L’Afghanistan perdra la France

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L’Afghanistan est une pierre d’achoppement pour toutes les civilisations. Alexandre le Grand a buté contre ce caillou et finalement ce qu’il eut pris juste pour un accident de sol lui valut sa vie et son empire.

L’Afghanistan est une pierre d’achoppement pour toutes les civilisations. Alexandre le Grand a buté contre ce caillou et finalement ce qu’il eut pris juste pour un accident de sol lui valut sa vie et son empire. Au dix-neuvième siècle, les Britanniques s’y embourbèrent jusqu’aux yeux. Les Soviétiques y laissèrent toutes leurs plumes, car c’est à Kaboul que la lente agonie de l’URSS eut pris son commencement. L’Occident représenté par l’Amérique a fait bon usage de ce cheval de Troie en l’envoyant derrière l’enceinte bolchévique. Mais une fois la victoire acquise et le royaume rouge disparu, les Occidentaux se sont leurrés à leur tour en envoyant leurs propres troupes mourir sur les os laissés par les envahisseurs de jadis. Quelle ironie de l’histoire ! Le colonel Cagnat, attaché militaire français et grand spécialiste de la région, nous livre sa prise de position plus que judicieuse sur la stupidité des dirigeants de l’Hexagone qui font un beau gaspillage des vies des militaires français très loin du sanctuaire national à défendre.

La Voix de la Russie. Colonel René Cagnat, vous êtes un spécialiste de l’Asie Centrale. Depuis maintenant dix ans vous faites paraître plusieurs articles concernant l’Afghanistan. Tout récemment vous venez de publier un livre sur l’Afghanistan qui s’appelle « Du djihad aux larmes d’Allah. Afghanistan : les 7 piliers de la bêtise ». On pense saisir de l’intitulé que ce livre est plutôt un livre à charge de la guerre qui se déroule depuis maintenant plus de 10 ans. Qu’est-ce que vous pourriez nous dire de manière rapide, je dirais, sur ce livre et ces dix années qui viennent de s’écouler… de guerre ?

Colonel René Cagnat. Je dirais tout d‘abord en synthétisant que la guerre en Afghanistan a été d’ailleurs en continuité de la guerre soviétique menée là-bas, l’une des guerres les plus stupides de l’histoire. Quand les Américains ont commencé à bombarder en octobre 2001, je connaissais suffisamment l’Afghanistan et les Afghans pour savoir que c’était une bêtise totale. Qu’il n’y avait pas de meilleur moyen pour braquer contre nous les Afghans. Et qu’une connaissance de l’histoire de l’Asie Centrale et celle de la Grande Bretagne montrait que les Afghans, il ne fallait pas les prendre à rebrousse-poil. Que l’on pouvait très bien faire quelque chose d’extraordinaire avec eux, à condition d’aller dans le bon sens, de leur être favorable, de profiter gentiment de leur hospitalité parce qu’en plus ils m’avaient très bien accueilli. Les Américains et les Occidentaux n’étant pas très favorables aux Talibans qui massacraient et instauraient un système contre lequel la plupart d’entre eux était… Tout a été en notre faveur en 2001. Et voilà que l’on se met à agir de cette façon.

A partir de ce moment-là pour moi cela a été un véritable divorce avec les Américains. Il fallait qu’ils changent totalement. J’ai fait un article violent dans Le Figaro qui annonçait tout ce qui s’était passé. Dès novembre 2001, j’ai dit tout ce qui s’était passé depuis 11 ans en Afghanistan jusqu’aux négociations actuelles.

Pour moi, cela a été petit à petit une prise de conscience dont je parle dans ce livre. Sur 10 ans – 11 ans je me suis aperçu que nous, Français et Occidentaux, nous devions nous devions nous réorienter sur autre chose : regarder beaucoup plus vers l’Est en ce qui concerne nos alliances et beaucoup moins vers l’Ouest ! Les Américains sont de plus en plus occupés du côté du Pacifique. C’est une très bonne chose. Ils ne peuvent plus dominer le monde entier ! Nous, par contre, sans rompre avec les Américains, il faut vraiment que nous fassions comme les Allemands d’ailleurs ! Il faut que nous nous orientions vers l’Est parce que l’Est, en particulier, la Russie, a besoin de nous. Ils ont besoin de notre technologie, mais aussi la Russie a besoin de notre esprit, de notre façon de voir les choses… Sans que nous soyons de modèles parce que vraiment nous ne méritons pas le titre de modèles, nous pouvons quand même apporter à la Russie un certain sens de démocratie que tout naturellement elle n’a pas actuellement. La démocratie est une longue maturation.

LVdlR. Question centrale : Il est vrai que l’Afghanistan est le premier producteur des stupéfiants. Comment est-il possible qu’avec toutes les troupes occidentales présentes sur le terrain, comment se fait-il que la production continue ?

