France/gaz de schiste : une nouvelle panacée face à la crise ?

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Il y a environ trois mois, Angela Merkel annonçait la sortie progressive de l’Allemagne du nucléaire, misant très naturellement sur l’exploitation ultérieure du gaz de schiste. Cette démarche n’a en soi rien d’originale, dans la mesure où les USA sont à juste titre considérés comme les véritables pionniers du « courant schisteux », si bien qu’ils en auraient presque oublié de traire le Moyen-Orient dès lors autrement moins rentable.

L’expérience semble même si bien marcher que le prix du gaz ne dépasse pas les 3$ par million de BTU contre les 10 que nous sommes obligés de payer. L'euphorie pour le moins paradisiaque que pourrait susciter la représentation d’un modèle analogue pour notre pays – pourquoi pas, l’Allemagne n’ayant pas hésité ! – s’attiédit bien promptement dès lors qu’on relève les arguments de M. Thomas Porcher, Docteur en économie et professeur en marché des matières premières à l’ESG-MS. De un, met-il en garde, « de nombreuses compagnies, dont Exxon et Total, jugent ce prix[le prix proposé aux USA dans le cadre de l’exploitation du schiste] trop bas pour que leurs investissements soient durablement rentables. C’est donc une grave erreur de considérer le prix actuel du gaz aux USA comme un prix stable ».

En même temps, cette réalité prise en compte, on se demande comment réagir au chantage des industries pétrolières françaises jurant sur tout ce qu’elles ont de plus précieux que si la France ne se met pas au schiste, elles iraient sans doute voir ailleurs, aux USA par exemple… En effet, dans l’état actuel des choses, le gaz étasunien est beaucoup moins cher que le gaz russe (la Russie étant le troisième fournisseur de gaz naturel en France après la Norvège et les Pays-Bas).

Toujours selon M. Porcher, le passage au schiste ne résoudra strictement rien puisque ce type de gaz, outre le fait que son extraction soit techniquement ardue et dangereuse pour l’écologie, ne couvrira qu’une partie très relative de nos besoins. Idem pour le biogaz, d’ailleurs jugé lui aussi insuffisant. La conclusion formulée par l’expert n’est pas dénuée de bon sens. Inutile de prendre de grandes décisions dès aujourd’hui si on perçoit le gaz de schiste comme une épargne dotée d’un taux d’intérêt élevé. Il vaut mieux suivre de près l’exemple allemand pour voir à terme si oui ou non le passage au gaz alternatif pourrait profiter à l’économie. Cette optique serait-elle partagée par le PS qui ces derniers temps semble assez sensible au chantage des magnas du pétrole ?

Voici le point de vue de M. De Kochko qui est l’un des doyens du journalisme français.

La VDLR. Pensez-vous que la France finira par passer au gaz de schiste sous la pression du PS dans le contexte de la crise économique qui sévit en ce moment ?

Dimitri de Kochko. « L’exploration du gaz de schiste a été a priori rejetée aussi bien par le gouvernement précédent que par ce gouvernement-ci. François Hollande a fait des déclarations lors de la campagne électorale quand il avait notamment besoin des voix des écologistes, rejetant l’idée d’exploitation par fracturation des gaz de schiste. Alors maintenant, les déclarations sont un peu plus nuancées. On a trois forces qui sont plutôt en faveur d’une exploration, voire d’une exploitation des gaz de schiste quand on sait qu’ils existent notamment dans le sud-est de la France en quantité qui pourrait être suffisante et qui pourrait être rentable. Cela dit, le triangle dans lequel se trouve ce gaz de schiste recoupe Montpelliers-Valence-Nice, ce qui correspond à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui est quand même la deuxième région de France au niveau et de la richesse et des gens qui s’y trouvent. C’est en plus une région qui est assez fragile pour l’environnement et qui, il faut le dire, merveilleuse ! Donc, la fracturation des roches pour exploiter le gaz de schiste, le grand problème, c’est qu’elle a besoin d’énormément d’eau, or, la région en manque. D’autre part, il y a une pollution provenant des nappes phréatiques, or celles-ci, malgré les pluies de ces deux dernières années, ne sont tout de même pas un luxe inouï dans cette région. Et puis, évidemment, il y a une pollution provenant directement des roches, c’est-à-dire du paysage en, tant que tel. Les forces qui se disent pour l’exploitation du gaz de schiste et qui invoquent le fait qu’aux USA, il s’agit d’une exploitation qui a permis de baisser les importations d’énergie et qui semble contribuer au redémarrage de l’activité économique, sont en fait les compagnies pétrolières, pourtant très discrètes alors qu’il est question entre autres de Total qui a eu quelques concessions d’exploration … D‘autre part, fait aussi partie de ce triangle l’ancien Premier Ministre Michel Rocard, qui s’est ouvertement déclaré en faveur de l’exploitation des gaz de schiste en estimant que c’était une chance pour la France. Pour la troisième force, il s’agit du MEDEF et là, ça devient plus intéressant parce qu’en ce moment, il y a des élections au MEDEF. Ils vont changer de président. Evidemment, on verra quelle sera la personnalité du nouvel élu, mais, en fonction de ses capacités de lobbying, il est possible que les choses bougent. Il y a eu encore des déclarations au niveau gouvernemental assurant qu’a priori il n’y aurait pas d’exploitation du gaz de schiste vu l’état actuel des connaissances techniques et scientifiques de ce type d’exploitation. Parallèlement, il y a des manifestations, il y a des sondages un peu contradictoires. Ceux qui sont contre les gaz de schiste font valoir que 58 % des Français seraient contre et ceux qui sont pour font valoir que 58 % sont pour l’exploitation du gaz de schiste. Vous voyez qu’au niveau des sondages il est très dur de s’y retrouver. Ces faits constatés, on peut dire que oui, ça vaut la peine de guetter la chose … Maintenant, compte tenu de la tension politique qui existe actuellement, de l’impopularité relative ou en tout cas de l’impopularité sondagière de François Hollande et du gouvernement actuel, je ne pense pas qu’ils se lanceraient aujourd’hui dans un sujet aussi polémique, d’autant que leurs alliés écologistes (…) sont des alliés à ménager, notamment en prévision des élections municipales de l’an prochain … Je ne pense donc pas qu’ils vont prendre sur le champ une décision définitive sur l’exploitation des gaz de schiste ».

Le PS piétine. Il patauge dans l’indétermination la plus totale, ignorant si le passage au schiste pourrait être, ne serait-ce qu’à court terme, une panacée contre la crise. De manière générale, l’insuffisance gazière que nous constatons à l’heure actuelle s’apparenterait de par sa genèse à une insuffisance cardiaque chez une personne obèse. Le poids excède la norme, le cœur doit pomper de plus en plus de sang en un délai de plus en plus réduit … jusqu’à arrêt cardiaque total ou grave handicap. Pareil pour l’Occident et la France ; plus concrètement: nous avons trop longtemps vécu sans nous demander si nos ambitions pouvaient oui ou non s’accorder aux moyens réels dont nous disposons, tombant victimes d’un consumérisme dérivé des pires égarements du capitalisme dans sa version tardive. La course aux ressources, course dont le Moyen-Orient devint la première cible, en est déjà en soi une preuve saillante. N

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