Richard Wagner : deux visages, deux héritages

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Le 22 mai on commémore le bicentenaire de la naissance d’un éminent compositeur allemand, Richard Wagner, dont l’influence sur la culture musicale de l’Europe est immense. Il ne faut pas être spécialiste de musique ou musicien pour reconnaitre le style de Wagner. Chacun a sûrement dû entendre les extraits de ses drames musicaux. Sa musique basée sur le mysticisme continue à fasciner et jouit de la popularité auprès du public du monde entier. Le nom de Richard Wagner est inscrit sur la liste des compositeurs les plus importants et les plus influents en tout temps. C’est un côté compositeur de Wagner. Mais dans la vie c’était une personne très complexe. Son antisémitisme acharné l’a placé près de ceux qui sont considérés comme les ennemis de l’humanité. En outre les idées du compositeur allemand servaient de source d’inspiration pour Hitler et elles ont eu un certain impact sur l’idéologie nazie. Bien évidemment, cela entache la réputation du compositeur parfois à tel point qu’on interdit sa musique (dans le cas d’Israël, par exemple). De nos jours l’homme et l’œuvre divisent toujours.

Aujourd’hui 200 ans après sa naissance il est intéressant d’apprendre comment on se souvient de Richard Wagner en France qui a été beaucoup influencée par son œuvre. J’ai posé cette question au critique d’art français, Jean-Bernard Cahours d'Aspry.

M. Cahours d'Aspry: C’est quand même l’un des grands maîtres. Il a eu une influence énorme sur la musique française à tel point qu’à partir de Debussy qui est le premier grand concurrent manifesté on a commencé à avoir une sorte « d’overdose » de Wagner. Et après il y a eu des prises de positions très anti-françaises de R. Wagner. Si nous parlons de l’actualité littéraire de R. Wagner, bien sûr, il sort des torrents de géographie. Mais il y a quelque chose qui est à prendre en compte, c’est un livre qui vient d’être publié par Pierre-René Serna, un petit ouvrage de 86 pages qui est un condensé d’anti-wagnérisme. Ça se présente comme une encyclopédie, un dictionnaire et ça s’appelle L’Anti-Wagner sans peine, il est édité chez un grand éditeur Les presses universitaires de France. L’auteur reprend tous les tabous, l’antisémitisme, les compositeurs ... C’est très bien fait. Pourtant Serna est un grand spécialiste de la musique française et particulièrement de Berlioz.

C’est très ambigu donc… il ne faut pas oublier que Wagner est le « père » de Vincent d’Indy, de beaucoup de compositeurs français qui ont été Wagnériens. Un journaliste musical français lui a demandé : qu’est qu’on peut faire pour faire une musique nationale ? Il disait : Prenez des légendes, prenez des thèmes de votre pays et faites quelque chose de chez vous. Il n’obligeait pas à faire de la musique allemande. C’est comme ça qu’il a influencé aussi beaucoup de compositeurs russes, il faut le reconnaître.

LVdlR : On accuse souvent Wagner d’être antisémite et nationaliste. Est-ce qu’on le lui reproche toujours en France ?

M. Cahours d'Aspry: J’ai connu à un moment des Juifs qui ne voulaient pas entendre parler de Wagner. Mais j’en ai connu, au contraire, qui étaient des fans de Wagner. Mais l’art est au-dessus des idées. Il faut prendre ce qu’il y a dedans dans ce que donnent les artistes. Comme si on condamnait Chostakovitch pour avoir répandu des idées bolchéviques alors que le pauvre était à la fois de son temps et ne faisait peut-être pas ce qu’il voulait. Et lui aussi c’est une des montagnes parmi les musiciens. Si on n’aime pas la musique de Wagner c’est parce que on peut être énervé, je ne dirais pas, par ces idées ce qui est stupide. Mais parce qu’on en a marre d’en entendre. Au début du XX siècle en France tout était wagnérisé. Et puis Debussy et beaucoup de Français au moment de la guerre ont créé une société anti-Wagner. Mais c’est parce que d’abord on condamnait beaucoup de musiciens allemands en ce moment-là. A la même époque vous supprimiez Saint-Pétersbourg par Petrograd. C’est des reflexes. Une fois qu’on a repris ses idées, on doit admettre ce qui est beau même si c’est l’ennemi qui l’a fait. Et la beauté ce n’est pas forcément intelligent, politique. C’est d’abord l’art et l’art vient de quelque chose d’extraordinaire, c’est au-delà de l’ordinaire. Donc il faut passer au-dessus des idées politiques, ça fait de la propagande.

LVdlR : Qu’est qu’il faut retenir donc de la personnalité de R. Wagner ?

M. Cahours d'Aspry: Wagner, effectivement, c’est la musique allemande. On pourrait le comparer à Glinka en Russie, à Berlioz en France. Il a fait une musique qu’on ne pourra jamais renier. Ce matin nous avons eu un grand historien qui vient de se suicider, et on a mis de la musique de Wagner pour lui rendre hommage. Et pourquoi mettre de la musique allemande ? Parce qu’il était européen, il se voyait européen. Notre culture c’est quand même un mélange de toutes ces musiques.

Le bicentenaire de la naissance de Richard Wagner est largement célébré cette année en France. La célébration marque le temps fort de la saison 2012-2013 de l'Opéra national de Paris. On y présente un "Ring" complet (Der Ring des Nibelungen) pour la première fois depuis plus de cinquante ans. La programmation a débuté en janvier 2013. On organise également des expositions dédiées au maître ainsi que des colloques. Le 23 mai, notamment, selon M. Cahours d'Aspry, il y aura un colloque universitaire à la Fondation Singer-Polignac où seront réunis des spécialistes européens qui vont aborder tous les sujets de Wagner.

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