Proche-Orient : une explosion énergétique ?

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Deuxième partie. Le Professeur émérite Chems Eddine Chitour a accepté de répondre à nos questions et dans un long entretien nous livre son analyse de la situation actuelle au Proche-Orient, notamment le problème syrien. Dans une première partie, il évoquait le poids du passé.

Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Bonjour Professeur, je suis heureux de vous accueillir à nouveau, vous êtes le professeur émérite Chems Eddine Chitour, professeur à l’école polytechnique d’Alger. La semaine dernière vous nous aviez livré vos impressions sur la mort d’Arafat et l’implication de l’Occident, de très longue date au Proche-Orient. Vous aviez terminé en nous parlant de la Syrie et du poids du passé sur la situation actuelle, que pensez-vous des événements syriens ?

Professeur Chems Eddine Chitour : C’est un conflit qui dure depuis seize mois et qui aurait fait des milliers de morts selon une comptabilité tenue soigneusement par les médias des pays occidentaux qui attribuent insidieusement les morts uniquement au régime de Damas et pas aux insurgés armés lourdement par les Occidentaux avec l’argent des roitelets du Golfe. Les chrétiens ont peur de servir de variables d’ajustement d’un conflit qui les dépasse. Les dépouilles sont toujours les mêmes, les dirigeants arabes faibles, continuent à s’étriper pour le plus grand bien de l’Empire et de ses vassaux. Avec cette fois-ci, un coup d’arrêt à la tentation d’Empire, de la part des puissances asiatiques qui s’affirment.

La Voix de la Russie : Oui le conflit dure depuis trop longtemps, mais pourquoi l’Occident s’acharne-t-il à vouloir la chute du régime d’el-Assad ?

M. Chitour : Que se passe-t-il réellement, et pourquoi Assad ne tombe pas malgré les communiqués triomphalistes présentant des personnalités qui ont lâché le pouvoir, le général Tlass, l’ambassadeur de Syrie en Irak qui s’est enfuit au Qatar… Et plus loin il y a un autre tour de négociations sur le règlement pacifique en Syrie qui s’est tenu dernièrement à Moscou. Cette fois, le ministère des Affaires étrangères de Russie a invité le président du Conseil national syrien (CNS) Abdel Basset Sayda. Mais il n’y a pas eu de rapprochement des positions. D’autre part, l’émissaire international Kofi Annan, qui poursuit sa tournée en Iran, a rencontré Bachar el-Assad en Syrie pour tenter de trouver une issue au conflit dans le pays. Il avait annoncé le lundi 9 juillet être tombé d’accord avec le président Bachar el-Assad sur une « approche » qu’il soumettrait aux rebelles syriens. Mais si la version matraquée tous les jours par les médias français n’était pas la bonne ? C’est en tout cas l’avis du politologue Gérard Chalian, sur le plateau de C dans l’air du 14 juin, sur France 5. Ce qu’il ne s’agit pas uniquement « d’un méchant contre des gentils » et que la volonté d’intervention et les hésitations des Occidentaux ne sont pas forcément liées à des sentiments purement humanistes. Il dit qu’une intervention impliquerait beaucoup de conséquences géopolitiques. Pour lui, ce qui se passe en Syrie est avant tout une affaire politique et non humanitaire. C’est en fait, l’exacerbation du conflit artificiel sunnite contre chiite avec d’un côté pour les sunnites l’Arabie Saoudite, le Qatar, l’Union européenne, les Etats-Unis et Israël et de l’autre, les chiites, c’est-à-dire les Alaouites aidés par l’Iran. Le but de la manipulation est de casser l’Iran et de réduire le Hezbollah.

La Voix de la Russie : Est-ce l’argument principal de l’intervention ou il existerait également une ou d’autres raisons Monsieur Chitour ?

M. Chitour : Nous verrons qu’il existe aussi l’argument énergétique. Le témoignage d’une Française, épouse d’un Franco-Syrien, qui a séjourné en Syrie du 19 mai au 12 juin 2012, est édifiant : « Alors que ce pays offrait une totale sécurité, « les Amis de la Syrie » y ont semé la violence. À Alep, des bandes armées ont fait leur apparition dans le 2ème semestre 2011 : kidnapping, demandes de rançons, une mafia très lucrative. La population, qui est confrontée aux kidnappings, bombes, asphyxie des commerces, connaît des difficultés d’approvisionnement en fuel, essence et gaz. Il n’y a pas pénurie en Syrie, mais les véhicules de transport sont attaqués et brûlés sur les routes. Sur les grands axes routiers, l’ASL effectue des contrôles. Il n’y a pas de guerre civile en Syrie, les communautés continuent de vivre en harmonie. Il y a des actes de barbarie et de violence de la part des mercenaires et de l’ASL contre des minorités pour provoquer une guerre civile. Monsieur Sarkozy a dit au patriarche maronite venu le rencontrer que les chrétiens d’Orient devaient laisser leur pays aux musulmans et que leur avenir était en Europe. L’Occident applique en Syrie le même scénario qu’en Irak et en Libye. L’opposition en Syrie participe de façon légale au changement. Les gens sont écœurés par le manque d’objectivité des médias français. La seule source, l’Osdh, basée à Londres, est animée par un Frère musulman, payé par les services secrets britanniques ».

La Voix de la Russie : Vous avez évoqué l’argument énergétique, pouvez-vous nous précisez en quoi cela consiste ?

M. Chitour : Le professeur Imad Fawzi Shueibi a analysé les causes et les conséquences de la récente position de la Russie au Conseil de Sécurité de l’ONU. Le soutien de Moscou à Damas n’est pas une posture héritée de la Guerre froide, mais le résultat d’une analyse en profondeur de l’évolution des rapports de force mondiaux. La crise actuelle va cristalliser une nouvelle configuration internationale, qui d’un modèle unipolaire issu de la chute de l’Union Soviétique, va évoluer progressivement vers un autre type de système qui reste à définir. Inévitablement, cette transition va plonger le monde dans une période de turbulences géopolitiques. L’attaque médiatique et militaire à l’encontre de la Syrie est directement liée à la compétition mondiale pour l’énergie, ainsi que l’explique le professeur Imad Shuebi: la Syrie, centre de la guerre du gaz au Proche-Orient. C’est ainsi que Imad Fawzi Shueibi analyse la situation actuelle. Il écrit : « L’attaque médiatique et militaire à l’encontre de la Syrie est directement liée à la compétition mondiale pour l’énergie », ainsi que l’explique le professeur Imad Shuebi : « Avec la chute de l’Union soviétique, les Russes ont réalisé que la course à l’armement les avait épuisés, surtout en l’absence d’approvisionnements d’énergies nécessaires à tout pays industrialisé. Au contraire, les USA avaient pu se développer et décider de la politique internationale sans trop de difficultés grâce à leur présence dans les zones pétrolières depuis des décennies. C’est la raison pour laquelle les Russes décidèrent à leur tour de se positionner sur les sources d’énergie, aussi bien pétrole que gaz. Moscou a misé sur le gaz à grande échelle. Le coup d’envoi fut donné en 1995, lorsque Vladimir Poutine a mis en place la stratégie de Gazprom ».

Laurent Brayard, La Voix de la Russie : Professeur Chems Eddine Chitour, ce que vous développez ici est extrêmement intéressant, nous nous retrouverons la semaine prochaine pour analyser plus en profondeur ce problème, notamment et surtout l’argument énergétique, en attendant nous vous souhaitons à vous et aux lecteurs de La Voix de la Russie, une bonne journée. A la semaine prochaine !

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