Colonel Cagnat. C’est une énorme question embarrassante à traiter. Si on est un journaliste honnête, on est obligé de réserver ses propos pour ne pas être extrémiste en la matière. Et je suis obligé d’être ainsi parce que j’ai seulement des indications et des points d’interrogation. L’Afghanistan c’est la production des 90% des opiacés mondiaux et plus de 90% d’héroïne ! C’est une position de monopole comme on en voit très-très peu ! Et puis en plus maintenant c’est le premier producteur de hachich qui est plus rentable que l’héroïne maintenant ! Il est plus facile à cultiver que le pavot et finalement il se vend mieux. Ce qui fait que les Afghans du coup sont à la première place. Et le résultat on l’a déjà dit, la population russe rongée par la drogue qui pèse 50 mille jeunes par an actuellement et peut être même plus, une population afghane elle-même rongée avec un pourcentage de 10% de drogués, on ne sait pas très bien… Et puis surtout l’Iran que d’aucuns disent premier consommateur avec la Russie mais c’est en tout cas le deuxième ou le troisième.

Le trafic s’opère en passant par le Pakistan, à peu près 40%. Et puis ensuite la voie maritime et la voie aérienne par l’Afrique ou par l’Iran et la Turquie, les Balkans. Vous avez une voie qui va à 40% par Karachi en prenant la mer. Et puis vous avez 35% qui partent par la voie irano-turque. Et le reste qui part vers le Nord c’est-à-dire la Russie. Les Russes sont très preneurs et ils interceptent tout ce qui passe. Vous avez sur ces 25% qui partent vers le Nord, 15% récupérés par la Russie. Et le reste part vers l’Europe Centrale et l’Europe.

Il est évident que tout ceci s’est produit pendant la guerre afghane. Ce qui la rend encore plus stupide, totalement stupide ! Quand on était arrivé en Afghanistan, le problème était réglé : les Talibans en 2 ans à partir de 9ç et jusqu’en 2001 avaient éradiqué l’opium. Il y avait un Fatwah du mollah Omar : « Celui qui cultive le pavot, sera pendu ! » C’était de cet ordre-là, moyennant quoi : terminé ! plus de pavot ! En revanche les barons du Nord, eux, continuaient à cultiver… Et ce sont eux qui ont soutenu l’intervention des Américains. Ce qui fait que les Américains en 2002, pour ne pas gêner les barons du Nord ont toléré la drogue sans regarder les champs de pavot au milieu desquels ils se plaçaient. Dès 2002 on avait retrouvé le niveau de 1999 ! Et ensuite la production a été multipliée par plus de 40 entre 2001 et 2011 !!! Et ceci sous les yeux de la coalition qui intervenait. On parlait mais de façon hypocrite de la lutte contre la drogue. C’était les Anglais qui étaient chargés à l’intérieur de l’OTAN d’organiser la lutte contre la drogue. Les éléments de base, je pense, quand on leur disait de se battre contre la drogue, ils se battaient. Et nos premiers soldats qui sont morts en Afghanistan, appartenant aux forces spéciales, sont morts parce qu’ils détruisaient les champs de pavot ! On allait qu’à partir du moment où l’on s’attaquait à la drogue, on allait se retrouver face à une résistance accrue.

Alors certains « stratèges » disaient : « On ne va pas se mettre sur le dos les gens de la drogue alors que l’on a déjà des Talibans contre nous ! » Mais ils ne voyaient pas ce qu’était l’un des 7 piliers de bêtise, c’est que finalement les gens de la drogue et les gens de l’islam collaboraient et cela aboutissait au terrorisme. Cette espèce de bloc « drogue - islam – terrorisme » a créé une force extraordinaire qui a mis les forces occidentales en grande difficulté.

Fondamentalement je pense qu’il faut se retirer avec dignité : nous nous retirons d’un pays oriental. Si nous nous retirons sans être dignes, nous perdons tout prestige. Si nous perdons tout prestige, nous ne serons plus considérés comme des alliés fiables. Il faut surtout que l’OTAN, si l’OTAN demeure, fasse une sortie de scène digne. C’est fondamental ! Il faut que nous revoyions complètement le système d’Alliances. Nous, Français, on a déjà donné l’exemple de retrait ; Et ensuite il fut que nous donnions l’exemple en nous réorientant vers l’Est pour créer l’Union Eurasiatique.

 

L’interview réalisée par l’équipe télévisée ProRussia.TVspécialement pour La Voix de la Russie nous démontre bel et bien que la sottise humaine n’a pas de limites. Mais en quelque sorte le malheur est bon : l’armée française à l’instar de l’armée soviétique d’antan, rentrera à la maison et changer l’attitude des Français à l’égard d’un pouvoir faible et irresponsable qui gouverne la France. A mon sens, le colonel Cagnat a également raison de réfléchir à une Union Eurasienne qui, en fait, a été un grand rêve du Général de Gaulle. Mais une telle union ne saura être bricolée avec les rafistoleurs au pouvoir.

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