La neige profonde compliquait le recensement. D’autre part en raison des immenses congères entravant le déplacement des fauves, leurs traces étaient concentrées dans des endroits limités, ce qui réduisait le risque de retrouver le même animal sur plusieurs itinéraires à la fois. Les léopards ont été comptés d’après la méthode classique utilisée dans les années 90 du siècle dernier qui a prouvé son efficacité.
« Auparavant cinq à six chercheurs mettaient une vingtaine de jours pour compter les animaux, tandis cette fois nous avons augmenté le nombre de contrôleurs tout en limitant à quatre jours les délais », a expliqué Elena Salmanova, directrice adjointe du parc national Zemlya Leopardov (terre des léopards).
En un minimum de temps les chercheurs ont obtenu des résultats impressionnants. S’ils étaient trente lors du dernier recensement, maintenant les léopards sont cinquante et cet accroissement considérable est une première sensation. La deuxième est que l’aire de répartition du léopard s’est étendue vers le nord. Une femelle avec son petit ont été trouvés sur le territoire de la réserve Poltavski. De l’avis des spécialistes, cela prouve que la protection des lieux est réellement assurée. Troisièmement le léopard a été découvert dans des endroits inhabituels : une maman avec ses petits s’est installée à l’embouchure d’un fleuve où les arbres ne poussent presque pas. Une grande quantité de lièvres et de chevreuils y ont été refoulés par la neige profonde, ce qui explique cette dérogation à la tradition. Les braconniers ne s’en doutaient pas et les léopards y ont passé un hiver tranquille. Et, enfin, la quatrième sensation : pour la première fois depuis le siècle dernier le léopard a été repéré à la frontière avec la Corée du Nord, dans la partie méridionale de l’Extrême-Orient russe. En explorant les forêts de la Chine, de la Corée du Nord et de la Russie il a franchi les frontières des trois pays. A la fin de l’année dernière les collègues chinois se sont rendus dans le Primorié pour se familiariser avec la méthode russe de recensement du léopard, a fait savoir Elena Salmanova :
« Ils sont au courant de notre expérience, puisqu’il y a eu des publications. Mais la théorie doit être appliquée dans la pratique. Ils ne savaient pas comment compter les léopards pendant l’hiver d’après les empreintes bien visibles dans la neige. Maintenant ils ont tout vu de leurs propres yeux et ont l’intention d’effectuer le recensement du côté chinois. Il est bon que les méthodes soient les mêmes, ainsi nous pourrons comparer les résultats ».
En comptant les empreintes des léopards, les contrôleurs ont eu de la chance : le photographe animalier Valeri Maleev a réussi à prendre un cliché d’un animal rare : un léopard ganté de blanc. D’après le motif sur sa robe on a compris qu’il avait été repéré par le piège photographique au printemps de l’année 2012. Les derniers clichés prouvent que le magnifique fauve tacheté se sent comme chez lui. Néanmoins les chercheurs craignent pour son sort ainsi que pour le sort d’autres léopards. Le recensement a montré que sur le même territoire le nombre de tigres de l’Amour a doublé en cinq ans pour se monter à vingt-trois spécimens. Le tigre est le concurrent du léopard, plus grand et plus fort, il va de soi. En déchiffrant les empreintes les scientifiques ont compris qu’à deux reprises le tigre avait poursuivi le léopard, et seule son agilité à grimper dans les arbres l’a sauvé. Les spécialistes insistent sur la nécessité d’étudier attentivement l’influence exercée par les tigres de l’Amour sur la population de léopards d'Extrême-Orient. T
