La beauté impérissable de la ville russe de Niandoma

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La beauté de Niandoma est pareille à celle de certaines femmes d'un âge avancé. Elle était belle dans sa jeunesse. Puis après avoir donné la vie aux autres, elle a commencé à vieillir et ses enfants ingrats ont cessé de s'en soucier. Mais ses yeux gardent les reflets de cette beauté d'antan et la légende de sa jeunesse ne s'éteindra jamais.

La localité de Niandoma est située à 2 100 km au nord-est de Varsovie. Si quelqu'un ignore où se trouve Varsovie, voici d'autres coordonnées : environ 850 km au nord-est de Saint-Pétersbourg, 800 km au nord de Moscou et 500 km au sud d'Arkhangelsk.

C'est une petite ville peuplée de 20 000 habitants. Si elle se trouvait sur une route animée, un conducteur la traverserait sans lever la pédale de l’accélérateur. Mais dans le Nord de la Russie, où la densité de population est très faible, tout est différent. Moi aussi, je conduis et je me rends en voiture de Varsovie à Arkhangelsk. Je participe au projet de rédaction Internet de La Voix de la Russie intitulé « La Russie vue par un journaliste polonais ».

Tout le monde connaît la légende américaine du Far West et chacun sait comment le chemin de fer a influé sur ses communications avec le monde extérieur. La même chose a eu lieu en Russie. C'est le chemin de fer qui a relié la partie européenne du pays à la lointaine Sibérie. Le chemin de fer le plus connu est le Transsibérien : tous ceux qui s'intéressent à la Russie en ont entendu parler. Mais il y a aussi un chemin de fer du Nord sans lequel Niandoma n'existerait pas.

A vrai dire personne ne connaît exactement l’origine du nom de la ville. Selon la première version, il proviendrait du nom du prince Nian qui aimait chasser dans cette région il y a plusieurs siècles. La deuxième hypothèse est plus simple : la ville aurait emprunté son nom, à la rivière Niandoma. On sait cependant qu’en finnois ancien « niandoma » signifie « pays riche ». La région est dotée, en effet, d’une nature très riche. La taïga locale abonde en bois, en gibier, champignons, baies et poissons. Plus de 500 lacs entourent cette petite ville, dont 365 seulement sont étudiés.

Niandoma n'existerait pas sans le chemin de fer du Nord. Et celui-ci n'existerait pas sans la société du chemin de fer Moscou-Yaroslavl. Et cette dernière, à son tour, n'existerait pas sans Ivan Mamontov et son fils, Savva (1841-1918). C'est grâce aux Mamontov que Moscou et Saint-Pétersbourg ont bénéficié d’une liaison ferroviaire avec Arkhangelsk. En 1894, la construction d'un chemin de fer à voie étroite a commencé entre Vologda et Arkhangelsk (environ 750 km). Il a été terminé quatre ans plus tard. En 1905, Niandoma comptait près de 1 500 habitants. En 1915-1916, cette voie ferrée a été élargie.

Outre ses dons d'homme d'affaires, Savva Mamontov était un homme perspicace. Il comprenait qu'en construisant des voies ferrées il apportait la civilisation sur les terres par lesquelles ils passaient. Niandoma, qu'il aimait bien, était un des principaux points de l'itinéraire. Mamontov a voulu que ce soit une ville belle, moderne et confortable. Et il l’a édifiée. On a commencé par la gare et l'église pour passer à la construction des maisons d'habitation. Le matériau de construction, le bois, était le moins cher – il abondait dans la région. Mais quelles maisons ont été construites avec ce bois !

D'abord on a construit des maisons d'habitation collective qui différaient radicalement de tout ce qu'on pouvait voir sur d'autres lignes de chemins de fer. Chaque maison avait de solides fondations en granit et se distinguait par son architecture recherchée. Les appartements étaient spacieux et clairs grâce aux grandes fenêtres, les plafonds étaient hauts. Chaque appartement avait une salle de bain et un tout-à-l'égout. Chaque famille avait sa propre entrée et les maisons étaient entourées d'une palissade. Des caves en béton ont été aménagés dans chaque cour.

Tout s’insérait élégamment dans le paysage environnant conformément à un plan. Ainsi des excavations creusées pour en extraire l'argile étaient transformées en étangs pittoresques. Pour prévenir leur assèchement et la stagnation des eaux, ils étaient reliés aux lacs naturels. Un étang en plein centre de la ville devait servir de patinoire en hiver.

Elena Kouznetsova, directrice du musée local, connaît l'histoire de Niandoma mieux que quiconque et aime la ville plus que les autres. La journaliste Ania Gousselnikova, de l'hebdomadaire local Avant-garde, est la plus grande spécialiste de la vie actuelle de Niandoma. Il est évident que les deux jeunes femmes sont liées par une grande amitié. Il suffit de voir comment elles sourient en se regardant. Elena raconte et Ania écoute. Les deux caressent des rêves. Elena rêve à de nouveaux locaux pour son musée. Ania voudrait avoir des raisons d'être fière de la ville qu'elle aime tant.

La ville est plongée dans une crise profonde, on peut dire qu'elle se meurt. Personne ne veut le reconnaître, mais c'est évident. Sans l'enthousiasme et la passion de mes guides je ne pourrais pas remarquer la beauté d'antan de Niandoma.

Les autorités municipales ne savent pas comment la sauver. Elles n'ont aucune idée de la manière d'utiliser son potentiel pour attirer les gens et les capitaux. Peut-être qu’un haut responsable lira cet article à Arkhangelsk ou à Moscou. Peut-être que ce sera un représentant des milieux d’affaires. Peut-être penseront-ils à cette ville construite par Savva Mamontov et aux rêves d'Elena et d'Ania. Qui sait... T


© © Photo : Dariusz Cychol
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