait avec les Frères musulmans. Leur membre, Mohamed Morsi, sera très probablement élu président le 17 juin.

Or on sait que les islamistes ont de vieux comptes à régler avec Moubarak. Pratiquement tous les leaders des Frères musulmans ont purgé des peines de prison et certains ont été exécutés. L'acquittement de Hosni Moubarak aurait pu faire plonger l'Egypte dans une nouvelle révolution dont personne n'a besoin dans la conjoncture politique actuelle: ni les islamistes, ni l'armée, ni la bureaucratie de l'ancien régime dont les juges constituent une partie

Cette bureaucratie est contrainte d'afficher un maximum de loyauté envers les islamistes pour éviter de se retrouver à son tour sur le banc des accusés.

D'autre part, la peine de mort pour Moubarak aurait pu renforcer les positions des adversaires des Frères musulmans et consolider l'"opposition laïque" autour du second candidat à la présidence, Ahmed Shafik, considéré par la population comme un homme de confiance de Moubarak.

Ainsi, le tribunal a pris la décision la moins conflictuelle possible et qui, dans l'ensemble, arrange tout le monde. Certes, les avocats de l'ex-président ont déclaré qu'ils feraient appel du verdict, mais la révision du procès est peu probable avant l'élection d'un nouveau président de la république.

Le verdict du tribunal égyptien, une occasion de réfléchir?

Le verdict du tribunal égyptien est sans précédent. C'est du jamais vu dans le monde arabe: tous les dictateurs précédents étaient soit tués par le peuple révolté, soit expulsés par des gouvernements révolutionnaires, soit encore fuyaient eux-mêmes leurs pays.

La seule exception est le Yémen dont le dictateur Ali Abdullah Saleh s'était d'abord réfugié en Arabie saoudite mais est ensuite rentré dans son pays après de longues négociations et moyennant des garanties de sécurité de la part du gouvernement saoudien.

L'expérience égyptienne est une bonne occasion de réfléchir pour les autres dirigeants proche- et moyen-orientaux, avant tout pour le président syrien Bachar al-Assad. En cas de défaite, il pourrait difficilement espérer la magnanimité des rebelles. Il n'a qu'une seule alternative: soit écraser l'émeute, soit fuir son propre pays.

Le printemps arabe ne se limitera probablement pas à la Tunisie, à la Libye, à la Syrie, l'Egypte et Bahreïn. Les processus de transformation et de démocratisation de la société islamique traditionnaliste et conservatrice ont été lancés. Ils sont irréversibles et se manifesteront certainement à terme dans d'autres pays arabes, notamment dans les monarchies arabes du Golfe. La seule question est de savoir à quel point cette transformation sera pacifique et civilisée.

L’opinion de l’auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction

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